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"Peau vive" c'est l'histoire d'une peau.
Celle d'Eve biologiste de 37 ans. Personnage sensible et subtile qui vit recluse.
Son épiderme est une carapace qui lui interdit tout contact sous peine de douleurs inextinguibles.
Emmurée dans cette solitude extrême, c'est un événement tragique qui va bouleverser sa vie.
En effet, elle est victime d'un attentat un beau jour d'octobre 1988 en plein Paris.
De cette épreuve, elle éprouve le besoin de revenir aux origines pour peut-être comprendre et renaître. Elle entreprend de partir dans le seul lieu encore plus à vif qu'elle qui decline et s'effrite peu à peu ;comme une peau qui desquame; Berlin-Est.
La délivrance sera -t-elle au rdv ?
Au travers la plume racée et poétique de Gerald Tenenbaum c'est le millefeuille d'une vie qui nous est devoilé, tels les strates de l'épiderme.
Cette chair a mal, elle est en sursis. Elle souffre des non-dits familiaux.
Qui suis-je ? Quel est ma place ?
Via ces questions, Eve poursuit sa quête identitaire et initiatique pour terrasser cette phobie.
De ce dépassement à s'extraire de soi, muer, c'est aussi s'approprier son héritage. Libéré sa judaïcité intrinsèque.
Au travers ma réflexion j'en suis venue à me demander si ca n'est pas ces êtres parti trop tôt dans la fumée et les flammes qui s'incarnaient sous ce derme en souffrance.
Ce roman contemporain est un choc.
Un rdv pour l'héroïne avec elle même et une réflexion cathartique pour le lecteur.
Avertissement qui est un ravissement en cette saison littéraire, ouvrage non écrit à la première personne et pourtant il s'agit d'Eve, celle d'a-côté de la vie (le'haïm).
Une Eve qui n'est pas une duplique, mais une femme qui doit dépasser ce qui la tient "de côté" dans la vie "réelle".
Les livres de Gérald Tenenbaum s'ouvrent et accomplissent leurs oeuvres dans la plénitude du PARDES (le littéral, l'allusion, l'interprétation figurée et le secret). Il y a toujours donc plusieurs niveaux de lecture, ce qui est richesse pour les lecteurs amoureux de la forme et du fond ainsi que du symbolique (car "tout est symbole").
Peau vive, est aussi l'histoire de la deuxième génération après la tentative d'anéantissement : de celle qui est trentenaire à l'aube de la refondation de l'Allemagne (1988 / 1989) où le mouvement de libération de peuples durant la fin de la guerre froide va conduire à la réunification de Berlin (à l'époque redoutée par certains) qui n'est pas une capitale anodine.
Berlin renvoie à Jérusalem par delà les murs : l’un du fait des hommes, et l'autre mythique où l'on se présente en y déposant des petits papiers manuscrits, dont les murmures nous parlent à notre âme commune lorsque notre peau s'y tient tout contre, on le quitte sans le quitter des yeux et sans lui tourner le dos, de face on s'y présente / de face on s'en retire : moment de "vérité" profonde et dialogue de l'entre trois.
Eve va chemin re-faisant, après un attentat contre le film la Dernière tentation du Christ et la présence réelle du Juif errant, être extraite de ce lieu de désolation, inanimée: l'explosion se produit en "synchronicité" entre l'heure inscrite dans le film et l'heure du réel (une forme de vie d'Alice inversée), ce qui ne doit pas se passer a lieu - le réel et la fiction entrent en symbiose - et offre à Eve une "chance" à travers ce moment de déséquilibre pour lui permettre de forcer le passage d'une seconde naissance.
L'auteur se questionne et nous questionne ainsi sur la portée de la fiction et du réel à travers le travail d'écrivain et de la lecture d'un roman, de sa nécessité à la création, mais également sur la portée actuelle du réel dans une création , du signifiant et du signifié : aujourd'hui pour être lu et entendu il faudrait être uniquement dans le réel : faire vrai et oeuvrer dans le temps unique du "je" comme si les lecteurs pouvaient être intéressés uniquement « par le vivre à travers l'autre en se projetant en lui » comme dans le "jeu" de l'arène ou de l'image omniprésente, le temps de l'écrit est selon moi celui du "juste" et de la musicalité , du tempo ( le pli tombe t il de manière juste, la cohérence est elle présente, l'ossature, le sens ...).
Eve est en errance entre réel (espéré : vivre auprès d’André en dépassant sa phobie du toucher et être femme) et irréel dans cette quête, deux faces d’une même pièce d’un même tissu (une maille à l’endroit et une maille à l’envers), utiliser l’un et combattre l’autre tout en s’y référant. Le mythe et le factuel, le factuel devenu mythe et les symboles, trouver le chemin et l’oxygène qu’importe le support afin de trouver sa place en devenir.
A cet égard, dans Peau Vive, des forces de la nature vont se mettre à l'oeuvre mais au service d'une cause juste, pour atteindre l'heure Juste ...
Les personnages proches d'Eve ou au plus lointain : les personnages tout comme les êtres humains agissent dans les vies sans savoir qu'un seul geste ou regard peut conditionner une destinée, nous sommes tous des passeurs et des passants, aussi parfois dans Peau vive ne sont ils qu'à la croisée des chemins pour oeuvrer sans attendre plus dans ces fils tissés de manière "mosaïque" et damassée, les couleurs e les teintes y sont chatoyantes grâce au style de l'écrivain. Les "sauveteurs/sauveurs/salvateurs" portent ainsi les noms des apôtres et dans ce lieu clos : l'ambulance, la problématique se pose pour Eve, ainsi en sera t il également dans le train ...
Le voyage à Berlin Est et les scènes y sont magnifiques et émouvantes, elles s'inscrivent en profondeur, et elles restituent par le biais d'Eve, et du double, de l'onirique ( « chat de Schrödinger ») le temps de l'apaisement qui n'est pas celui de l'oubli mais du temps à ajouter sans retrancher le passé afin d'assurer un jour la transmission.
Eve présente entre les deux mondes va récupérer l'accès et la plénitude de ses cinq sens, du temps de la réparation ...
La venue de la troisième génération celle qui sera trentenaire à son tour avant 2020 comme une nouvelle "promesse de l'Aube".
Par ailleurs, des travaux sur l'ADN montrent qu'un traumatisme s'inscrit dans l'ADN et qu'il va se surmonter sur plusieurs générations ,voir les travaux en "épigénétique" étude menée par l'institut de psychiatrie Max Planck de Munich.
Dans le film "la dernière tentation du Christ" , Lucifer (celui qui a reçu la lumière) tente Jésus en lui offrant la possibilité de mener une vie humaine pour s'accomplir jusqu'à connaître l'expérience de la vieillesse et avoir une descendance, en l'empêchant de devenir ce qu'il doit devenir pour certains un être d'essence divine dans l'histoire des hommes.
Le juif errant représente l'essence humaine et son étincelle divine, témoin et porteur d'une espérance, "prisonnier" du temps des hommes et ote-age (ôter âge/haut âge/otage) immortel le temps n'a pas d'emprise sur lui : il est le témoin et l'oeil de la conscience du peuple. Celui qui est porteur du livre et des écrits, d'une espérance de la période de l'église de Jérusalem notamment, de l'usage "guérisseur" des symboles contre l'usage "guerrier" ...
Les films les ailes du désir et 7 minutes au Paradis à titre d'exemples présentent des personnages au parcours différent mais dont la forme épouse le parti pris de la place centrale de l'onirique dans la narration.
A découvrir et à partager ...
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