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Commencée très probablement en 1952, la rédaction de ce grand roman fut interrompue en 1955, et Vittorini, que la mort de son fils Giusto avait durement touché, ne devait jamais la reprendre. C'est donc là une oeuvre qu'il faut dire inachevée, non sans insister toutefois sur le fait que, délibérément conçue par Vittorini comme capable d'un développement indéfini (il lui arriva dans les années cinquante de la désigner comme «work in progress»), elle était peut-être interminable par nature. Par le jeu de l'errance perpétuelle où il jette d'emblée les divers personnages qui y paraissent - un berger et son fils, un sculpteur de marionnettes et son fils, un couple de jeunes mariés, une vieille fille de joie et une adolescente vagabonde... - à travers une Sicile dont il serait vain de se demander si elle est la Sicile d'hier, la Sicile antique ou la Sicile «de toujours», et qui est bien plutôt une négation du lieu, lieu de passage, monde en diaspora, le livre prend la double dimension de l'épopée et de l'utopie. Utopie sans prophétie, épopée dont les épisodes seraient des idylles plutôt que des hauts faits. En cela, le roman exprime la longue marche que fut aussi toute la vie d'Elio Vittorini lui-même, marche d'amitié vers ce qui pourrait être la Ville, la vraie Ville du genre humain.
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