C'est avec un art savant de la narration que Fiammetta Rocco retrace l'histoire de la malaria et de son antidote naturel, le quinquina. Des siècles passeront avant que la rencontre ne se produise, avant que le lien ne soit fait. Et c'est un enchantement de découvrir par quels méandres, hasards et fortunes, après bien des occasions manquées, il fut découvert qu'un petit arbuste des Amériques était le seul remède au pire fléau de la vieille Europe, le mal qui prospère en zone marécageuse, là où l'air est mauvais : la mal aria.
Lorsque l'extrait miraculeux entre en Europe dans les bagages des Jésuites apothicaires, seuls quelques malades, parmi les plus riches et les plus ouverts d'esprit, bénéficieront de ce nouveau traitement. Plus largement diffusée au XVIIIe siècle, la quinine devient la marchandise la plus précieuse que l'Europe importe du Nouveau monde. Pourtant, elle est encore loin de faire l'unanimité : sa pharmacopée heurte le savoir médical de l'époque, et les nations protestantes, au premier rang desquelles l'Angleterre, rejettent d'abord l'élixir, y soupçonnant quelque complot du Pape pour les empoisonner.
Très vite, les puissances d'Ancien Régime se livreront à une course sans merci pour forcer le secret de la plante : l'enjeu n'est pas seulement sanitaire, il est aussi commercial et militaire. Napoléon, en noyant la Hollande, s'était servi de la malaria comme d'une arme de destruction massive : victoire, sans doute, mais il ne put confiner le mal, déchaînant la pire épidémie que l'Europe ait connue. Utilisant les archives avec brio, l'auteur expose la culture stratégique du quinquina dans le monde, puis la synthèse des vertus thérapeutiques de la plante et ses premières applications à très grande échelle en traitement préventif. Aujourd'hui, la bataille est loin d'avoir été remportée, puisque la malaria tue dans le monde une personne toutes les 15 secondes (selon les chiffres de l'OMS). En dépit du développement de molécules de synthèse, plus puissantes, la quinine est encore en usage pour ses vertus préventives.
Sans parler de sa subtile présence dans le Gin tonic, cocktail inventé par les officiers anglais de l'Armée des Indes.
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