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« Patagonie », pétri d’humanité, de ténacité, d’endurance.
Un corps à corps avec la nature, sauvage et rebelle. Vaste et dans la rudesse d’un temps où tout peut advenir encore, en voulant effacer la présence humaine.
Autoriser l’accueil aux seuls (es) volontaires, prêts à fouler une terre qui les changera à la vie à la mort.
« Patagonie » vastes landes, montagnes et lacs salés. Tempêtes intestines, calme sournois. Tout peut changer et vite.
Seuil où recommence la vie, autrement, un accord tacite avec les quatre éléments. L’Argentine offre une part de lumière et de chance, de convoitise et de regret.
Comme un fil tenu indicible et incandescent.
« Un paysage où est censée commencer une deuxième vie. »
Du 18 mai au 3 juin, le récit cède la place à la polyphonie.
Un kaléidoscope entre un journal, l’épistolaire, des voix qui s’élèvent et deviennent le liant d’un texte chaleureux, puissant et formateur.
Nous sommes au cœur d’un abri-grotte, un refuge, un repaire. Un lieu-habitacle où d’aucuns, ici, posent leurs souffrances et leurs quêtes de partance.
En silence, dans une pudeur noble, en écoutant le vent frapper la fragilité d’une vitre.
Le spartiate comme pain, le sac à dos déposé usé et triste, abandonné dans la mélancolie de son sort.
La choralité est spéculative. Carolina Schutti prend la main de son texte et avance ses protagonistes comme des alliés (es), connivence.
Cinq marginaux sont le cercle de la narration. Des allers et retours, des veilles et des regards, la chaleur humaine, le foyer de tendresse, l’antre Alcazar. Les amitiés épiphanies et les vies qui se déroulent entre le passé de tous, les expériences, et les douleurs, et parfois dans la douceur d’un duvet commun.
Ben, Iris, Johannes et son journal pour Maja, Sarah et l’autrice qui encorde ses hôtes dans cette trame dont on ressent les frissons. Ne pas lâcher prise face aux imprévisibilités.
La quête initiatique. Prouver par l’endurance, la solitude, la promiscuité, serrés les uns contre les autres, dans ce lieu d’exil intérieur.
Johannes : Notes de journal, 21 février :
« Maja, le désir d’être heureux dans cet isolement balayé par le vent. Continuer sans fléchir à croire que l’on est sur la bonne voie. Vivre entre bois, terre, et pierre, sous un ciel qui vous fait sans cesse sentir son pouvoir…. »
Notes de journal, 27 février :
« Les mauvais jours, nous restons terrés dans nos chambres, nous croisons les autres en allant à la salle de bain ou seulement le soir, à l’heure de préparer le repas. »
Le récit intrinsèque et magnétique est spéculatif et signifiant.
La cruauté du désir endormi. La survivance comme plausible délivrance. Croire à la neige qui comble le toit. Aux craquements des branches et dans cette vulnérabilité qui pourtant donne des signes pour demain.
Tous, ici, déambulent entre ciel et terre. Naufragés dans une Argentine qui accorde cette part de chance, le voyage comme exutoire. Le point d’arrêt.
Accueillir l’itinérant des hasards. La chair du monde qui pénètre l’espace où tout peut recommencer, autrement. Le cycle des saisons qui forgent les regards.
Iris, 24 mai :
« Et toi : La tempête ne présage rien de bon. Tu as rentré tous les pots de fleurs, rangé soigneusement tous les outils dans la remise, cloué les volets…
Un tressaillement parcourt ton corps quand il est temps de déplacer vers l’arrière ton centre de gravité. C’est le rythme du vent qui décide de l’instant. »
Les tendresses allouées, les rituels comme un chat qui ronronne. Le bien-être en soi, l’autre solitude qui s’enfuit de par vent et le fracas de ce qui fut.
C’est un roman de souffle et de force, poignant, un parchemin de vies lumineuses et cabossées. Sa beauté est à l’instar d’une Patagonie dont il faut percer tous les mystères. L’acuité verbale, le génie littéraire, l’évidence des tragédies.
« Patagonie » qui excelle de sentiments. Solaire et irradiant, c’est un antidote à la morosité et au manque de courage. Un livre de salut !
Traduit de l’allemand (Autriche) par Jacques Duvernet. Publié par les majeures Éditions Le Ver à Soie.
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