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En commençant ce livre, j’ai cru que Le quartier chinois était un seul roman mais en fait, cet ouvrage contient trois nouvelles : Le quartier chinois, La cour de l’enfance et Le feu d’artifice qu’on peut penser indépendantes mais qui ont une continuité chronologique dans l’évolution de la Corée du Sud. Ma note de lecture est un peu longue mais j’avais des choses à dire sur chacune de ces trois histoires !
Le quartier chinois 중국인 거리 Chunggugin kôri (également connu sous le titre Chinatown) est paru en 1979. [...] Une allégorie pour dire que la famille quitte le nord ou en tout cas une zone de guerre pour le sud ; pour Incheon, je crois. La famille s’installe dans une maison (élévation dans l’échelle sociale même si la maison est petite et en rez-de-chaussée) avec des portes-fenêtres (ouvertures sur le monde) et le père travaille au point de distribution de pétrole (utilité à la collectivité). Cette ville est aussi occupée par des Chinois (les Japonais sont déjà partis). [...] Dans ce récit, on sent à la fois la douceur de l’enfance et la dureté de la vie coréenne des années 50. Bien que la narratrice soit une fillette, elle voit, elle entend, elle sait et le texte est poétique et cru. La fillette dont on ne connaîtra pas le nom (mais elle est à la fois un souvenir de l’auteur et elle représente tant de fillettes !) passera de l’enfance à l’âge adulte pendant que sa mère accouche de son huitième enfant dans la douleur.
La cour de l’enfance 유년의 뜰 Yunyônûi ttûl (également connu sous le titre Le jardin de l’enfance) est paru en 1980. [...] La fillette, surnommée Yeux-Jaunes par les membres de sa famille, se rend compte que la guerre est « loin » mais elle entend les bruits de la guerre, elle voit les réfugiés arriver, le malheur des familles qui ont tout laissé derrière elles, à part leurs biens les plus précieux : leurs enfants et quelques objets indispensables ou de valeur. Des propriétaires pas commodes et des réfugiés toujours plus nombreux à tel point qu’on ne sait plus où les caser… [...] Terriblement d’actualité, les réfugiés ! Et puis, un père absent, une mère peu présente, une grand-mère âgée et autoritaire, un frère aîné violent. « Les coups de mon frère étaient terribles. C’était un jeune tyran. Depuis le départ de notre père, il avait insidieusement pris sa place et comme notre mère travaillait dans un restaurant du bourg, nous donnant l’impression, en découchant pour des raisons suspectes, qu’elle s’éloignait de nous, les coups qu’il distribuait fréquemment étaient sa façon de nous faire savoir qu’il assumait cette place de chef de famille. » (p. 90-91). Il reste un espoir, le retour du père… [...] La fillette n’est pas stupide, elle sait qu’elle a changé, que les membres de la famille ont changé, que le monde a changé et que son père reviendra changé par la guerre, mais de quelle façon et à quel point ? Une tradition m’a intriguée : c’est le mariage de personnes décédées (afin qu’elles ne soient pas seules dans la mort).
Le feu d’artifice 불꽃놀이 Pulkhon nori est paru en 1986. [...] Bizarrement, cette histoire m’a moins intéressée que les deux autres mais c’est elle qui contient mon passage préféré ! « Dans les histoires, à part quelques benêts incroyablement stupides, les enfants sont tous intelligents et courageux. Ils accordent une grande importance à la confiance, aux promesses ; ils se forment en étudiant à la seule lueur des lucioles ou des reflets sur la neige. Quand leur père est malade, ils fabriquent un remède avec la chair qu’ils prélèvent dans leur propre cuisse ; quand le pays est en danger, ils accourent sur le champ de bataille, prêts au sacrifice. Leur corps est sain, leur esprit profond et ils deviennent en grandissant de bons patriotes. » (p. 157). Je me suis dit que finalement, le discours politique est différent mais a le même résultat de conditionnement au sud et au nord : former de bons patriotes, prêts à se battre, prêts à mourir, à se sacrifier ! Et pourtant l’entrée dans la modernité de la Corée du Sud et ce qui en a découlé, la société de consommation, l’avènement des loisirs (un parc d’attraction est en construction sur l’île) a poussé les Coréens du Sud à étudier, à s’élever dans l’échelle sociale, à réfléchir, à penser (à l’instar des Occidentaux). « L’homme est-il bon ou mauvais ? La facilité, c’est de dire qu’il est les deux ! Tout le monde veut vivre, mais il y a sans arrêt des meurtres. Tout le monde veut la paix, mais il y a partout des guerres. Ce genre de paradoxe… » (p. 181). Alors, peut-on construire un pays sain en oubliant son passé, son histoire, ses traditions, ses croyances (même les plus fantaisistes comme celle du croquemitaine) ?
Dans ces trois récits, Oh Jung-hi parle de la guerre, de la famille, de la séparation des familles, de l’enfant traumatisé qui observe tout, qui perd vite son innocence et devient adulte très tôt, de l’abandon ou de la violence omniprésente ; elle explore la vie et l’âme humaine, sans fioritures, mais avec beaucoup de détails et par touches successives comme une peinture de la Corée (du Sud) qui se modernise – en particulier au contact des étrangers (Chinois, Japonais, Américains) – mais dans la souffrance, dans l’abandon de certaines traditions devenues trop ancestrales et dans l’objectif d’une société de consommation en devenir. De nombreux points rejoignent ce qui était dit dans la série documentaire La Corée du Sud, le pays aux multiples miracles. Un point positif : alors que les réfugiés ont quitté leurs villages pour vivre dans d’autres bourgs, parfois portuaires, qui ont grandi au point de devenir des villes tentaculaires, la Nature a toujours sa place dans le cœur des Coréens, l’eau, les arbres, les fruits, tout ce qui est important à la vie et à la bonne santé.
https://pativore.wordpress.com/2015/11/17/le-quartier-chinois-de-oh-jung-hi/
S’il est intéressant de découvrir une facette de la Corée et de sa culture à travers ces trois nouvelles, qui se lisent assez bien, on ressent une grande retenue chez Oh Jung-hi, qui raconte des situations, mais qui, en s’abstenant de tout jugement, reste d’une certaine manière assez détachée de ses personnages.
On ressent une certaine pudeur, comme s’il s’agissait de fables ou de contes, avec un grand côté poétique, mais sans la jolie morale ou la jolie fin qui clôt l’histoire : ici, le Prince ne vient pas sauver la Princesse.
L’innocence avec laquelle ces nouvelles sont racontées donne une ambiance agréable, très asiatique, mais dans laquelle j’ai cependant eu du mal à entrer pleinement. J’ai regretté de ne pas m’être sentie plus concernée. Je n’en garde pas un mauvais souvenir, mais un souvenir assez flou, qui s’estompe doucement.
OH Jung-hi nous décrit une Corée peu familière : celle de l’après-guerre, un pays encore en proie à un conflit, celui entre le nord et le sud, l’un des épisodes marquant de la Guerre froide .Le texte se compose de trois nouvelles distinctes en apparence, mais s’attachant à décrire la difficulté de grandir et de vivre.
Dans la première nouvelle intitulée « Le Quartier chinois », une fillette de neuf ans quitte la campagne pour une ville portuaire .Le nom de quartier chinois est assimilée à un repère géographique : il est près du port .C’est aussi un lieu de perdition, de débauche. Evoquant la présence de Chinois, la petite fille les décrit ainsi : « Pour nous, ils étaient contrebandiers opiomanes, coolies cachant de l’or sous chaque point des coutures de leurs guenilles, brigands martelant la terre gelée au galop de leurs chevaux barbares (…) Ce qui se trouvait derrière les portes fermées (…) était-ce de l’or ? de l’opium ? ou de la méfiance ? »
Cette fillette découvre la vie, sa cruauté, sa dureté .Elle évoque les déplacements de sa mère, ses fréquentes rentrées tardives à la maison .Au moment où sa mère accouche, elle découvre ses menstruations : « Puis je glissai la main sous mon vêtement à la rencontre de cette chaleur accablante qui m’engluait tout le corps comme une toile d’araignée, à la recherche de son origine .Mes premières règles. »
Dans la deuxième nouvelle « La Cour de l’enfance » , c’est l’absence du père qui est à l’origine du traumatisme de l’enfance , et aussi la violence familiale engendrée par le frère de la narratrice , substitut haineux à l’autorité parentale .L’auteure évoque également une interrogation sur la question de savoir que faire en cas d’absence du père .Cette question est soulevée par Yôngjo, jeune enfant en proie à de douloureuses rêveries : « Et cet enfant qui demande :qui est mon père ? (…) Quand leur père est malade, ils fabriquent un remède avec la chair qu’ils prélèvent sur leur propre cuisse ; quand le pays est en danger, ils accourent sur le champ de bataille, prêts au sacrifice. »
Dans la troisième nouvelle « Le Feu d’artifice », c’est le rapport à l’histoire qui est évoqué, le rôle des vielles croyances superstitieuses. Ebi, une sorte de croquemitaine est évoqué par l’un des personnages .L’histoire n’est jamais bien loin, celle de la guerre de Corée, toute proche, l’envahissement du pays par les soldats chinois, et plus près de nous les années de la dictature militaire en Corée du Sud .Elle se termine sur une interrogation éternelle, exprimée par le grand-père d’un des personnages, Kwanhi : »Que peut-on faire dans un monde pareil ? (…) Mettez vos connaissances au service de causes justes. »
Le récit mêle l’histoire récente de la Corée, sa modernisation, ses vielles croyances à travers les descriptions des vies des personnages contenues dans les trois nouvelles : ils souffrent, mûrissent, parviennent, ou non, à trouver des issues .En cela, le récit de OH-Jung-hi atteint à l’universel.
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