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« Quelle horreur d'être jeune dans ce coin ! ». Cécile Coulon a entendu cette remarque durant toute son adolescence. Les petits villages du fin fond du Massif Central, perdus entre terres agricoles et banlieues dortoirs, seraient-ils des lieux invivables ? L'auteure et ses amis d'enfance ont pourtant su en faire leurs terrains de jeux et d'apprentissage. Entre le stade, l'école, l'unique boutique et l'église, dans un monde dont les adultes sont largement absents, il semble, à lire la romancière, qu'il soit possible de grandir heureux dans l'ignorance la plus totale des grandes villes.
Ayant grandi avec l'auteure dans le même village, sur les bancs de la même école, et ayant partagé bonbons et secrets dans mon jardin, autant vous dire que j'attendais Les grandes villes n'existent pas avec la plus grande impatience.
Lu en quelques heures à peine, dévoré même ! cet essai a su me replonger dans mon enfance, entre clins d'oeil à des lieux communs que l'on trouve dans chaque petit village et situations du quotidien inconnues des citadins. Si j'ai regretté l'absence de descriptions plus poussées des véritables endroits du village que nous avons en commun, j'ai cependant compris à la deuxième lecture du livre que ce choix était nécessaire pour permettre à tout un chacun de s'identifier à cet enfant qui grandit loin de la cohue des grandes villes.
Le style littéraire de Cécile Coulon est toujours aussi tranchant mais ici, on apprécie les mots plus personnels, les sonorités plus chaleureuses. Très différent de ses autres romans, cet essai sur la vie des jeunes à la campagne est une douce ode au calme et la vie rurale, trop dénigrée des citadins car méconnue et raillée. Et pourtant, ce qu'on est heureux au milieu de nos champs et de nos vieillards !
Ce n'est pas tout à fait un hasard si "Le cœur du Pélican" et "Les grandes villes n'existent pas" voisinent sur les tables des bonnes librairies. Anthime, "le Pélican" de Cécile Coulon est justement confronté aux particularités de la commune semi-rurale où ses parents ont décidé d'emménager. Exactement le type de village où a grandi l'auteure qui tente, avec ce témoignage riche et sincère de montrer comment, entre attachement et répulsion cet environnement contribue à façonner les personnalités de celles et ceux qui en sont issus.
"Ces espaces, on y habite pour rêver d'en partir, on les quitte pour rêver d'y revenir". A travers sept courts chapitres, Cécile Coulon raconte une enfance et une adolescence dans un village du Centre de la France, bâti autour d'une église et entouré de montagnes et de volcans. Là où l'on vit dehors la plupart du temps, dans un espace restreint, limité par le manque de moyens de circulation. Là où l'école, le stade et même l'église constituent les piliers du lien social. Là où tout le monde vous connaît, où vous ne pouvez échapper à aucun regard ni proférer aucun mensonge. Là où, sans panneaux publicitaires, cinémas ou centres commerciaux, vous êtes tributaires de la bibliothèque de vos parents pour faire vos premiers pas de lecteur... On est bien loin de l'anonymat des grandes villes et de leur offre pléthorique en matière de loisirs et de consommation.
Que n'a-t-elle pas entendu, Cécile Coulon... Du "L'hiver, ce doit être l'enfer" à "C'est joli ici mais je n'y vivrais pas". Pourtant, ni elle ni ceux qu'elle a côtoyés n'ont eu l'impression de vivre un enfer. Plutôt de franchir des étapes, pas à pas, dans un environnement préservé. Être envoyé chercher le pain (premier acte d'autonomie), prendre possession des champs, des forêts, des lacs, terrains de jeux et de découvertes en tous genres, faire l'apprentissage de la vie sociale dans des écoles où cohabitent souvent plusieurs niveaux de classes, puis découvrir la ville avec le car qui emmène au lycée. Jusqu'au permis de conduire, véritable sésame pour "l'ailleurs", finalement assez peu utilisé en dehors des limites d'un territoire connu.
Pour l'auteure, cette impression d'enfermement est véritablement une chance tant elle incite à rêver le monde et peut-être à l'inventer. Mais surtout, elle souligne le sentiment d'appartenance très fort que ressentent tous ceux qui en sont issus vis à vis de leur village. Comme s'il faisait partie intégrante de leur identité, comme si le fait de les avoir laissés pousser à leur rythme avait contribué à leur enracinement. Qu'ils restent ou qu'ils partent, tous ceux qui ont vécu ensemble leurs années d'enfance et d'adolescence auront de toute façon ce même endroit en commun.
Bien sûr, internet change la donne. Mais pas seulement. Les villages se transforment, accueillent de nouveaux habitants qui fuient les villes... Alors il sera intéressant de confronter ce témoignage qui fige les années 90 à d'autres dans les prochaines années. Histoire de voir si, pour les jeunes habitants de ces villages, les grandes villes n'existent toujours pas.
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