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Autour du nom de Dürer se glisse une rumeur de légende. L'Homme par qui le nord médiéval s'ouvrit aux découvertes de la Renaissance italienne mais pour leur insuffler la vigueur et les ombres d'un tout autre climat, celui que les Vénitiens purent surnommer le « maître des chevelures », l'humaniste, le graveur, le savant est bien en effet une légende, mais cette légende est vraie.
Dans ce livre, la science prodigieuse de Panofsky se fait récit, elle suit Dürer dans sa vie, ses amitiés, ses voyages, elle le suit dans son oeuvre, pas à pas. Chaque oeuvre commentée, rapportée à son contexte, et cela sur tous les plans. La longue analyse de Melencolia 1 ou le chapitre sur Dürer théoricien pourraient à eux seuls faire l'objet de publications séparées mais ce livre est à proprement parler une somme. Indispensable à la connaissance de Dürer, il complètera aussi, du côté d'une transparence monographique, celle de Panofsky, qui en révisera successivement les versions. C'est la dernière qui est ici traduite.
La préface :
Elle éclaire le contexte dans lequel a été écrit ce livre : celui de l'exil. Publié en 1943, alors qu'Erwin Panofsky enseignait aux Etats-Unis, à l'université de Princeton, l'ouvrage ne campe pas le Dürer héroïque, guide pour la nation allemande, que les historiens allemands dont Wölfflin avaient exalté dans le climat nationaliste de la première moitié du XXe siècle, mais un Dürer « Faustien », un Dürer tout à la fois virtuose dans son art et théoricien. En rompant avec l'historiographie allemande, Panofsky a ouvert la voie aux recherches qui font aujourd'hui de Dürer un artiste ayant exploré de multiples possibles artistiques, observateur des replis de sa propre psyché.
II faut en définitive lire cette biographie comme ce que, d'emblée, ce livre se déclare : une réflexion critique sur la contribution des nations à la formation des styles ; une méditation intellectuelle d'un exilé sur le rapport de son pays, l'Allemagne, à l'histoire de l'art ; une volonté aussi d'opposer une sorte de contre-narration aux travaux sur l'art allemand les plus marqués par l'idéologie nationaliste ou fasciste. Du coup, Dürer se révèle comme un des premiers artistes nordiques à avoir voulu adapter les théories de la Renaissance italienne au tempérament de sa patrie (comme Pierre Breughel l'Ancien pour les Flandres). Érudition et style alerte m'ont toujours fait penser que Panofsky et Eco avaient beaucoup de points communs.
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