Un dépaysement assuré…
[Fin des années quatre-vingt dans la Chine communiste] Roetgen vient de quitter Tientsin. Il laisse derrière lui le petit milieu des expatriés, joyeuse- ment délétère et décalé, pourtant en prise avec le quotidien souvent absurde du régime. Plus que tout, c'est son histoire avec Beverly, une Américaine de vingt ans son aînée, que Roetgen cherche à comprendre.
[ Sex, drugs & and rock'n'roll ] Beverly, qui a vécu (ou fantasmé) mille vies rocambolesques, des plus sordides aux plus éclatantes, est exubérante, exces- sive, jalouse, elle n'a aucune limite, elle ne vit que par passion. D'emblée Roetgen est fasciné, mais Beverly a aussi sa face obscure.
[Un labyrinthe d'histoires] Beverly réclame sans cesse à son amant des his- toires à la hauteur de sa propre biographie. Il lui raconte les affres d'un empe- reur chinois au double visage, une folle nuit au coeur de la Cité Interdite, un vrai faux polar dont il ne livre qu'un chapitre sur deux - récits haletants, volontiers désopilants, qui vont à leur tour nourrir la folie de Beverly.
[Un véritable crossover de Là où les tigres sont chez eux ] Roetgen, Loisinger, le Brésil, Fortaleza, le perroquet Heidegger, Thaïs... Écrit avant Là où les tigres sont chez eux, et entièrement remanié, Le Rituel des dunes nous offre également de magnifiques retrouvailles avec des lieux, des personnages, une atmosphère, et ce ton si particulier, fougueux, incroyablement stimulant.
Un dépaysement assuré…
Depuis longtemps j'avais très envie de découvrir l'univers et l'écriture de Jean-Marie Blas de Roblès. Le Cercle livresque de Lecteurs.com m'en a enfin donné l'occasion et j'en suis particulièrement heureuse.
Dépaysant, c'est le premier qualificatif qui me vient à l'esprit pour définir "Le Rituel des dunes". Pas seulement pour les lieux où se déroule le roman, mais surtout pour cette construction admirable qui enchevêtre des histoires, des personnages et des temporalités avec une si grande virtuosité qu'il m'a souvent semblé, au fil de la lecture, déambuler à travers plusieurs strates de fiction, non pas successives mais intimement imbriquées.
Sur la terrasse d'un bar de Macao, Roetgen relit un manuscrit commencé deux ans auparavant, lors de son arrivée à Tientsin. Cette lecture, la tombée de la nuit sur un paysage qui semble figé, l'alcool et la solitude favorisent le jaillissement des souvenirs et surtout celui de Beverly. Rencontrée à Tientsin, cette Américaine de 20 ans son aînée, fantasque jusqu'au délire, avait vécu plusieurs vies, entre sordide et sublime, qu'elle reconstruisait en récits épiques jusqu'à troubler le réel par la fiction. Roetgen n'était pas en reste qui lui racontait par intermittence le roman policier qu'il était, à l'époque, en train d'écrire. Roman policier lui-même nourri des situations vécues à Tientsin. Si bien que le doute s'installe : Beverly n'est-elle pas, elle-même, un personnage inventé par Roetgen ? "Peu importe si elle s'appelait réellement Beverly, Judith ou Artémise : elle n'existe que dans la mesure où Roetgen s'en souvient "(p. 19). Poussons l'interprétation plus loin : ne pourrait-elle pas être l'incarnation du lecteur que fantasme l'auteur en écrivant ? "J'aime bien quand tu racontes tes histoires" dit-elle à Roetgen (p.59). Quel écrivain n'a pas rêvé que ses lecteurs lui fassent le même compliment ?
Des variantes de la figure de Shéhérazade infiltrent ainsi le roman et instaurent un passionnant jeu de piste : lorsque Roetgen occupe le rôle de la princesse des "Mille et une nuits", il raconte son roman à Beverly pour l'apaiser et l'empêcher, en quelque sorte, de sombrer dans la folie, mais le charme opère dans l'autre sens lorsque c'est Beverly qui met sa vie en récit. Quoi qu'il en soit, la fiction, le roman, la littérature, pourraient agir comme des garde-fous... sauf que la trop romanesque Beverly s'effondre au moment où réel et fiction se confondent.
Il serait, cependant, très réducteur de limiter le roman de Jean-Marie Blas de Roblès à cette seule lecture ! De manière ludique et suprêmement intelligente, l'écrivain nous emmène dans une histoire labyrinthique en nous donnant quelques fils d'Ariane, quelques indices dont les agencements différents créent de nouveaux sens. Le roman fonctionne comme un palimpseste, (comme un rituel des dunes littéraire, finalement) et le fait qu'il ait été entièrement remanié après la première publication en 1989 conforte cette hypothèse. Remarquablement écrit et construit, ce roman proliférant m'a subjuguée, à tel point que j'ai envie de jouer à le décortiquer pour mieux y réfléchir encore. A tel point que je pourrais en parler pendant des heures sans en épuiser les richesses. Epoustouflée, je suis !
Monsieur le Cercle livresque si vous voulez me faire un cadeau d'aussi belle tenue en m'envoyant un autre livre de Jean-Marie Blas de Roblès, je suis partante !!
Un roman en trompe l'œil !
Deux personnages principaux : Roetgen et Beverly .
Fin des années 80, tous deux se rencontrent dans la petite communauté des expatriés, vivant loin de chez eux mais devant se lier pour que leur séjour soit plus bénéfique. Un milieu privilégié comparé à la vie quotidienne des chinois et cependant délétère, hétéroclite et haut en couleur.
Beverly a tout vécu et en ressort cassée, élevée jusqu'à 15 ans dans un milieu bourgeois-catho, elle se retrouve à la rue.
Très perturbée lorsqu'elle rencontre Roetgen qui a vingt ans de moins qu'elle, elle lui intime de lui lire des chapitres du roman qu'il écrit. Ainsi commence le rituel de la lecture, elle se livre entre inventions, mensonges, vérités et fantasmes, oui mais jusqu'où ira-t-elle ?
Il n'y a que dans ce rituel, censé l'apaiser et lui faire trouver le sommeil pour quelques heures, loin de ses fantômes, qu'elle apparaît vivante.
Le lecteur ne pourra pas dénouer le vrai du faux. Mais est-ce l'enjeu de ce roman ?
Jean-Marie Blas de Roblès nous entraîne dans un road-movie sur la création romanesque.
Le lecteur est enchaîné à plusieurs fictions littéraires qui n'ont ni début ni fin et cependant elles interagissent avec le réel de Roetgen et Beverly.
Cela précipitera-t-il la chute de Beverly ?
La fin restera suspendue...
Une belle écriture qui plonge ses lecteurs dans un univers où ils ne sont pas habitués à aller.
Merci Lecteurs.com et Zulma éditions.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 13 juillet 2019.
Le clan des expats
Roetgen, Beverly, Warren et les autres… Les expatriés de Tientsin vont nous entraîner dans une aventure échevelée, servie par la plume truculente de Jean-Marie Blas de Roblès au meilleur de sa forme.
L’absorption d’une bonne dose de whisky permet des conversations plus libres, détachées des convenances et permet d’oublier un peu le spleen des expatriés, surtout à Tienstsin, au nord de la Chine. Roetgen et Beverly vont en apporter une nouvelle preuve. Lui arrive du Brésil, elle est déjà un pilier de la communauté des expatriés. Et si la belle américaine est plus âgée, elle est aussi plus excentrique: «Chez moi, tout est plus facile. Chez moi, c’est Key West, et pas ailleurs. Et, à Key West, quand deux personnes se rencontrent et réalisent que faire l’amour leur procurerait du plaisir, eh bien ils baisent ensemble. Boire, danser, le soleil, faire l’amour… Ça, c’est Key West! Cela me surprend toujours, dans le monde (c’est-à-dire hors de Key West), comment les gens compliquent les choses à loisir.»
Roetgen oublie ses principes et se laisse séduire.
«Vers deux heures du matin, alors qu’ils gisaient sur le lit, trop épuisés pour dormir, Beverly avait insisté pour qu’il lui raconte une histoire. Elle savait qu’il écrivait, un de ses «informateurs» à l’Institut où il enseignait lui avait même appris qu’une de ses nouvelles venait de paraître en traduction dans une revue de Shanghai.
Roetgen s’était plié à l’exercice: content d’évaluer son texte à haute voix, il lui avait lu le début de Section découpage des porcs, un polar qu’il s’amusait à écrire par correspondance avec Hermelin, son ami de Pékin, chacun inventant la suite de l’intrigue à partir des pages qu’il recevait.» L’imagination fertile de Roetgen va alors nous entraîner dans les méandres d’un pays traversé de mystères, de légendes bien vivaces et de sociétés bien secrètes, le tout agrementé d’espionnage et d’une surveillance étroite.
Jean-Marie Blas de Roblès n’a pas son pareil pour nous entraîner dans ce type d’univers. Un peu comme dans L’Île du Point Némo, il mêle à son contexte historique et ragots, littérature et vieilles croyances.
Au sein de ce microcosme constitué par la colonie des expatriés et des Universitaires, la chose est aisée, tant les individus sont névrosés: «À l’instar de toutes les communautés étrangères résidant en Chine, la proportion de déséquilibrés, d’ivrognes et de malades mentaux y dépassait très largement le taux admis par les statistiques, et chaque semestre avait régulièrement son lot de suicides ou de rapatriés sanitaires.»
On se régale à suivre ce «con de Lafitte», un Québécois pur sirop d’érable, chargé de «polir les dépêches destinées à la France et aux pays francophones», Warren pour lequel la station balnéaire de Beidaihe est l’endroit idéal pour oublier tous ses soucis, Marylou l’Américaine qui va finir dans le coma, Hugo l’Allemand qui «commence à débloquer» lorsqu’il retrouve des traces de son père Albrecht, en poste de 1930 à 1950. On croisera aussi une Danoise avec de fausses dents, une Japonaise douée avec sa langue, des Japonais et, bien entendu, quelques Chinois qui viendront pimenter ce récit jusqu’à l’épilogue, lorsque la malédiction du Four Roses va à nouveau frapper.
Laissez-vous emporter dans ce labyrinthe à la prose hypnotique où se mêle les histoires et les époques, les rêves et les (dés)illusions.
Alors qu’il està Macao, Roetgen se souvient de son séjour au Brésil, puis à Tientsin, au nord de la Chine. Là, avec un grand nombre d’expatriés, il partageait l’appartement de Warren, enseignant comme lui à l’institut de langues. Warren, cet américain homosexuel qui tape le manuscrit du roman que Reotgen écrit à quatre mains, un chapitre sur deux, lui fait rencontrer Beverly, une américaine de vingt ans son ainée. Il s’attache à cette femme fantasque qui adore les biographies, et lui dévoile des pans entiers de sa vie absolument extravagante. Ils deviennent amants, et chaque soir, Beverly lui demande de lui raconter une histoire.
Ce roman à l’écriture fascinante et si caractéristique de Jean-Marie Blas de Roblès, nous entraine dans de multiples histoires qui se croisent et perdent ou embarquent le lecteur.
Il y a les souvenirs rêvés, fantasmées, inventés, racontés par Roetgen, tel un Shéhérazade des temps modernes. Puis les passages de son roman, ce polar étrange dont le lecteur ne découvre qu’un chapitre sur deux, l’auteur laisse alors toute la place à notre imagination pour recoller ou réécrire les morceaux manquants de cette intrigue rocambolesque. Un certain Hugo est à la recherche des souvenirs de son père, qui vivait en Chine au temps des concessions.
Enfin, les souvenirs de Roetgen, ses rencontres, sa vie à Tientsin, ses interrogations, ses souvenirs. Roetgen qui se demande encore s’il a réellement su aimer Berverly.
A noter, trente ans après sa première parution, l’auteur nous propose ici un texte entièrement remanié, même si la plupart des personnages sont identiques.
Lire un interview de l'auteur, et ma chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2019/04/28/le-rituel-des-dunes-jean-marie-blas-de-robles/
Lorsque Roetgen débarque à Tsientsin, en Chine, il y fait la connaissance de Beverly, délicieusement excentrique, de vingt ans son aînée. Ils deviennent amants. Tandis que Beverly dévoile certains pans de sa vie mouvementée, elle demande à Roetgen, telle une Shéhérazade de lui raconter des histoires aussi rocambolesques que sa propre vie.
Gentiment décalé et très éparpillé, il m'aura fallu tout l'art de l'écriture de l'auteur pour me maintenir dans ce roman qui fait intervenir moult personnages dans de nombreuses situations et plusieurs espaces temps. Tout cela fait que je me perds, mais je le perds aisément. Je pense qu'il me faudrait une seconde lecture pour tenter de faire le tour de ce roman foisonnant et en bien saisir les moindres détails.
Heureusement, le talent de conteur de Jean-Marie Blas de Roblès est bien là et j'ai pu récupérer au détour d'une phrase ou d'un paragraphe le rythme de ses histoires. Ce ne sera pas mon livre préféré de l'auteur, surtout après les deux excellents L'île du Point Némo et Dans l'épaisseur de la chair, mais ouvrir l'un de ses romans est toujours entrer dans un monde aventureux, parfois épique et décalé, toujours formidablement écrit. Prêts pour l'aventure ?
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