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Le docteur Justo Pastor Proceso a tout pour être heureux. Il est gynécologue dans une petite ville du sud de la Colombie, il a une résidence secondaire, une femme coquette, deux filles et un hobby : enquêter sur la véritable histoire de Simón Bolívar.
Pour le carnaval de décembre 1966, il décide de frapper un grand coup en faisant construire un char burlesque qui révélera la face cachée de Simón Bolívar : le Libérateur s'est attribué des victoires sur des champs de bataille où il n'a jamais mis les pieds, a trahi ses amis, menti sans pudeur, enlevé et violé des petites filles à peine nubiles.
Pareille offense au héros national ne passe pas inaperçue : on crie au scandale, les notables se liguent contre lui, on attaque l'atelier à l'arme à feu. Pour couronner le tout, en pleine folie carnavalesque, il découvre que sa femme le trompe (avec un général et quelques autres), ses filles le méprisent et ses amis se servent de lui.
On quitte le vaudeville pour la farce, mais le drame n'est jamais loin. Dans la Colombie de la fin des années 60 on préfère vivre dans le mensonge plutôt que de remettre les mythes en question.
Dans ce roman à la fois ironique et totalement tragique, Evelio Rosero confirme son très grand talent de styliste et de raconteur d'histoires.
Alors que sort, dans la collection poche Suites des éditions Métailié, le précédent roman d’Evelio Rosero, intitulé Les armées, paraît simultanément en grand format le dernier ouvrage de l’auteur, paru en langue originale en 2012. Le carnaval des innocents (La carroza de Bolívar), récompensé par le Prix national colombien du livre, est un roman ambitieux, jouant avec les genres, et se révèle être d’une incroyable maîtrise dont le but avoué de l’auteur n’est pas de démystifier une figure nationale colombienne, mais bien de dresser un portrait à la fois objectif et vrai de Simón Bolívar.
Fin décembre 1966, la petite ville de Pasto, située dans le sud de la Colombie, non loin de la frontière avec l’Équateur, est en effervescence : la population s’apprête à célébrer le Carnaval des Noirs et Blancs, l’un des plus importants carnavals du pays et qui a été inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2009 – rien que ça ! – et dont la dernière journée, nommée le Jour des Blancs, est marquée par des jets de talc ou de mousse à raser sur la foule, suivi par un défilé de chars et de figures en papiers mâchés. Le roman s’ouvre alors sur la journée du 28 décembre 1966, la journée des Saints-Innocents, où la tradition donne lieu à un arrosage collectif de la population, en signe de purification et qui marque le début des festivités.
Le docteur Justo Pastor Proceso López, gynécologue apprécié pour son doigté par la gente féminine et surnommé par sa femme adultère « le docteur Bourricot », s’apprête à prendre part aux festivités, laissant temporairement son hobby de côté, hobby qui consiste à enquêter et à écrire une immense biographie sur Simón Bolívar, le « Libertador », véritable mythe dans l’Amérique latine ainsi que dans le monde, dont le projet politique notable fut la création d’une Grande Colombie, réunissant alors quatre pays, à savoir le Panamá, la Colombie, l’Équateur et le Venezuela.
Tandis que Primavera Pinzón, sa femme, se consacre à son loisir préféré consistant à tromper son époux, et si possible avec des hommes de haut rang, comme le général Aipe, le docteur Proceso accompagne son voisin, Arcángel de los Ríos, qui répond au doux sobriquet – qui ne reflète qu’une infinie partie de son comportement – de Don Furibard du Klaxon, rendre une visite aux artisans qui mettent un point final aux chars qui circuleront pour le carnaval. C’est ainsi que le docteur réalisera la troublante ressemblance de son voisin avec le fameux « Libertador ». Il décide alors de consacrer les derniers jours de préparatifs à la création d’un char qui révèlera aux yeux de tous le véritable visage de Simón Bolívar.
Pur roman picaresque, la principale force du Carnaval des innocents réside dans sa galerie de personnages, tous plus loufoque les uns que les autres et qui apparaissent avec théâtralité pour déclamer leur texte avant de disparaître de la scène : Evelio Rosero devient un metteur en scène et exploite la folie qui émane de chacun d’eux tout en s’interrogeant sur la relation qu’entretient chaque individu avec la société, d’autant plus celle d’une petite ville.
Le docteur Proceso est sûrement le personnage qui se fait le plus piétiner, le plus malmener dans le roman, tant il est aveuglé par son obsession pour Simón Bolívar, au point de trouver du jour au lendemain une ressemblance avec son voisin. Trompé, méprisé par son entourage et notamment par ses filles, il est tourné en dérision par ses amis, notamment lors d’un formidable passage où ces derniers viennent pour le convaincre d’abandonner la fabrication de son char, pressés de quitter son domicile puis s’installant confortablement dans les fauteuils lorsque Primavera fait son entrée.
Plus qu’un simple divertissement pour le lecteur, on sent qu’Evelio Rosero s’amuse lui-même, en jonglant avec les genres littéraires, passant du vaudeville au roman picaresque, avec un détour par le document historique, pour se terminer, comme toute bonne comédie, par le tragique en présentant au final un homme abandonné de tous et qui déambule dans un carnaval qui prend des allures orgiaques. Avec ses phrases longues et son style léger, Le carnaval des innocents est un excellent roman qui amène le lecteur à réfléchir sur ses obsessions mais aussi sur la représentation des mythes qui nous entourent.
https://unepauselitteraire.com/2016/02/09/le-carnaval-des-innocents-develio-rosero/
Roman passionnant qui permet d'en savoir plus sur la période d'indépendance latino-américaine, j'ai aimé découvrir la Colombie à travers les pages de ce roman de qualité. Qu'est-ce qui fait que les nations et le peuple ont besoin de héros national ? C'est une question intéressante à se poser. Une véritable tragédie où se mêle la grande histoire et la petite histoire. Lors de ce carnaval très important où riches et pauvres se retrouvent sur un pied d'égalité tout le monde n'est pas innocent.
Ce livre parle des impostures, du mensonge et comment ont crée des héros, il parle aussi de la famille où là aussi il y a tant de mensonges, de postures, d'arrangements avec la vérité. L'auteur se sert de tout cela avec brio pour nous conter l'histoire de Justo Pastor Proseco, qui est mal dans sa vie personnelle qui est un fiasco sa famille se fiche de lui, son mariage est une mascarade tout ceci agrémenté d'une bonne dose de cynisme et d'humour très noir . Un pur bonheur, il y a beaucoup d'ironie mais beaucoup de tragédie aussi et ça marche bien pour happer le lecteur et le tenir en haleine.
En tout cas, je pense que ce type de roman ne laissera personne indifférent c'est soit on aime vraiment soit on passe tout à fait à coté.
VERDICT
Tout les fans d'Amérique du Sud devraient adorer et d'histoire dans l'Histoire.
https://revezlivres.wordpress.com/2016/04/21/le-carnaval-des-innocents-evelio-rosero/
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