Des conseils de lecture qui sentent la fin de l'été... et la rentrée littéraire !
« Tout le monde imagine une vie meilleure, mon pote. C'est ce qui maintient les gens en vie, avec l'envie de vivre, en vrai », déclare Pedro révolté.
Peut-on devenir dealer d'herbe en restant fidèle à ses principes ? Peut-on utiliser les théories de Marx pour conquérir sa dignité ?
Dans les favelas de Porto Alegre, deux rayonnistes de supermarché, aux allures d'un Don Quichotte lettré et d'un Sancho Panza révolté, vont se lancer dans une aventure trépidante pour échapper à leur exploitation dans un travail mal payé et dénué de sens. Entre trafiquants, gangsters et vieux manuels d'économie lus dans les transports publics bondés, entre Marx et Tarantino, un premier roman plein d'humour, provocateur et stimulant.
Des conseils de lecture qui sentent la fin de l'été... et la rentrée littéraire !
A Porto Alegre, Pedro et Marques, deux jeunes hommes issus des favelas, travaillent comme rayonnistes dans un supermarché. Pedro vit avec sa mère, et Marques avec femme et enfant (plus un deuxième en route), dans des bicoques délabrées. Leur travail sous-payé ne permet pas à ces esclaves post-modernes d’espérer autre chose que de gagner tout juste de quoi se nourrir.
Mais Pedro a un plan pour sortir de cette pauvreté crasse qui lui colle à l’avenir. Imprégné de ses lectures autodidactes (dans le bus à l’heure de pointe) de Marx et consorts, il n’est que trop conscient de sa condition d’exploité, et rêve d’argent et de train de vie confortable. A force de rhétorique et de raisonnements acrobatiques mais imparables, Pedro parvient à convaincre Marques d’embarquer dans son projet, qui au final s’avère aussi amoral qu’efficace. Jusqu’à un certain point. Jusqu’à ce que la rentabilité de leur petit bizness suscite la convoitise de gangsters d’un autre calibre.
« Supermarché » est un roman truculent et plein d’humour, mais qui fait cependant rire jaune, parce qu’il projette une lumière crue et impitoyable sur la misère et la violence des favelas brésiliennes, et plus largement sur les inégalités sociales et économiques et la corruption endémique dans ce pays dit « émergent ». Un pays dans lequel les travailleurs honnêtes n’arrivent pas à s’enrichir, ni même à vivre décemment : « il [un livreur de drogue] était heureux et satisfait de sa vie : sa dignité et son estime de soi atteignaient des niveaux que le travailleur honnête ne connaît malheureusement pas au Brésil ».
José Falero, lui-même issu d’une favela, sait de quoi il parle, et il le fait rudement bien, avec un art consommé du dialogue, des personnages attachants, une intrigue bien construite et qui entretient un certain suspense. Jubilatoire et dramatique, « Supermarché » est un premier roman remarquable.
Les théories marxistes appliquées au trafique de drogue, ça peut fonctionner.
Dans les favelas de Porto Alegre, deux metteurs en rayon d’un supermarché Pedro et Marques vont se lancer dans la vente de cannabis dans leur favela respective. C’est un créneau qui n’était pas pris par les trafiquants de drogue car pas assez lucratif, alors qu’il y a de la demande.
J’ai aimé Pedro et ses discours marxistes qu’il applique à son business : tous les revendeurs et eux-mêmes les organisateurs toucheront le même salaire des revenus du trafique.
J’ai aimé Marques le révolté avec une femme et deux enfants qui veut juste avoir une vie meilleure.
J’ai aimé le style parfois proche de la parole qui donne un côté vivant aux dialogues (“Non mais regarde, oui, oui, oui, d’accord mais regarde, non, non, non, qu’est-ce que je disais, mais écoute-moi, écoute-moi, écoute-moi, ah, fermez vos gueules, laissez-moi parler, bande de cons !”)
J’ai été triste pour Luan, un des revendeurs, qui claque tout son argent avec des belles filles mais qui est attachée à sa vieille mère.
J’ai aimé le vieux Veio qui donne des conseils de vieux routiers aux jeunes, notamment celui de ne pas trop saler la soupe que l’on mange toute sa vie.
Une lecture à la fois divertissante et intelligente sur une certaine idée du capitalisme.
L’image que je retiendrai :
Celle des goûters pantagruéliques à base de bonbons, de chocolats et de sodas que se font Pedro et Marques avec des produits du supermarché dans lesquels ils travaillent sans jamais les payer.
https://alexmotamots.fr/supermarche-jose-falero/
« J'ai déjà passé trop de temps dans ce dilemme à la con de devoir choisir entre être bandit et être esclave. J'ai déjà ramé trop de temps à contre-courant. Basta ! C'est le moment de kiffer un peu les bonnes choses, moi aussi je suis un enfant de Dieu. »
Comment survivre et sortir de la misère quand on vit dans une favela, qu'on aime lire Marx et qu'on n'a plus rien à perdre ? Pedro et Marques, habitants des favelas du Sud de Porto Alegre, sont rayonnistes dans un supermarché. Ils veulent devenir riches, à tout prix. Alors se lancent dans un trafic de marijuana, histoire de briser définitivement le cycle de pauvreté à laquelle leur famille est condamné en respectant la loi. Pedro a lu tout Marx dans les trains bondés qui le mène chaque jour de sa favela jusqu'au taf et vice versa. Oo la lecture comme porte d'entrée à la non-aliénation par le travail.
Dès les premières pages, on sent qu'on va passer un bon moment en compagnie de ce duo à la Don Quichotte / Sancho Pancha. José Falero a l'art des dialogues, vifs, drôles, bavards comme dans un Tarantino, notamment grâce au formidable personnage qu'est Pedro : cultivé et éloquent, il a mis au point toute une rhétorique pour expliquer son plan à ses comparses à coup d'explications très didactiques actualisant le concept marxiste de lutte des classes dont il est fan, sous le regard admiratif de Marques qui voit sa propre révolte intérieure ainsi fabuleusement décrites. On se marre encore plus lorsqu'il applique les théories communistes au fonctionnement de sa start-up de deal.
José Falero, né dans les favelas, une trajectoire d'écrivain particulière puisqu'il a arrêté l'école à quatorze ans, sait de quoi il parle. Tout sonne juste mais sans les clichés même si la violence, les gangs et la drogue sont des curseurs stéréotypés des favelas. Derrière la fantaisie des dialogues et du plan pour s'enrichir, c'est toute la violence sociale du Brésil qui est surgit, avec ses inégalités abyssales qui voient des travailleurs pauvres éternellement assujettis et désespérés de voir toute possibilité d'amélioration honnête leur être interdite.
Non, nous dit Falero, au Brésil, on ne peut devenir riche sans commettre un crime ou gagner au loto. Et ça fait du bien de lire un bouquin avec du fond, drôle et provocateur pour parler du Brésil contemporain, sans langue de bois ni moralisation lourdingue. Vraiment très réussi !
« Supermarché » nous offre une vision totalement différente des favelas brésiliennes et de leurs habitants, loin des images toutes faites et des stéréotypes. Évidemment, la drogue et la violence n’en sont pas absentes, loin de là, puisqu’elles constituent l’essence même de l’intrigue. Le résultat est assez improbable, mélangeant allègrement les genres et les registres, tour à tour profond et drôle. Il propose une réflexion sur la vie dans les favelas et l’espoir de conquérir sa dignité, mais aussi par moments une action survitaminée. Un récit porté par un duo de personnages haut en couleurs : Pedro, surnommé le Cintre, spécialiste des théories marxistes, et Marques, son disciple, sanguin et révolté, plutôt dans l’action. Un duo à la Don Quichotte et Sancho Panza, ou à la Minus et Cortex ! Cette épopée de dealers attachés à leurs principes et qui tentent d’adopter une approche rationnelle et économiquement sensée dans leur activité à quelque chose d’exaltant en même temps que terriblement provocateur. Un roman jubilatoire, inspiré (en partie seulement) de la vie et du parcours de son auteur dans les favelas brésiliennes.
A Porto Allegre, il n’est pas si simple de s’accommoder des maigres revenus issus d’un emploi de magasinier dans un supermarché. Lorsque Marques est embauché, Pedro lui explique le fonctionnement, officiel mais aussi officieux et lui démontre dans une diatribe haute en couleurs, que tout ce qui est au patron est aussi à lui et que le vol n’en est pas un !
Malgré ces petits arrangements, tout de même un peu risqués, la pauvreté les accable. Mais Pedro a un plan ….
Des histoires de dealers dans les quartiers défavorisés, on en a tous déjà lues. Mais ce qui manquait pour leur donner du piment, c’était Pedro ! L’extraordinaire as de la dialectique, capable d’éviter la guerre entre deux gangs, d’expliquer la vie, l’amour et tout le reste à ses interlocuteurs qui n’ont plus qu’à acquiescer, abasourdis par sa logique implacable. Et tout cela avec un calme olympien, une totale maîtrise du raisonnement.
Et c’est ce qui confère toute son originalité à ce roman brésilien, magnifiquement traduit, on s’y croirait !
L’action n’a pas été oubliée, certaines pages se lisent avec angoisse et crainte pour la bande de Pedro. Les méchants de ce milieu sont des vrais méchants solidement armés.
Truculence des dialogues et intrigue tout à fait plausible et bien construite font de ce roman un excellent roman noir.
304 pages Métailié 26 Août 2022
Traduction (Brésilien) Hubert Tézenas
#Supermarché #NetGalleyFrance
Premier roman de José Falero, lui-même issu des favelas de Porto Alegre dont il raconte la vie à travers quelques copains qui n’ont que le choix de trimer, être pauvres et sans avenir ou devenir délinquant set se remplir facilement les poches avec une durée de vie limitée !
Pedro et Marquès sont tous deux employés dans un supermarché dans lequel ils piochent allègrement des en-cas avant de monter un petit réseau de substitution et de revente.
Pedro est célibataire, vit chez sa mère et a un esprit vif et la soif d’apprendre à travers n’importe quelle lecture. Marquès est englué dans une vie de couple et de père où un second enfant va bientôt pointer son nez, accentuant leurs difficultés à vivre.
J’ai adoré le bagou de Pedro, ses théories et leurs démonstrations, sa façon de voir l’avenir avec un positivisme pratique, ses idées et leurs mises en pratique ! Marquès est moins intelligent et finit par se laisser “manipuler” par son ami jusqu’à ce que la révolte s’empare de lui !
Le traducteur a réussi le tour de force de traduire et restituer le langage des favelas, conserver la force de persuasion de Pedro sans effacer les difficultés à vivre dans ces endroits.
Le roman est bourré d’humour, plus particulièrement dans les dialogues de Pedro et malgré ça, il est difficile de ne pas sentir la violence sous-jacente qu’un rien peut faire éclater !
Une peinture réaliste d’une certaine frange de la société brésilienne, écrite avec finesse et bonhommie mais qui ne perd rien du côté tragique et désespérée de la vie !
J’ai été révoltée, peinée, enjouée et totalement conquise par ce roman !
#Supermarché #NetGalleyFrance #rentreelitteraire2022
Dans un supermarché Fix, au cœur d'une des favelas de Porto Allègre, Pedro et son copain Marquès sont affecté au réapprovisionnement des rayons. La fauche y est monnaie courante et leurs menus larcins de sucreries et sodas agrémentent leurs pauses et celles de leurs collègues.
Pedro, pétri de justice et rêvant d'une égale répartition des biens et des richesses, embarque son pote Marquès, dans un trafic mûrement réfléchi : la vente de marijuana aux lycéens er autres gens friqués, après avoir reçu l'accord des deux chefs de gangs spécialisés dans la cocaïne et le crack, peu intéressés par l'herbe qui rapporte peu pour un trop grand volume.
Le supermarché devient ainsi la plaque tournante du trafic, mais pour gagner plus, il faut vendre plus. Pour vendre plus, il faut plus de vendeurs, qu'il faut rémunérer au juste salaire, tout en fidélisant les clients en leur proposant de la marchandise au juste prix ...
Tout une réflexion sur l'économie de marché, le partage des bénéfices, en restant sous le radar des vigiles du magasin, des policiers qui pourraient surprendre les échanges ...
Un roman atypique, avec des personnages plus vrais que nature, un ton ancré dans la rue ...
Je suis ravie de m'être accrochée malgré la logorrhée des premiers chapitres qui me faisait un peu tourner la tête.
Bref José Falero décrit la favela où il a grandi, les copains de son enfance, leurs rêves, sages ou pas et leurs destins ...
Une belle découverte de la rentrée littéraire que je dois aux Éditions Métailié et à NetGalley que je remercie vivement ici de m'avoir permis de lire cet ouvrage avant publication.
#Supermarché #NetGalleyFrance
J'ai choisi de découvrir le titre de cet auteur brésilien avant les autres. José Falero s'est fait découvrir grâce au blog qu'il tient, aux textes qu'il y a publiés, réunis par la suite dans un recueil de nouvelles. Tout comme son auteur, le roman nous vient tout droit des favelas de Porto Alegre, la capitale gaucha de l'Etat Rio Grande do Sul, situé à l'extrême sud du Brésil. Gaucha, parce que les habitants de l'état portent le nom de gaúchos » un terme désignant originellement les gardiens de troupeaux des pampas (plaines) d'Argentine et d'Uruguay. » (mylittlebrasil.com)
Si j'avais eu l'occasion à travers quelques titres précédents de visiter la région du Nordeste d'un des plus grands pays d'Amérique latine, je n'ai pas encore eu l'occasion de pénétrer ces périphéries de pauvreté urbaines, les alignements de maisons fabriquées à partir de matériaux de récupération, que l'on désigne sous son appellation portugaise, favelas. C'est aussi l'occasion de dépasser ces clichés, qui faute d'autres lectures et de temps à consacrer pour celles-ci, demeurent éternellement figés dans un coin de ma tête. José Falero nous amène dans ce qui est son monde, ces rues pleines de maisons qui tiennent par quatre bouts de planche, où la pauvreté n'engendre que la pauvreté, et les visions d'avenirs s'arrêtant au même point que finissent leurs rues. Ces favelas excentrées de tout, de cet « asphalte » des quartiers de classe moyenne, goudronnés et entretenus, ou sont implantés écoles et autres infrastructures de la vie quotidienne. Tout cela, incarné par Pedro, rayonniste dans un supermarché quelconque, gagné par un puissant ras-le-bol existentiel sur sa condition de favelados dans laquelle il était enfermé avant même sa naissance. Avec cette conscience douloureusement aiguë de sa condition d'homme sans le sou, sans éducation, sans relation, sans d'avenir vraiment radieux qui se profile devant lui, il se décide à saisir la seule chance, pense-t-il, qui pourrait lui amener un peu de confort : le trafic de marijuana.
C'est là que se déploie tout le talent de Pedro, qui se révèle comme roi des embrouilles, et des combines, à travers une langue bien elle, celle des quartiers, celle de la légèreté de l'homme, insouciant en apparence, consommateur d'herbe, voyou à la petite semaine, une langue pas vraiment châtiée, mais qui garde pour elle toute sa puissance expressive. Car c'est une réalité plus sordide qu'elle appréhende, édulcorée par cet optimisme inébranlable, cette désinvolture, qui caractérise Pedro tout au long du livre. Il y a un décalage entre la gravité de la situation de ces maisons confinées étroitement entre une pauvreté âpre, le trafic de tout ce qui peut se vendre, la drogue encore plus, sa violence inhérente et la consommation effrénée de poudre et de cailloux, qui finissent par court-circuiter les cerveaux. Pedro est malin et intelligent, il a les pieds sur terre, c'est un bon gars, et tel un baronnet de la drogue, il va monter avec son collègue de travail, Marques, son propre réseau, bien vite, fructifiant. le discours qu'il tient tout au long de cette épopée de drogue est très sensé, terre-à-terre, objectif, sans lamentation, sans apitoiement sur lui-même, il tient lieu de constat. Ce n'est pas seulement la situation à lui, mais celle de Marques, Angelica et Daniel, le couple qui travaille l'un comme l'autre, mais sans jamais arriver à gagner assez pour refaire le parquet pourrissant de leur maison, ultime symbole de ce précarité odieusement tenace et indélébile. Pedro avec son esprit résolument gauchiste et révolté, à défaut de pouvoir lancer sa propre révolution, insuffle l'esprit à cette bande qui s'improvise narcotrafiquant le temps de mettre beurre et épinards dans leur assiette.
Il n'est jamais question de sortir de ces favelas, même lorsqu'il y aurait assez d'argent pour se faire une vie ailleurs, comme si ses habitants étaient naturellement liés à elles. Ces favelas, elles ont toutes l'air d'être une grande famille, ou tout le monde survit, avec les mêmes embrouilles, les mêmes trafics, régit par les mêmes règles, la même loi du silence. L'expression apparaît, on pourrait résumer ces vies, sans réelle et vraie perspective, d' »histoire maudite », où la force de la destinée est à l'évidence plus forte que l'envie et la volonté de se sortir des favelas. C'est un roman bien sombre, mais qui ne tombe jamais dans la commisération, en revanche la misère et le pragmatisme de ses personnages s'expriment ponctuellement dans des éclats de voix avec force et intensité, et une lucidité crue, pour crier à l'injustice qui est la leur d'avoir vécu une naissance, et de vivre une mort, aussi invisibles l'une que l'autre. On aime, également, ces remarques entre humour et sarcasme qui pointent, ici et là, de l'auteur sur la folie et démesure de son pays, dans la vie quotidienne comme dans les faits divers qui épinglent les journaux.
Quand bien même ses velléités de trafiquant de drogue, Pedro reste un personnage très humain qui ne s'attache qu'à sortir de cette condition qu'il a reçu en héritage quitte à devenir le Pablo Escobar de sa rue. José Falero a permis de redonner une voix à ce peuple des favelas, et en partie la sienne, qui n'a pas souvent l'occasion de pouvoir s'exprimer. Des constatations désabusées, sur une partie de la société brésilienne sacrifiée, et un dénouement dans la même veine, où finalement les seules valeurs qui ne s'essoufflent pas sont celles de la famille, de l'amitié, et pour certains de l'écriture.
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