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Après quelques années passées à Atlanta, Toya Gardner, une jeune artiste afro-américaine, revient dans la petite ville des montagnes de Caroline du Nord d'où sa famille est originaire. Déterminée à dénoncer l'histoire esclavagiste de la région, elle ne tarde pas à s'y livrer à quelques actions d'éclat, provoquant de violentes tensions dans la communauté. Au même moment, Ernie, un policier du comté, arrête un mystérieux voyageur qui se révèle être un suprémaciste blanc. Celui-ci a en sa possession un carnet dans lequel figurent les noms de notables de la région. Bien décidé à creuser l'affaire, Ernie se heurte à sa hiérarchie. Quelques semaines plus tard, deux crimes viennent endeuiller la région. Chacun va alors devoir faire face à des secrets enfouis depuis trop longtemps, à des mensonges entretenus parfois depuis plusieurs générations.
David Joy ne cesse de nous surprendre avec ce récit qui creuse à l'os l'histoire d'une petite communauté de Caroline du Nord où toutes les apparences entretenues depuis des décennies se fissurent. Il y confirme avec maestria son immense talent et nous donne avec ce livre, sans doute son plus ambitieux, l'un des romans les plus marquants de ces dernières années.
Découvert avec son très prometteur premier roman « Là où les lumières se perdent » (2016), David Joy est désormais une voix qui compte dans le paysage littéraire anglo-saxon.
En cette rentrée littéraire de l'automne 2024 est édité son cinquième livre qui se déroule en 2019.
Étudiante afro-américaine en arts à Atlanta, Toya Gardner revient à Cullowhee, petite ville située au cœur des montagnes de Caroline du Nord sur la trace de ses ancêtres. Elle réside chez Vess, sa grand-mère.
Elle exprime sa sensibilité artistique et sa volonté de dénoncer l'histoire esclavagiste de l'état du Sud des US en réalisant une performance rappelant, qu'en 1929, l'église épiscopalienne méthodiste africaine de Sion et le cimetière dans lequel des Noirs étaient enterrés avaient été déplacés pour y construire une annexe de l'université.
Ce geste, qui atteste de la portée subversive de l'art, fut suivi d'autres actions, comme le barbouillage d'une statue à la gloire des Confédérés, qui dérangèrent une bonne partie de la population qu'on replongeait dans son passé peu glorieux.
Au même moment, Ernie Allison, adjoint du shérif du comté de Jackson, arrête un ivrogne tout droit sorti du Mississippi. Dans sa voiture, il trouve la parfaite panoplie du soldat du KKK et un carnet contenant les noms de notables locaux.
La première partie se termine par deux crimes qui font basculer le récit dans une autre dimension.
En lisant la quatrième de couverture des « Deux visages du monde », on imagine lire un énième récit sur le racisme systémique qui prévaut aux States, notamment dans les états du Sud.
Par rapport aux récits bien établis, David Joy prend un chemin différent en insistant sur l'intériorisation par les Blancs du mépris envers les Noirs.
Comme si la domination se transmettait génétiquement de génération en génération, en toute impunité, presque inconsciemment. Comme si les Blancs étaient aveugles, grâce à leur étonnante capacité de déni révisionniste, aux petites humiliations qui frappent les Afro-Américains.
Et ceux qui se déclarent ouverts d'esprit ne sont pas forcément meilleurs que les suprémacistes qui revendiquent leur supériorité...
Avec ce roman noir, l'auteur illustre magistralement la persistance des fractures qui gangrènent la société américaine. N'en déplaise à ceux qui pensent que les relations raciales se sont apaisées. Le racisme est tout simplement peut-être plus insidieux.
La récente élection de l'homme orange en est la preuve éclatante.
Pour incarner sa subtile démonstration, l'auteur a construit des personnages forts détestables ou honorables. Parmi les seconds, il y a la figure de Vess, la formidable grand-mère de Toya à la colère intérieure et qui porte en elle tout le poids de l'arrogance des Blancs et aussi Leah, la courage inspectrice qui ne se laisse pas intimider par les partisans du statu quo
EXTRAITS
Il ne s'agissait pas simplement du sang que la Confédération avait sur les mains […]. C'était l'héritage, la plaie béante qui continuait de saigner près de cent cinquante ans après les faits.
La méchanceté de ce monde était sans fin, sans limite. Il y avait toujours une noirceur encore plus noire.
http://papivore.net/litterature-anglophone/critique-les-deux-visages-du-monde-david-joy-sonatine/
Toya Gardner, une jeune sculptrice afro-américaine, est de retour dans sa ville natale, une petite bourgade de Caroline du Nord, avec la ferme intention de dénoncer le passé esclavagiste de la région. Pour cela, elle se livre à plusieurs actions contestées par les locaux et déclenche de graves tensions au sein de la communauté. Dans le même temps, un jeune policier arrête lors d’un contrôle un voyageur venant du Mississipi, qui transporte dans son véhicule la tenue de membre du Ku Klux Klan ainsi qu’une liste contenant les noms de notables de la région. Le lendemain, le mystérieux carnet a disparu.
Je découvre cet auteur après avoir lu plusieurs belles chroniques au sujet de ses romans. Son style m’a beaucoup plu, l’écriture aérienne de certains passages mettent brillamment en valeur le lien qui unie Toya à Vess sa grand-mère maternelle. Les lignes deviennent magiques, habitées d’une beauté transcendante. J’ai apprécié le personnage de Toya, une artiste qui considère l’art comme instrument de transformation sociale. Elle impose au spectateur une participation active, dans le but de transmettre un message. La région dont elle est originaire est marquée par la ségrégation raciale, dont a été victime sa propre famille et son combat pour la quête de pardon et de reconnaissance est implacable. Le sujet résonne toujours aujourd’hui, peut-être même plus que jamais, alourdi par le poids de siècles de discriminations. Certains passages de ce roman offrent une profonde réflexion sur le suprémacisme blanc et sur l’omerta qui durant de longues années a empêché les noirs de s’exprimer sur leur condition.
Toutefois l’intrigue m’a semblée peu convaincante dans son dénouement, je n’ai pas adhéré à celui-ci car j’attendais que les évènements prennent une autre tournure. Il y a un meurtre et une agression, une enquête menée par une inspectrice sympathique mais les explications manquent de clarté, comme s’il avait manqué quelque chose à l’auteur pour parfaire ce qu’il avait brillamment commencé. Ce ne sont que mes impressions, et je n’hésiterai pas à l’avenir à lire David Joy car son style m’a énormément plu. Je remercie les Editions Sonatine via Netgalley pour cette lecture.
J'aime dans les romans américains leur capacité à nous faire mieux comprendre la société américaine actuelle. A aller plus loin que nos clichés d'européens, à décrypter ce qui se joue vraiment dans cette Amérique profonde. Et à cet exercice, David Joy est une valeur sûre. Dans chacun de ces romans, il nous transporte au coeur des petites villes de cet immense pays, nous aidant ainsi à en comprendre la complexité.
Ici direction la Caroline du Nord, un état du sud est des Etats Unis. Alors qu'elle vit à Atlanta, Toya une jeune artiste afro américaine revient dans la petite ville de cet état où vit encore sa grand mère et d'où sont originaires ses ancêtres. Choquée des relents de racisme encore très présents dans cette ville sudiste, elle décide de monter une action pour éveiller les consciences. Mais elle est loin d'imaginer les conséquences de cet acte sur la communauté toute entière.
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J'ai dévoré ce roman et encore une fois David Joy a fait mouche. Par l'intrigue qu'il tisse dans ce roman, dense, addictive et passionnante, à l'issue aussi surprenante qu'insoupçonnable. Par ses personnages, soit attachants, soit détestables mais tous complexes et dépeints avec réalisme et finesse. Par les thèmes abordés enfin, éclairants sur l'état de la société rurale américaine autant que glaçants et inquiétants à l'aube des futures élections. Le titre en cela est explicite. Les deux visages du monde, soit les deux visions de la société qui s’opposent et s'affrontent. D'un côté les nostalgiques du temps des confédérés, qui réfutent la qualification de racistes mais qui revendiquent le suprémacisme blanc. Des thèses que l'on pourrait croire d'un autre temps mais encore bien présentes dans ces états du sud où le Ku Klux Klan continue de faire des adeptes. Il avance masqué et ses méthodes ont changé mais ses idées elles sont toujours là. En face, des activistes, déterminés à faire évoluer les mentalités, ou des personnes qui réalisent à leur corps défendant que ne pas combattre ces idées c'est les accepter. « Ce que je sais, c'est qu'il y a tout un tas de gens, y compris des gens bien intentionnés, qui sont plus gênés par le mot “raciste“ qu'ils ne le sont par le racisme. Il y a tout un tas de gens qui se préoccupent davantage d'être traités de racistes que de s'attaquer à la chose instituée. »
Un roman noir à l'écho sinistre dans ces temps de replis identitaires, sûrement un de mes préférés de l'auteur.
« Tu sais, ça m'a toujours fait mal, la façon dont partout ailleurs dans ce pays les gens veulent croire que le Sud a comme qui dirait le monopole du racisme. Comme si ça existait qu'en un seul endroit. Mais j'ai un scoop pour toi, cette saloperie est aussi américaine que la Bud Light et le base-ball. »
L'auteur, le livre (432 pages, août 2024, 2023 en VO) :
La région des Appalaches et les états que traverse la chaîne, comme la Géorgie ou les deux Caroline (Nord et Sud), nous ont généralement valu pas mal de bons bouquins, souvent des "romans noirs".
Pas plus tard que cette année, le britannique R. J. Ellory nous y invitait avec l'excellent Au nord de la frontière.
Depuis sa retraite au fin fond de sa région natale, l'américain David Joy, disciple de Ron Rash, poursuit son rigoureux travail de dénonciation des failles de la société étasunienne contemporaine : le voici qui s'attaque au racisme hérité du péché originel et fondateur du pays, l'esclavage, et nous propose de découvrir "Les deux visages du monde".
S'agit-il de répliques sismiques du mouvement Black lives matter dans les consciences étasuniennes ? mais voici encore un bouquin qui peut s'inscrire dans la lignée du "Sang des innocents" de Shawn Cosby (janvier 2024) et du "Silence" de Dennis Lahane (avril 2024), pour ne citer que ces deux-là.
Bien sûr, on ne s'en plaindra pas, au vu de la qualité de ces romans, de la justesse de la cause défendue et du plaisir de ces lectures.
♥ On aime beaucoup :
• On aime ces romans noirs où tout est réuni dès les premières pages en vue de l'inéluctable drame. Ces histoires fortes aux personnages bien dessinés. Ces textes qui éclairent les fractures de nos sociétés et portent haut la parole d'une juste cause.
• C'est Shawn Cosby (dans le sang des innocents) qui, en début d'année déjà, nous avait avertis : l'esclavage est le péché originel de ce pays "une tache incrustée à jamais dans les fondations".
David Joy, fin connaisseur des failles qui traversent son pays, nous en propose ici une nouvelle et brillante illustration.
• Avec quelques personnages bien fouillés, David Joy nous emporte de manière convaincante dans une démonstration rigoureuse sans manichéisme outrancier ni effets ostentatoires, directement en prise avec le quotidien d'aujourd'hui : le racisme ordinaire des bons citoyens, celui qui souvent s'ignore.
• Comme il se doit, ce roman en noirs & blancs se terminera en demi-teinte de gris car rien n'est jamais aussi évident qu'on veut bien le croire.
Le canevas :
Toya (étudiante en arts graphiques) vient visiter sa grand-mère dans une petite ville au pied des Appalaches : c'est l'occasion pour elle de redécouvrir son passé, son héritage et sa famille (noire). Pour dénoncer l'histoire esclavagiste de la région (l'une des terres du Ku Klux Klan) elle va arroser de peinture rouge les mains d'une statue de l'Oncle Sam qui brandit ... un drapeau confédéré, symbole du passé esclavagiste et de la haine raciale.
Nous sommes pourtant en 2019 mais ses actions vont rouvrir des plaies que l'on voulait croire refermées et attiser les tensions entre des populations que l'on voulait croire apaisées : comme dans tout bon roman noir, toutes les composantes du drame sont mises en place dès les premières pages.
Au coeur de la tragédie annoncée se trouvent réunies Toya et sa vieille grand-mère, un inquiétant voyageur suprémaciste, le shérif Coggins et son adjoint Ernie, et même quelques édiles locaux, corrompus jusqu'à l'os, que l'on soupçonne membres en secret du KKK, ...
À noter pour information : après la tuerie de juin 2015 à Charleston (en Caroline du Sud, un suprémaciste blanc brandit le drapeau confédéré et assassine neuf noirs dans une église), un mouvement de protestation est né pour "faire tomber ce drapeau" (#bringitdown) qui se dresse encore dans plusieurs places ou monuments très officiels.
A chaque nouveau roman, David Joy se donne pour mission de dénoncer les défaillances et les dérives de l’être humain. Situant toujours ses histoires dans des bourgades reculées des États-Unis, il met en lumière les vices qui gangrènent cette population.
Dans « Les deux visages du monde », des évènements dramatiques bouleversent le quotidien d’une communauté. Par ricochet, les ressentis de chacun refont surface. Ces tragédies vont être le révélateur des pensées troubles de gens qui avaient, jusque-là, l’impression de vivre en harmonie.
Même si l’histoire repose sur des intrigues policières, c’est des dialogues des personnages que naît la véritable problématique. Les différents protagonistes échangent sur les faits et leurs opinions antagonistes créent le conflit. Les débats houleux entre eux deviennent le catalyseur d’une vérité que tout le monde se cache.
Les acteurs de ce drame se rendent alors compte que leur fraternité n’était qu’illusion. Chaque communauté vit dans deux mondes qui se côtoient, mais qui observent les situations avec leur propre prisme. Et comme ils pensaient que « Si on ne parle pas de quelque chose, cette chose-là disparaîtra », ils n’en ont jamais vraiment discuté. Les uns par peur de déranger, les autres pour conserver leurs privilèges.
L’écrivain américain s’attaque de front à son sujet. Il ne cherche pas d’artifice ou de représentation pour traiter de la xénophobie qui sévit dans ces lieux. Il ne s’intéresse pas seulement au racisme brut, évident, mais aussi à sa version latente, perpétuée depuis de nombreuses années.
Avec le talent qu’on lui connaît, David Joy nous livre une aventure percutante sur le racisme ordinaire, qui continue son chemin grâce au silence. Sa plume magnifique et son sens de la narration m’ont poussé à m’interroger sur mon propre comportement. Un roman puissant et essentiel, comme l’ensemble de son œuvre !
https://leslivresdek79.wordpress.com/2024/09/19/963-david-joy-les-deux-visages-du-monde/
J’ai découvert la plume de David Joy avec Le poids du monde et j’ai le souvenir d’un livre fort que j’avais beaucoup apprécié. J’étais donc ravie de lire son dernier opus.
Je me suis lancée, encore une fois, sans lire la quatrième de couverture, que j’ai découvert après ma lecture et sincèrement, je ne regrette pas du tout. Je trouve qu’elle ne correspond pas entièrement à ce que j’ai pu lire…
L’esclavagisme a laissé une empreinte très forte en Caroline du Nord, profondément ancré dans le quotidien des gens, il y a encore peu. Pendant la guerre de Sécession, elle fait partie des États confédérés d’Amérique et ne rejoindra l’Union que 7 ans plus tard, en 1868. Beaucoup plus proche de nous, cet Etat du Sud a instauré un programme de stérilisation forcé entre 1929 et 1974 visant les Noirs, faisant environ 7 600 victimes, y compris des enfants.
C’est sur ce terreau fertile que David Joy plante son intrigue en la faisant s’alterne entre deux histoires qui se croisent par moment, mais resteront finalement bien distinctes, mais dans la même veine. La petite ville de Caroline du Nord, petite ville typiquement américaine, sera à feu et à sang pendant quelques semaines.
D’un côté, nous avons, Toya, étudiante et artiste afro-américaine, qui doit finaliser un projet de fin d’études et passe quelque temps chez sa grand-mère.
De l’autre, un suprémaciste blanc, de passage, un brin SDF, mais en quête de reconnaissance. Il a en sa possession un carnet bien compromettant avec tous les noms des racistes du coin. Le Ku Kux Klan a encore de beaux jours devant lui…
La tension monte crescendo au fil de la lecture.
Dans cette petite ville, où le racisme ne porte pas son nom, David Joy, à travers ses personnages démontre que les apparences sont parfois bien trompeuses, les amitiés faussées par un racisme larvé et les racines du mal sont enterrées bien trop profondément…
Avec un rythme soutenu et sans temps mort, l’embrasement aux ramifications profondes, remonte jusqu’aux arcanes politiques, bien pourris et provoquer deux meurtres sordides…
De ces deux faits divers, découle une enquête brillamment menée par une enquêtrice qui remontera aux racines du mal et donnera toute sa dimension à cette histoire très visuelle, et bien trop réelle. Certainement que le fait que l’auteur vive dans cet Etat lui permet d’apporter un certain réalisme au récit, grâce à une construction narrative, précise, à la tension extrême.
La psychologie des personnages est d’une densité profondément humaine et on ne peut rester indifférent à la tristesse de ces deux femmes, mère et grand-mère qui au fil de l’avancée du récit de David Joy, prennent vie sous des sentiments palpables. Leur amour, résilience force le respect.
L’auteur aborde plusieurs thématiques qui donnent une profondeur et une densité au récit qu’il sera difficile d’oublier Toya et cette famille afro-américaine qui fait de son héritage historique une force porteuse d’espoir.
Finalement, David Joy mêle avec subtilité les problèmes de racisme, d’esclavagisme, mais aussi de son héritage et de ce qu’on en fait.
Comment peut-on se sentir accepté, quand les stigmates d’un héritage colonisateur ou esclavagiste sont visibles et palpables ? Même si je ne suis pas pour l’effacement de certains faits historiques, ou le déboulonnage des statuts à tout-va, j’avoue humblement que ce livre m’a fait réfléchir sur cette question particulièrement. Ce qui au-delà de m’avoir fait passer un excellent moment, permet une réflexion nécessaire, dans un monde où chacun doit pouvoir se sentir appartenir à un ensemble.
https://julitlesmots.com/2024/08/27/rentree-litteraire-2024-les-deux-visages-du-monde-david-joy/
Toya Gardner, une artiste noire originaire d'Atlanta, revient en Caroline du Nord pour terminer sa thèse. Logée chez sa grand-mère Vess, elle décide d'utiliser son art pour protester contre un symbole d'oppression dans sa ville : une statue confédérée. Son acte ne laisse personne indifférent et divise profondément la communauté, et ce n'est que le début de ses actions..
Pendant ce temps, William Dean Cawthorn, un membre du Ku Klux Klan, est arrêté. Portant une liste de membres influents du Klan, il révèle des liens compromettants avec des figures éminentes de la ville, comme Slade Ashe, un suprémaciste qui a troqué la tenue traditionnelle du Klan pour un costume d'affaire. Alors que l’enquête progresse, cette liste disparaît mystérieusement, plongeant Ernie, un des policiers dans un dilemme, il souhaite creuser l'enquête mais ces interrogations ne sont pas du goût de tous.
L'auteur parvient à tisser des personnages pleinement développés et des intrigues qui captivent jusqu'à la dernière page. Avec une plume à la fois brute et subtile, il explore les liens invisibles mais puissants qui façonnent les communautés, soulevant une question fondamentale : jusqu'à quel point connaissons nous réellement nos proches ? Ceux avec qui nous avons partagé des repas, des événements, des années de vie commune ? Les secrets enfouis sont nombreux, et les masques tombent peu à peu.
Deux personnages très attachants se révèlent, Vess la grand-mère qui est touchante et se révèle d'une grande force et le shérif du comté proche de la retraite qui a sa façon est un pilier au pied d'argile. Il y a de très beaux passages qui ont su me faire vibrer. Ce roman est une réflexion puissante sur le racisme générationnel, les traumatismes hérités, avec des rebondissements inattendus et une tension palpable. C’est une œuvre puissante qui incite à la réflexion, notamment sur des sujets d’actualité brûlants comme la race et l’injustice sociale.
http://latelierdelitote.canalblog.com/2024/09/les-deux-visages-du-monde.html
Un roman noir sociétal puissant et très engagé
« Alors la différence c’est peut-être que j’ai grandi, que je me suis mis à lire et que j’ai compris que la moitié des conneries qu’on m’avait racontées, c’était pas l’idéal pour débuter dans la vie. »
Prenez le temps de lire cet ouvrage très fort. Acceptez les lenteurs, les longueurs. Les Deux Visages du monde est tout sauf un tourne-page. Il fait et surtout il doit faire réfléchir son lecteur tant les questions explicites et surtout implicites sont nombreuses.
« L’arbre qui possède les racines les plus profondes dans ce pays est l’arbre du suprémacisme blanc. Et le fait est qu’il n’est pas nécessaire d’être celui qui a planté cet arbre ou qui a veillé à l’arroser ou qui en a taillé les branches pour être celui qui bénéficie personnellement de l’ombre qu’il fournit. »
Bienvenue à Sylva la petite ville des montagnes de Caroline du Nord dans laquelle revient Toya Gardner, une jeune fille afro-américaine. Elle vient y retrouver sa grand-mère Vess pour l’été. Elle vient surtout bousculer l’ordre des choses car à la vue des événements, Toya « sut que ce monde ne pouvait pas durer ». Toya va agir et réaliser quelques coups d’éclats
« Elle avait senti brûler cette flamme face au shérif, tout filtre ou toute hésitation se consumant. Et cependant, elle comprenait parfaitement que la ligne entre intrépidité et imprudence était très fine. »
Au même moment, Ernie un policier local, contrôle un suprémaciste blanc ivre et trouve un carnet avec des noms de personnalités locales. Intrigué, il retourne sur les lieux le lendemain et constate la disparition du dit carnet.
Tout alors s’enchaine… jusqu’aux drames. Toya est assassinée et Ernie sauvagement agressé. Y a-t-il un lien entre les deux affaires ?
Charge à Leah Green et au shérif John Coggins de mener les deux enquêtes.
« La vérité, inspectrice, c’est qu’il ne faudrait pas qu’un Noir perde la vue pour que vous regardiez enfin la réalité en face, que vous ayez un éclair de lucidité. Et pourtant, encore et toujours, c’est ce que ce monde exige. Aussi, comme je l’ai dit, il y a des questions que vous devez vous poser. »
Racisme, Black Lives Matter, absence de remise en cause, silence et inaction… les thématiques abordées par David Joy sont nombreuses. Si les méthodes sont plus discrètes, doit-on pour autant fermer les yeux ? La plume de David Joy dissémine si subtilement au fil des pages tant de questions déroutantes et perturbantes. Les propos sont extrèmement forts, tout comme les personnages féminins sont marquants. La fougue et la détermination de Toya, la sagesse de Vess, l’abnégation de Leah. La petite et la grande Histoire se confondent, la prise de conscience est brutale.
« Ca m’a toujours fait mal, la façon dont partout ailleurs dans ce pays, les gens veulent croire que le sud a comme qui dirait le monopole du racisme. Comme si ça existait qu’en un seul endroit. Mais j’ai un scoop pour toi, cette saloperie est aussi américaine que la Budd Light et le baseball »
Les Deux Visages du monde expose l’Amérique profonde, celle dont nous ignorons tout. C’est certainement actuellement en pleine campagne présidentielle américaine l’un des discours politiques les plus qualitatifs. Comme le disait Stephen Markley ce week-end dans une interview à Libération : « La fiction permet de rendre les enjeux plus convaincants, plus réels, plus urgents ». Et comme l’écrit à son tour David Joy : « Rien n’était ni tout noir ni tout blanc, c’était gris, et le gris était bien plus terrifiant car trop souvent il n’offre pas de points de repère. »
Les Deux Visages du monde est assurément un des meilleurs romans noirs social. Pour autant, est-il trop engagé ? trop politique ? trop à sens unique ? A vous de juger.
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