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Elles ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes. Alma, jeune mère incarcérée, écrit comme autant de bouteilles à la mer de longues lettres à son ex-compagnon et père de ses enfants. Mais celles-ci restent sans réponse. Sa fille aînée, Sarah, tente d'alléger son mal-être en se confiant à son ordinateur. Lucinda, sa voisine de cellule, tombée pour trafic de drogue, apaise sa détresse en faisant défiler les souvenirs enchantés d'une enfance dont le fil s'est brutalement brisé.Trois voix de femmes s'entrelacent pour exprimer la douleur de l'enfermement. Dans cette existence interminable, le futur est le meilleur espoir qu'il leur reste.
C'est dans une nurserie que Karine Reysset a choisi de dérouler l'histoire de ces personnages. Nurserie... Un mot à la consonance anglaise qui sonne de manière presque désuète et nous renvoie à celui de lieu de naissance, de mise au monde, de nouveau-né. Un lieu protégé, presque feutré dans lequel la ouate semble ourler les sons, un cocon presque sacré qui sent la douceur et cette caractéristique odeur sucrée de lait.
Pourtant dans la nurserie qu'évoque l'auteur les bruits sont constants, ils rebondissent contre les murs, ils émanent des trousseaux des clefs, des portes qui s'ouvrent pour tellement mieux et vite se refermer, ils hurlent parfois le désespoir et la souffrance de femmes, de mères. Parce que cette nurserie-là, c'est celle du quartier réservé aux jeunes mères à la prison de Fleury-Mérogis.
L'ombre de nous-mêmes est un sublime roman chorale, sensible, subtil qui mêle la voix de trois femmes, celle d'une mère incarcérée pour avoir sans trop savoir comment commis une faute et qui s'accroche à cette grossesse presque providentielle pour ne pas sombrer ; celle de sa fille adolescente qui confie via son blog vidéo sa difficulté à vivre l'absence de sa mère, et celle d'une jeune argentine éprise de liberté, une toute jeune maman à qui l'on avait fait miroiter la vie facile si elle acceptait de servir de mule alors même qu'elle était enceinte.
Tout dans ce roman d'un réalisme qui fait presque mal montre à quel point la prison est "...un lieu de privation ou se concentrent toutes les misères du monde, toutes ses bassesses." La promiscuité avec les autres mères incarcérées, l'administration pénitenciaire qui broie, qui s'immisce jusque dans l'éducation, qui déresponsabilise, "cette errance immobile" qui pousse certaines à la limite de la folie... Toute la solitude, la culpabilité, les questionnements les plus intimes sont admirablement bien retranscrits à tel point qu'il faut parfois au lecteur s'aménager des pauses pour ne pas se sentir submerger.
Mais L'ombre de nous-mêmes est aussi et surtout une splendide exploration de la maternité, des sentiments qui lient une mère à son enfant. De ce lien viscéral presque animal qui se tisse, peu importe le lieu, l'entourage, la difficulté. De ce lien qui rien ne peut rompre/mettre à mal, pas même l'éloignement, pas même les faux pas, les médisances. L'ombre de nous-mêmes est une magnifique ode à l'amour...
Sincère et lumineux le roman de Karine Reysset est aussi d'une grande pudeur. Ne passez pas à côté de ce roman qui dit tellement bien le sentiment maternel, qui décrit tellement bien l'univers carcéral, le manque de liberté, la culpabilité aussi. Il faut absolument lire ces superbes portraits de femmes, de mères, cette magnifique célébration du sentiment maternel...
C'est un roman qui porte sur l'histoire d'Alma, enfermée en prison après avoir commis un délit (le mot est un peu faible, mais il n'y a pas crime) qui est révélé au milieu du bouquin. Alma a trois enfants: Sarah, dont on suit en parallèle les atermoiements sur son vlog, Anton, le dernier-né qui vit avec elle en prison dans le quartier des mères (ces deux-là ont le même père, Samuel) et Nino, le cadet, qu'Alma a eu avec un homme plus jeune qu'elle et avec qui elle s'est mariée. C'est un peu alambiqué et pas trop crédible (enfin, moi, j'ai trouvé ça un peu tiré par les cheveux). Bref.
Alma passe son temps en prison à écrire des lettres à Samuel pour qu'il lui donne des nouvelles, pour l'enjoindre à s'occuper d'Anton (ou du moins passer le voir) Anton. On suit également Sarah dans son "vlog" (vidéo blog). Cette partie-là est un peu ratée, l'auteure n'est pas convaincante quand elle se met dans la peau de la jeune fille. Enfin, il y a aussi l'histoire de Lucinda racontée par Alma. Lucinda est sa voisine de cellule, c'est une immigrée argentine à qui la vie n'a pas souri du tout. C'est ma partie préférée. Au final, je pense que si le récit s'était centrée sur Lucinda et son histoire, j'aurais bien aimé.
Je suis donc mitigé. C'est un peu lourd (c'est normal, ça parle de la vie à la prison) par moments et aussi répétitif. L'auteure tourne vite en rond.
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