Une sélection à haute valeur historique et humaine, 100 ans après la fin de la guerre 14-18
Durant les cinq premiers jours de novembre 1920, l'Angleterre attend l'arrivée du Soldat inconnu, rapatrié depuis la France. Alors que le pays est en deuil et que tant d'hommes ont disparu, cette cérémonie d'hommage est bien plus qu'un simple symbole, elle recueille la peine d'une nation entière. À Londres, trois femmes vont vivre ces journées à leur manière. Evelyn, dont le fiancé a été tué et qui travaille au bureau des pensions de l'armée; Ada, qui ne cesse d'apercevoir son fils pourtant tombé au front; et Hettie, qui accompagne tous les soirs d'anciens soldats sur la piste du Hammer-smith Palais pour six pence la danse. Dans une ville peuplée d'hommes incapables de retrouver leur place au sein d'une société qui ne les comprend pas, rongés par les horreurs vécues, souvent mutiques, ces femmes cherchent l'équilibre entre la mémoire et la vie. Et lorsque les langues se délient, les coeurs s'apaisent.
Une sélection à haute valeur historique et humaine, 100 ans après la fin de la guerre 14-18
En février, Rahmatou Sangotte a accepté d'être notre lectrice du mois, à vous de la découvrir...
Rahmatou Sangotte a lu "le chagrin des vivants" et rencontré son auteur Anna Hope (Gallimard)
Novembre 1920. Quelque part dans le nord de la France, les autorités s’affairent à exhumer la dépouille d’un soldat britannique anonyme, tombé sur le front de la Grande Guerre. Un plouc lambda, futur Soldat Inconnu, dont les restes sont précautionneusement déposés dans un cercueil, pour être transportés en grande pompe à Londres en vue des commémorations du 11 Novembre (je ne m’attarderai pas sur la monstrueuse hypocrisie des gouvernements qui consiste à honorer, la main sur leur coeur patriote, les cadavres des « morts pour la patrie » après les avoir envoyés sans aucun état d’âme se faire massacrer dans les tranchées. C’est une autre histoire, encore que…).
Pendant ce temps, à Londres précisément, on suit trois femmes qui ne se connaissent pas mais dont le point commun est d’être empêtrées dans le deuil et la solitude. Chacune vit avec la perte d’un homme, fils, fiancé, frère, ou dans le drame de ce qu’il est devenu, traumatisé, estropié, fantôme.
« Le chagrin des vivants » porte bien son titre, roman sur l’après-guerre racontant le sort et les difficultés de ceux (et surtout celles) qui restent, des femmes qui ont perdu un être cher, des hommes qui ont perdu une part d’eux-mêmes.
Anna Hope s’y entend pour captiver et toucher le lecteur, et pour installer une atmosphère. Son écriture est fluide, classique, et la structure du roman l’est aussi, qui passe d’un fil narratif à un autre, parfois trop rapidement d’ailleurs : à peine le temps de s’installer avec un personnage qu’on le quitte pour s’occuper d’un autre, ce qui m’a frustrée à plusieurs reprises.
Un roman sur la souffrance, le deuil, la perte, et la vie, ou la survie, qui va avec. Assez convenu et prévisible (même si heureusement on échappe à un happy end mièvre), il se termine sur une note d’espoir mélancolique.
Le roman tout en finesse d’Anna Hope aurait peut-être dû s’intituler « Le chagrin des survivants ». Car ces femmes qui ont vécu les horreurs de la guerre comme par procuration sont-elles encore vivantes ? Elles survivent tout au plus, tant bien que mal. Elles essaient de panser leurs plaies, n’osant plus regarder vers l’avenir.
Anna Hope crée ici des personnages incroyablement attachants et qui sonnent tellement vrais que ce roman ressemblerait presque à un témoignage.
Elle saisit la vie de ces femmes, encore jeunes mais aux souvenirs déjà trop lourds, leurs aspirations, leurs peurs, leurs chagrins, comme le ferait un peintre expressionniste. Et cette toile est sombre.
Mais au cœur de toute cette horreur, brille une minuscule étincelle d’espoir. C’est à celle-ci que s’accroche Ada, Evelyn et Hettie. Nous la suivons aussi, vacillant avec elle. Elle aussi est une survivante.
Anna Hope dresse ici un portrait de femmes avec une vérité qui bouleverse. C’est brillant, surtout pour un premier roman.
Hanna Hope sait, comme personne, rendre compte de la psychologie des personnages. Elle nous livre, ici, l'histoire de trois femmes dont le destin est bouleversé par la première guerre mondiale. Ces femmes vont avoir à faire un deuil ou devoir s'adapter à une nouvelle condition. le récit dure cinq jours, cinq jours durant lesquels nous suivons aussi le rapatriement des corps de soldats voués à devenir la sépulture du soldat inconnu anglais, (sépulture sensée aider les familles à faire leur deuil en leur livrant un lieu où s recueillir).
Le récit alterne les passages passé/ présent et nous délivre peu à peu la passé de ces femmes mais aussi de leur homme lors de la guerre.
C'est un roman poignant mais jamais larmoyant qui rend compte de la difficulté de faire son deuil quand on ne sait pas ou que l'on n'accepte pas...
Ces cinq jours sont déterminants dans la vie de ces femmes que nous quittons avec regret à la fin de la lecture.
Il s'agit du premier roman d'Anna Hope. J'avais été séduite par La salle de bal et j'avais très envie de lire celui-ci. Je n'ai pas été déçue.
La Première Guerre Mondiale, ses combats, ses morts et ses survivants. La douleur, la vie d'après, la reconstruction mentale, physique. La mort d'un frère, d'un fils, d'un père, d'un mari ou d'un ami. Chaque famille fait son deuil, essaye de survivre à la douleur et aux traumatismes.
Un roman choral mêlant les récits de Hettie qui voit son frère transformé, d'Evelyne qui a perdu son fiancé et d'Ada qui a perdu son fils.
Les personnages se croisent et s'entrecroisent, leur histoire est liée sans le savoir.
Quelle puissance dans l'écriture, quelle puissance dans le récit, quelle puissance dans le ton donné. Un véritable coup de coeur pour moi.
Novembre 1920, le froid et l'humidité s'installent sur l'Angleterre. Pendant cinq jours, nous allons suivre trois femmes qui ont toutes perdu un fils, un frère, un mari pendant la première guerre mondiale. Certains sont revenus vivants mais cassés. Physiquement et émotionnellement. La vie d'après est marquée par le deuil et le manque. Anna Hope utilise un procédé narratif qu'elle manie bien : le roman choral. Tour à tour, le lecteur découvre la vie de ses femmes, leurs blessures et leurs espoirs. le chagrin des vivants est le premier roman d'Anna Hope. Sensible, bien documenté, elle dresse un portrait de femmes (et d'une société) cabossées, mais de femmes fortes et vivantes. Jamais elle ne tombe dans le pathos. le roman se termine sur une note d'espoir. N'est ce pas l'espoir qui nous permet à tous de (sur)vivre? Un premier roman très réussi.
Une histoire de fantômes...
Les fantômes de ceux qui ont péri dans la boucherie de 14-18,
Les fantômes de ceux qui en sont revenus marqués à jamais,
Les fantômes de celles qui n’y sont pas allé mais qui y ont perdu un fils, un fiancé, un frère.
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2 ans après l’armistice, alors que l’Angleterre attend l’arrivée de son soldat inconnu, Ada, Hettie et Evelyn, chacune dans leur coin, tentent de vivre avec leurs fantômes.
Anna Hope explore la premiere guerre et ses conséquences, elle nous raconte dans un grand élan romanesque comment, en plus des millions de morts des champs de batailles, 14-18 a engendré des millions de morts-vivants. Tous tentent de dépasser un traumatisme personnel qui pourra peut-être s’apaiser dans une catharsis nationale autour du cercueil d’un inconnu.
Comme quoi les symboles on leur utilité.
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« Et quoi qu’on puisse en penser ou en dire, l’Angleterre n’a pas gagné cette guerre. Et l’Allemagne ne l’aurait pas gagnée non plus.
- Qu’est-ce que tu veux dire?
- C’est la guerre qui gagne. Et elle continue à gagner, encore et toujours.
Nous sommes à Londres le 7 novembre 1920. La première guerre mondiale s'est achevée deux ans auparavant laissant derrière elle des millions de morts et disparus, de veuves et d'orphelins et de parents privés de leur enfants morts au combat.
Durant les cinq jours qui précèdent les commémorations de la guerre et la cérémonie où sera enterré le soldat inconnu, nous allons suivre le parcours de trois femmes que d'invisibles liens unissent. Ada voit le fantôme de son fils décédé. Evelyn, qui a perdu son fiancé, travaille au bureau des pensions destiné aux anciens combattants et à un frère ancien combattant. Et enfin Hettie, dont le frère est revenu quasi muet de ce conflit, qui, contre six pence, accorde une danse et accompagne d'anciens soldats venus se changer les idées.
Toutes les trois à leur manière cherchent à combler des failles, à avancer malgré la douleur, à se reconstruire. Car le combat, tout le monde l'a mené et pas seulement sur le front.
Ce premier roman évoque avec beaucoup de retenue et de sensibilité le chagrin de ceux qui ont survécu à ce conflit. C'est aussi un hommage délicat et juste à toutes les victimes de cette guerre. Magnifique !
« Je me souviendrai de vous quand je bourrerai ma pipe.
Je me souviendrai de vous quand je lèverais ma chope.
Je me souviendrais de vous dans les bons jours comme dans les mauvais. Dans la lumière de l’été, je me souviendrai de vous » (page 359).
Le chagrin des vivants est le premier roman d’Anna Hope et une belle réussite. J’ai été véritablement conquise et séduite par ce récit autour d’une époque assez peu traitée en général. Et surtout, le fait que l’auteur y intègre les côtés sombres et honteuses de la guerre dont les fusillés pour l’exemple.
Le roman est un peu long à se mettre en route, mais c’est avec surprise que les personnages finissent par s’entrecroiser et qu’Anna Hope met en scène leur rencontre. Notamment celle d’Edouard et Hettie, si romantique.
Le chagrin des vivants se déroule dans une limite temporelle très marquée, cinq jours du dimanche 7 novembre 1920 au jeudi 11 novembre 1920. Durant ce laps de temps où le corps du soldat inconnu transite de la France jusqu’à l’Angleterre, on suit trois femmes de milieux modestes qui doivent faire face aux conséquences de la guerre.
« Pourquoi ne peut-il pas passer à autre chose ?
Pas seulement lui. Tous autant qu’ils sont. Tous les anciens soldats qui font la manche dans la rue, une planche accrochée autour du cou. Tous vous rappellent un événement que vous voudriez oublier. Ça a suffisamment duré. Ella a grandi sous cette ombre pareille à une grande chose tapie qui lessive la vie de toute couleur et toute joie.
(…)
La guerre est terminée, pourquoi ne peuvent-il donc pas tous passer à autre chose, bon sang ? » (page 101).
Hettie danseuse et sœur d’un soldat revenu de la guerre, Evelyn travaille au bureau des pensions de l’armée a perdu son fiancé mort au front alors qu’elle était enceinte, et enfin Ada dont le fils est mort mais sans informations complémentaires, elle le voit déambuler partout. Ces trois femmes aux âges et vies différentes partagent le même chagrin et les traces indélébiles de cette drôle de guerre. Pourtant en elles, on retrouve l’élan des suffragettes qui secoue le pays à cette époque. Un message féministe, notamment porté par les plus jeunes Evelyn et Hettie qui doivent affronter leur mère et les carcans que celles-ci veulent leur imposer.
« Des acclamations tonitruantes retentissent sur la piste de danse, Hettie se retourne et voit le chanteur encourager ses musiciens pour les pousser à continuer. Ils sont américains, sûr. (…) Et les gens : ils dansent comme des fous, comme s’ils se fichaient complètement du qu’en-dira-t-on. Si seulement sa mère pouvait voir ça. Respectable est son mot préféré. Si elle voyait ces gens, s’amuser, elle ferait une attaque » (page 24).
Ce roman est un véritable coup de cœur, Anna Hope a su mêler Histoire, amour, sentiment, tristesse et justesse. Un petit chef d’œuvre pour une première de l’auteur. J’ai espéré en refermant le livre une suite pour ces femmes dans la nouvelle société avec de nouveaux droits pour elles, mais aussi l’après pour ces soldats marqués à jamais.
Une dernière note sur un passage remarquable à la portée universelle sur la guerre.
« Cela pourrait aider les gens à se sentir mieux, et cela pourrait les aider à faire leur deuil. Ça pourrait même m’aider moi. Mais à ça ne mettra pas un terme à la guerre. Et quoi qu’on puisse en penser ou en dire, l’Angleterre n’a pas gagné cette guerre. Et l’Allemagne ne l’aurait pas gagnée non plus.
- Qu’est-ce que tu veux dire ?
- C’est la guerre qui gagne. Et elle continue à gagner, encore et toujours » (page 345).
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