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Aux confins de l'Amérique, au milieu du XIXe siècle, dans cette région troublée par d'incessants heurts entre Mexicains et Américains, un chariot poursuit sa route. Aux rênes, Pigsmeat et Tom, deux amis de longue date, se pardonnent l'un à l'autre les massacres auxquels ils ont pris part et tentent d'oublier leur sinistre réputation. Ils escortent Flora, avec sa beauté prodigieuse et son regard fier que n'ont pas réussi à briser des années d'esclavage. Tous trois ont pris la route du Mexique pour accomplir la vengeance de cette femme : aller présenter à l'ancien maître de Flora le corps de son fils unique conservé dans un cercueil empli de sel. Ainsi avancent ces trois victimes malgré elles de la violence d'un monde en construction.
Dans ce roman qui emporte son lecteur de la première à la dernière page, Lance Weller dénoue le fil de ces destinées inoubliables pour nous parler d'humanité et de barbarie.
Qu’est-ce que je me suis sentie bien dans ce roman !
J’ai tout aimé : la construction, les personnages, l’écriture, les paysages, le côté historique.
Nous sommes entre 1815 et 1846, dans une Amérique en construction, on se dispute les territoires. La violence régit les rapports entre les hommes, on tue, on scalpe, on viole, on n’épargne personne.
« Tom prit alors la parole et leur dit que ce n’était encore rien d’autre que des marches frontières, rien d’autre qu’un territoire sauvage situé entre deux pays, où les hommes pouvaient aller mais où la loi ne les suivait pas. Il leur dit que c’était par le fer, le feu et le sang, qu’on ferait de ce pays autre chose que des marches sauvages, mais qu’on pouvait compter sur les hommes pour cela, parce que c’était ce qu’ils faisaient toujours : partout où ils allaient, les hommes apportaient avec eux, le fer, le feu et le sang. »
Tom, Pigsmeat et Flora : trois personnages, une rencontre improbable. Ces trois personnages sont très différents mais ils ont un point commun : leur vie n’a pas été un long fleuve tranquille jusqu’à ce que l’auteur les réunisse. J’ai beaucoup aimé cette manière de passer d’une époque à une autre. Nous ne comprenons pas les personnages en un chapitre mais en plusieurs, avec des allers et retours qui apportent vie et dynamisme à l’ensemble et qui éclairent au fur et à mesure les situations.
Roman de l’errance, le lecteur arpente les États-Unis, ou plutôt ce que deviendront les États-Unis, au gré des pérégrinations des uns et des autres. C’est remarquablement bien écrit, bien décrit. On suit leurs histoires respectives en apnée, pour ensuite, parcourir avec eux trois, quelques centaines de kilomètres vers le Mexique. Peu importe la raison qui les pousse à se rendre dans ce pays qui vient d’entrer en guerre avec les États-Unis, ce qui est important dans ce roman, c’est le voyage en lui-même, les rencontres, les souffrances, les paysages, les ciels étoilés, les rivières traversées, la poussière des chemins balayée. La crasse, l’alcool, la sueur, les maladies, non pas l’Amérique des beaux cow-boys séduisants, mais plutôt celle de la rudesse, il n’y avait pas beaucoup d’endroits pour se laver et se faire beau !
C’est un roman foisonnant et dense dont on relit certains passages avec délectation ou alors pour s’en imprégner davantage ou pour confirmer qu’on n’avait pas totalement oublié ce qui avait été dit de tel ou tel personnage ou de tel ou tel événement.
Quand je lis de tels textes, je me dis que décidément, certains auteurs américains ont vraiment du talent… Et Lance Weller tout particulièrement !
Une goutte de sang suffit, cette phrase ignoble justifiait le racisme ordinaire de cette époque.
J'ai pensé dès le début que le rêve américain prenait une grosse claque dans ces lignes. Une grosse gifle qui sent la sueur, la pisse, la merde, le vomi et le sang. C'est une époque où une certaine partie de ce monde ne veut pas des États-Unis, qui ne sont pas encore l'Amérique telle qu'on la connait. C'est une époque qui ne fait pas rêver, où la majeure partie des gens sont crasseux, malodorants, primaires, dans la survie et où la violence extrême est omniprésente. C'est l'époque de la construction de ce pays aux étendues immenses, où la vie était d'une dureté effroyable, où on tue, on viole, on scalpe, on tabasse à mort. Il y a tant d'angoisses et de douleurs dans l'histoire de ces gens pour qui trop souvent la vie se résume à "marche ou crève", sans désirs, sans rêves ou alors envolés dans l'âpreté d'un quotidien terrible.
Trois personnages, Tom, Pigsmeat et Flora, trois écorchés qui vont cheminer ensemble, que j'ai infiniment aimés tous les trois.
Tom, bébé silencieux que sa mère brutalisait rien que pour entendre le son de sa voix.
Pigsmeat dont la mère est morte en le mettant au monde et dont le père inconsolable l'a toujours rendu responsable.
Flora, métisse d'une telle beauté qu'elle devint esclave sexuelle. Elle a un dessein, une vengeance à accomplir. Ils vont l'accompagner car ils n'ont aucun but dans la vie et tant besoin d'en avoir un et parce que d'une certaine manière ils se sont tous trois reconnus.
L'auteur nous fait faire des allers-retours entre passé, présent et les différents personnages et j'ai adoré parce que ça maintient la tension, la curiosité et le désir d'avancer dans la découverte des protagonistes et de leurs histoires respectives.
On est loin des clichés des westerns hollywoodiens et on se rend bien compte que la réalité, c'était ce que raconte ce roman et non pas des cowboys à la dentition parfaite et des paysans relativement propres sur eux. Cette nation qui se dit la plus grande du monde, s'est construite dans la fureur et le sang, l'éradication et le pillage, la destruction et l'anéantissement, la spoliation et la barbarie.
J'ai trouvé cette histoire incroyablement dure et pourtant extrêmement belle. La narration y est pour beaucoup tant elle est imagée et poétique. Décrire les turpitudes d'un monde si violent et d'une telle puanteur avec autant de lyrisme et d'inspiration confine à la perfection.
C'est un énorme coup de cœur. Je suis tombée en adoration pour la prose sublime de cet auteur.
Tout d'abord, lire la quatrième de couverture peut, dans le cas de ce roman, s'avérer déconcertant, puisqu'elle associe les personnages qui mettent les trois quarts du livre avant de se rencontrer.
Essayons donc de ne pas tomber dans ce travers, ce qui n'est pas évident, d'autant que la construction faite d'allers et retours propose de découvrir des événements bien avant qu'ils ne soient réellement racontés. Je commencerai donc par les personnages : Tom, petit garçon muet, devenu adolescent raisonneur, puis tueur hors-la-loi et Pigsmeat, gamin élevé sans amour par son père, viennent de fermes de la même région, mais leur rencontre ne va pas de soi, tant ils sont différents. Les routes de l'Ouest les accueillent tous les deux, de même que Flora, belle esclave abusée et exploitée par son maître, et que seule la haine fait tenir debout.
Après avoir découvert Lance Weller avec le formidable Wilderness, je m'étais promis de le relire, et voilà qui est fait.
Après un petit temps d'adaptation, j'ai été emportée par ce roman comme par le précédent. Malgré quelques scènes violentes, comme l'était cette époque, et difficiles à lire, les personnages fascinants, les liens qui les unissent, et leur épopée si bien racontée m'ont fait vagabonder en plein XIXème siècle, vers des horizons démesurés.
L'errance sans but de Tom et Pigsmeat m'a fait parfois douter du contexte politique et géographique et je le précise donc : les Marches de l'Amérique, c'est une zone correspondant peu ou prou au Texas et au Nouveau-Mexique, qui, à cette époque d'avant la Guerre de Sécession, n'appartient ni aux États-Unis, ni au Mexique, qui la convoitent, tout en essayant d'en chasser les Indiens. C'est donc tout sauf un endroit calme.
Comme dans Wilderness, c'est le style qui fait la différence avec d'autres romans du Grand Ouest : l'auteur dépeint avec autant de maestria les trognes des personnages que les intérieurs sordides, autant la rudesse des paysages que les ciels sans fin. Sa manière originale d'annoncer les événements ne leur fait rien perdre de leur force, bien au contraire, et de même, les retours en arrière s'avèrent toujours judicieux.
Bref, un auteur que je recommande, avec ce titre ou un autre.
J'ai refermé ce formidable roman totalement éblouie ! Trois semaines après cette lecture, je sens encore son souffle formidable résonner en moi. Waouah !
Lance Weller nous fait plonger dans l'histoire fondatrice des Etats-Unis, première moitié du XIXème siècle, bien avant la guerre de Sécession, au moment où se construit cette nation dans une violence indélébile.
Direction les Marches, ces zones frontières particulièrement exposées à la fureur des hommes, âprement disputées entre le Mexique et les Etats-Unis qui viennent d'annexer le Texas et visent désormais le Nouveau-Mexique et la Haute-Californie. Ces marches de l'Amérique sont aussi symboliques, c'est toute la frontière entre le Bien et le Mal, le choc entre la civilisation et la barbarie, la confrontation du Blancà l'Autre qu'il soit esclave ou Indien.
C'est dans ce chaos de violence que l'auteur projette son trio, deux hommes, une femme, tous absolument saisissants de romanesque. A commencer par Flora, esclave auto-émancipée, une guerrière qui a vécu le pire et n'a tenu que grâce à une haine qui se diffuse dans tout son être et son corps. J'ai rarement rencontré un personnage féminin aussi puissant que celui-ci. Vois comment l'auteur la décrit à 14 ans :
« Instinctivement, les hommes se redressaient et rectifiaient leur tenue, déglutissant, la gorge serrée, tandis que des fantasmes de chair et de possession, débridés et honteux, montaient des entrailles des plus vertueux.(...)Quant aux femmes, elles se lançaient immédiatement dans un calcul corseté où il était question de sang et de quantités infinitésimales, estimaient les facteurs et les diviseurs du côté paternel, pour finir par siffler des mots comme octavonne et quinteronne une fois qu'elles imaginaient avoir trouvé l'équation de la personne. Mais ensuite, quand les hommes et les femmes voyaient son expression et la lueur dans ses yeux, ils étaient pris de frisson et poursuivaient leur chemin en toute hâte, se disant que son sort était ce qu'il y avait de mieux, pour elle comme pour eux. L'esclavage était plus sûr pour cette fille au visage cruel. »
C'est cette incroyable créature surpuissante qui embarque les deux autres - malgré leur sinistre réputation, surtout parce qu'ils sont des marginaux comme elle - dans sa quête de vengeance et de liberté. Fascinants personnages dont on découvre le passé au gré d'une construction qui sait alterner passé / présent sans que cela ne fasse factice ou déjà-vu. L'ellipse arrive pile quand il faut pour suspendre le temps, le retour en arrière percute le lecteur juste quand il lui fallait une électroc pour comprendre les aspirations profondes qui les animent.
C'est Flora qui donne un but à leur errance dans cette sauvage Amérique en construction. La venger, oui, mais surtout être libre, s'affranchir du passé, peut-être avoir une nouvelle chance qu'elle soit revanche ou rédemption. Pourtant, le trio semble avancer vers une fatalité terrible, cela ne fait aucun doute pour le lecteur, c'est évident. Mais l'écriture de l'auteur est tellement sublime, ample, ciselée, qu'elle transcende toute cette tragique errance vers quelque chose de lumineux.
Décidément, les éditions Gallmeister font un travail éditorial absolument formidables ! Que de trésors découverts grâce à elles ! Me reste plus qu'à me jeter sur Wilderness, le premier roman de Lance Weller.
" - Quand tu as derrière toi autant d'années que moi j'en ai, tu te mets à penser à tous les pas que tu as fait pour arriver là où tu te trouves, et tu te mets à penser à tous les pas qui te restent à faire. Et tu t'aperçois que le premier nombre ne cesse d'augmenter tandis que le second ne cesse de diminuer. Il s'amenuise. Tu te dis que si tu veux retourner dans un endroit que tu as bien aimé à une certaine époque, eh bien, tu ferais peut-être mieux de te mettre en route avant de tomber à court de pas. C'est comme ça qu'ils pensent, les vieux, et c'est pour ça que je me retrouve ici, dans ce désert. "
Alors Il est temps de se mettre en route pour cette longue marche de l'Amérique en compagnie de Tom, Pigsmeat et Flora.
À leur toute première rencontre, Tom avait 8 ans et Pigsmeat 10 ans, mais ce ne fût pas ce jour-là qu'ils devinrent inséparables. Chacun fera un bout de route seul avant.
" - Écoute. Tu n'en es qu'au début de ton voyage. Et de l'autre côté de cette rivière, il y a des choses à voir que tu ne trouveras nulle part ailleurs que là où elles sont. Des paysages et des ciels si beaux que tu en auras des douleurs dans les dents. Mais tu rencontreras le mal aussi. Le mal en abondance. Alors Il va falloir que tu sois équipé. "
Tom quitta la maison familiale au alentour de ses 16 ans, chargé de haine contre ce père qui ne fit que le maltraiter, laissant sa mère seule...
" Il avait en lui quelque-chose de rentré, inaccessible et douloureux - ses poings palpitaient au bout de ses poignets et sa mâchoire s'agitait comme s'il refermait en lui une sorte de violence, dont il ne savait que faire."
Une violence qui ne le quittera plus, qui enlèvera des vies, mais en sauvera aussi pendant sa longue marche..
Flora, une jeune mulâtre, esclave d'un homme riche, subira son sort enfermée pendant plusieurs années. Son maître fera d'elle une esclave sexuelle. Jusqu'au jour où elle croisera la route de Tom et Pigsmeat, nos deux compères enfin réunis et finira par se joindre à eux.
"Comme il a été dit, Tom et Pigsmeat avaient connu ensemble des années de difficultés et de misère. Ils avaient essayé le banditisme, mais ni l'un ni l'autre n'avait le cœur assez dur pour se comporter de manière aussi vile et, poussés par leur mauvaise conscience ils avaient rendu ou donné tout ce qu'ils avaient gagné. "
Sur un chariot, ils poursuivent ensemble leur route. Tom Et Pigsmeat escortent Flora qui a décidé de ramener à son ancien maître, le corps de son fils unique. Ils avancent jour après jour au milieu de la violence dans un monde en pleine construction.
" - Si ce n'est pas les États-Unis, c'est quoi ? demanda Flora ...
...
- Rien. C'est nulle part, je crois bien...
Tom prit alors la parole et leur dit que ce n'était encore rien d'autre que des marches frontières, rien d'autre qu'un territoire sauvage situé entre deux pays, où les hommes pouvaient aller mais où la loi ne les suivait pas. Il leur dit que c'était par le fer, le feu et le sang, qu'on ferait de ce pays autre chose que des marches sauvages,mais qu'on pouvait compter sur les hommes pour cela , parce que c'était ce qu'il faisait toujours : partout où ils allaient, les hommes apportaient avec eux le fer, le feu et le sang."
L'Amérique est en marche...
Lance Weller à travers une écriture lyrique nous brosse un portrait de la naissance de l'Amérique parsemé de combats violents pour s'approprier les territoires des indiens. Une fresque monumentale sur le destin de ces hommes et de ces femmes qui pas après pas construire l'Amérique au milieu de la barbarie.
Une lecture délicieuse autant que douloureuse. Un Grand roman chargé d'Histoire, de blessures enfouies et de souvenirs aussi tristes soient-ils.
Un Grand auteur, une Plume sublime, l'Histoire peinte avec des mots.
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