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Caroline Lamarche déroule la saga d'une famille née à Liège au début de la révolution industrielle et devenue pionnière de la métallurgie du zinc dans les Asturies. Elle raconte les travaux et les jours de ses aïeux, dans une Europe qui nourrit encore des rêves d'expansion. Les personnalités qu'elle aborde, les voix féminines qu'elle relaie, l'hommage rendu à un père qui lui a ouvert le chemin des archives, font d'elle l'héritière éclairée d'une légende familiale ardente et cosmopolite.
« Ces odeurs, celle du labeur industriel comme celle de l'opulence, appartiennent à une enfance disparue. Elles disent le berceau intranquille, la limousine détestée et les fenêtres ouvertes sur un air qui ne conserve que la mémoire de ma difficulté à trouver mon souffle, ma place. »
Quelques années après la mort de son père, Caroline Lamarche plonge dans les archives familiales, qui font largement corps avec celles de l’Asturienne, de son nom complet Royale Compagnie Asturienne des Mines. Cette société belge, fondée en 1853 en pleine révolution industrielle, fut pionnière dans la métallurgie du zinc et exploita pendant près de 150 ans des mines de zinc dans la région espagnole des Asturies. Elle est restée pendant longtemps l’une des entreprises les plus importantes de son secteur, active également en Belgique, en France, en Norvège et dans le nord de l’Afrique.
Le père de Caroline Lamarche, en digne héritier d’une longue tradition familiale, y travailla quasiment jusqu’à la liquidation de la société vers 1980, alors qu’elle était ruinée par le déclin de l’industrie métallurgique européenne et l’épuisement des mines.
Les familles Lamarche et Hauzeur, alliées de génération en génération et actives depuis longtemps notamment dans le tabac, la houille puis le zinc, appartiennent à la haute bourgeoisie liégeoise, et l’auteure est bien consciente d’être le produit de ce milieu privilégié. Au fil de ses recherches, elle a vite réalisé, notamment grâce à des témoignages ou échanges avec des acteurs issus en particulier de la classe ouvrière, que le paternalisme affiché par ses ancêtres à l’égard de leurs ouvriers cachait assez mal les conditions de travail difficiles dans les mines et la répression brutale des grèves. Lucide sur les compromissions nécessaires, elle rend également compte du fait que la prospérité économique de l’Asturienne a parfois dû composer sans trop d’états d’âme avec les contingences politiques, en particulier pendant le franquisme.
Caroline Lamarche ne prétend pas faire œuvre d’historienne, et elle ne tend pas non plus à l’exhaustivité. Il lui manque des sources, notamment tout un pan de la correspondance entre ses parents. Le livre est davantage une histoire familiale qu’une histoire de l’Asturienne, et je suis restée un peu sur ma faim quand elle parle, sans vraiment le développer, du fait que les ouvriers ont lutté pour la survie de la Compagnie. Son enquête n’en est pas moins fouillée et documentée, au vu des éléments qu’elle avait sous la main. Le récit, pas toujours chronologique, et émaillé de ses réflexions et questionnements, est un compte-rendu lucide et honnête d’une légende familiale qui s’inscrit dans une histoire industrielle de près de deux siècles.
Servi par une belle écriture fluide et illustré de photos et documents d’archives, c’est aussi le témoignage d’une femme aux prises avec le poids de la filiation et de son milieu social auquel elle avait cherché à échapper, et un magnifique hommage à son père adoré.
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L’Asturienne, ou plutôt la Compagnie Royale Asturienne des Mines, est une société belge fondée en 1853, qui, pendant cent cinquante ans, exploita les mines de charbon et de zinc de la province espagnole des Asturies. Pionnière de la métallurgie du zinc, également investie dans l’exploitation chimique des minerais, elle devint l’une des principales entreprises industrielles en Espagne et étendit ses activités à la France, la Norvège et l’Afrique du Nord. Le père de Caroline Lamarche en fut le dernier héritier, au terme d’une transmission familiale initiée de longue date, puisqu’au XVIIIe siècle déjà, la famille possédait, entre autres, une manufacture de tabac et exploitait les houillères de Liège, en Belgique. Son père mort et la compagnie ruinée après l’épuisement des mines, l’auteur s’est attelée à l’exploration des archives familiales, retraçant une impressionnante saga courant sur plusieurs siècles, avec ses gloires et ses pans d’ombre.
Il aura fallu à Caroline Lamarche des années de travail pour rassembler et décrypter les documents conservés par ses parents, mais aussi pour les confronter à d’autres sources et, ainsi, restituer toutes ses nuances à la légende familiale. Pour elle autant que pour nous, c’est un monde inconnu et révolu qui se dessine peu à peu, au fur et à mesure de ces fouilles documentaires qui nous font partager la curiosité et la fascination de l’auteur pour des ancêtres à des années-lumière de nos points de référence. A travers eux et leurs entreprises, se déroulent deux siècles d’une passionnante histoire européenne, de la révolution industrielle à nos jours, au cours de ce qui parut longtemps une phase illimitée de progrès et qui, malgré les vicissitudes des guerres et de la dictature espagnole, leur permit le plus grand faste et la fréquentation des plus grands de leur époque.
Un tel lustre s’assortit de faces moins glorieuses. Et c’est avec une émotion troublée que l’auteur s’entend rappeler par des témoins extérieurs les impitoyables conditions de travail et la dure intransigeance de ses ascendants lors des grèves ouvrières, le lourd tribut payé par les employés quand le rendement primait sur la sécurité, les compromissions avec les puissances politiques les moins recommandables, et enfin l’impact environnemental d’activités dont on ne se souciait alors pas du tout qu’elles étaient extrêmement polluantes.
Porté par la magnifique plume pleine d'esprit de l’auteur, ce récit soigneusement documenté, qui sait honnêtement faire la part des choses entre réalité et mémoire familiale, est à la fois un témoignage intéressant sur l’histoire industrielle des deux derniers siècles en Europe, un aveu sincère et sensible du poids de l’héritage et de la filiation chez une femme « déchue » du milieu social de ses ascendants, et un superbe hommage d’une fille à son père.
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