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Cet enfant, il l'avait désiré et pourtant, à quelques jours de l'accouchement, il avait fui. Incapable d'en faire plus, de devenir père. De sa fille, il ne connaissait que le prénom, le jour et l'heure de naissance, reçus par texto. Mais il a appris qu'il ne serait pas question pour lui de faire des projets d'avenir. « Fulgurant », lui a dit le médecin en parlant de sa maladie. Il n'a plus que quelques mois à vivre, quelques mois pour être père. Alors il va aller chercher le bébé, l'enlever. Dans une baraque perdue au milieu des bois, il se cachera avec elle et s'inventera père.
Avec ce roman bouleversant, Arnaud Friedmann raconte la folie d'un homme qui tente de racheter ses erreurs et de transmettre l'essentiel avant qu'il ne soit trop tard. Loin du monde, dans une cabane qui a un air de paradis perdu autant que de masure délabrée, un homme et sa fille cheminent au bord du gouffre.
L’absolue paternité !
Un livre d’urgence, sous l’illimitée douleur. La gravité et l’enjeu d’une littérature spéculative.
« L’ Invention d’un père » , magistral, poignant, d’une lucidité indépassable.
Contemporain, la beauté inouïe d’un récit dont les jours sont d’ombre et de lumière, d’épiphanies et d’une tristesse infinie.
À contrario, ici, pas de pathos. Nous sommes dans la dignité qui élève la trame dans l’immense intelligence du temps présent.
Un homme quitte sa femme, trois jours avant la naissance de leur enfant.
Et pourtant, tout semblait être sauf l’hiver, sans contour vacillant, dans leurs pensées et leurs sentiments. Mais le futur père dans le flux de sa conscience ne peut assumer et pour cause. Il prend peur et fuit avant l’enfant. L’horizon tel le miroir de la dualité de son âme. L’immersion dans une tragédie. L’abandon ultime, l’expansion d’une lâcheté incontrôlable, peut-être.
Le huis-clos prend sens. Le sombre d’un récit où il n’y a pas de fenêtres sur l’avenir.
Lui seul devient l’espace entier d’une rupture. L’écriture est de connivence. Elle vibre et retient les conséquences d’une décision. Celle de quitter le cocon, l’Alcazar, avant que les brindilles ne fendent le nid de l’enfant. Il reçoit un texto de Nathalie, son ex-compagne qui lui informe le prénom de l’enfant, le jour et l’heure. C’est une petite fille : Béatrice.
On avance au plus près du secret. Il n’y a pas d’illustrations magnifiques. Le récit est le radeau de la Méduse de Géricault. Dans le vif d’une contemporanéité d’épreuves. Mais la délicatesse, la sensibilité sont garantes de ce récit sans consolation. Il apprend qu’il est malade. Le compte à rebours. Une maladie incurable le ronge. C’est un tsunami, fulgurant, tel le mot du médecin. Il va de révolte et de désespoir, chercher la fillette. Happer sa paternité, pour les quelques mois qui lui restent à vivre.
Kidnapper sa fille, la cavale est lancée. Partir tel un père vierge encore de caresses enfantines, en pleine nature, dans les bois, et vivre avec l’enfant dans sa cabane d’enfance. Le retour à la matrice-mère. Tout est symbole. Le toit de cette cabane est de tôle, le plancher de bois et fendu. Les échardes sont nombreuses, les risques de blessures aussi. Le spartiate au garde à vous. Béatrice franchit le seuil de la vulnérabilité. Entre les soins et les pleurs, la faim et les changes. Il assume, se découvre, et ouvre ses ailes d’albatros à l’enfant de sept mois. Entre les branches et la solitude, il sait l’origine du temps. Les aiguilles qui défilent et arpentent son corps en souffrance. Il meurt à petits feux. Trente trois ans, la jeunesse fusillée en plein vol. la chute d’Icare.
Il sait les dangers. Béatrice va être recherchée. Mais l’enfant est pure et ne sait pas la vie des grandes personnes. Elle babille, joue à quatre pattes sur le sol d’une cabane-grotte.
Bercée d’amour dans cet oracle où la mort se surprend à être un instant, un instant seulement dansante.
Il écrit l’épistolaire. Il inscrit sur la pierre qui résistera aux remords, lui et Béatrice sa fille, le lien et la filiation comme l’étoile du Sud.
« De n’avoir qu’une lettre posthume pour s’inventer un lien avec sa fille. » « Il ne déchire pas les feuilles. » « Il n’a rien d’autre à offrir. » « Béatrice le regarde. Elle paraît comprendre les tourments de l’homme qui la change, n’en tire aucune inquiétude. Au contraire, elle sourit. »
Il est magnifique dans sa rédemption. On aimerait le protéger, lui dire que ce livre est le sien, un hymne au père. Les jugements ne viendront pas. « L’Invention d’un père » et un mémorial. La prodigalité d’un Carpe Diem. Transmettre dans l’heure courte, sans îles ni espérances, les gestes de silence et d’apothéose.
Le récit tremble de pluie. La cabane semble se rétrécir. L’agonie gouffre d’un jeune père qui persévère et invente un relationnel quasi théologal.
« Soudain, une frénésie de mots. Une fureur. L’impatience, comme aux jours inspirés de sa jeunesse. » « Ne subsiste qu’un maintenant minuscule, sa fille qui pèse sur son torse et lui qui la regarde. » « Plus loin, un horizon d’arbres noirs. » « J’aurai connu ça avec toi. »
« L’Invention d’un père » est une œuvre extraordinaire. Bouleversant, bleu-nuit, inoubliable.
Atteindre par le pouvoir des mots, le retour du printemps. La raison d’un départ sans fuite ni faillite.
Magistral, le point d’altitude de l’amour.
Arnaud Friedmann est digne d’un génie évident. Ce livre est un parchemin d’une tendresse infinie et bien au-delà du renom, un livre universel. Publié par les majeures Éditions La Manufacture des livres.
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