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Le roman se passe dans le Jura, à la frontière suisse, dans les jours qui précèdent et qui suivent immédiatement l'arrivée de l'an 2000 et de la neige.
La narratrice, une infirmière libérale, parcourt la région pour rendre visite à ses malades. Les routes sont peu sûres à cause des brouillards, de la neige annoncée, des bois à traverser et de la présence en ville d'un drôle d'individu, dénommé Richard Embert, qui tantôt se présente comme voyageur de commerce , tantôt comme ingénieur EDF, et qui semble chercher à passer en Suisse. Lorsqu'une jeune femme, Anne-Marie, fraîchement mariée, est portée disparue, la police fait le lien avec une autre disparition, celle de Michelle Cormier, employée en bijouterie, avec qui le rôdeur a entretenu une liaison deux ans plus tôt. Cerné par la police, le suspect tente de s'échapper en sautant sur les rails et est happé par un train, au moment même où la narratrice, enceinte, perd conscience dans l'ambulance qui l'emmène.
Bâti sur un fait divers, ce livre est un roman d'atmosphère. Une atmosphère lourde et diffuse à la fois, savamment entretenue par une écriture fluide et maîtrisée qui installe le trouble chez le lecteur et le tient en haleine.
«Au fur et à mesure que je progresse dans le récit de ce qui s’est passé cet hiver-là, je suis saisie par une tristesse lourde. Je revois les choses s’enclencher dans un ordre sur lequel nous n’avions aucune prise, s’amonceler sur nous comme la neige. Je me dis : si nous avions su. Il était là, au milieu de nous, il traversait notre vie ; il dormait dans une chambre du café de Bièves et il voyageait sur nos routes, il empruntait le car, celui qu’on prend à la gare routière, tout au bout du parking (le « destin » comme ils l’ont écrit, après, dans le journal…)»
Il, c’est Richard Embert - ou Alain Lenglet, selon les circonstances. C’est l’homme, l’homme mystérieux, arrivé de nuit dans cette petite ville industrielle de montagne, à quelques jours du passage à l’an 2000. Très vite, nous est suggéré qu’il cache et transporte un lourd secret, puis on devine qu’il est en fuite jusqu’à ce qu’on apprenne qu’il est l’objet d’une enquête.
La narratrice omnisciente, c’est Mademoiselle Verny, infirmière libérale, par qui le lecteur apprend les dessous de l’affaire avant même qu’elle n’en devienne une. Au gré de ses visites, elle a recueilli des indices. Et c’est par bribes, au compte-gouttes, elle nous livre son récit, plusieurs années après les faits. Il s’avère qu’elle aurait pu y être mêlée, puisque tout s’est joué dans son sillage, près, tout près d’elle. Elle a croisé l’homme. Et cette proximité, on le sent, l’a durablement marquée, traumatisée même, au point d’être minée par toutes les questions sans réponse que ces « événements » ont suscité et suscitent encore en elle.
Autour de Richard et de Mlle Verny, d’autres personnages, secondaires et cependant jamais superflus. Les seconds rôles, comme au cinéma, ont leur importance. Ils sont tous, de près ou de loin, liés aux faits. Ils ont chacun une partition à jouer dans ces événements qui se déroulent sur une dizaine de jours - tout au plus - entre la fin de l’année 1999 et le début de l’année 2000.
Le décor est lui aussi un personnage, il participe pleinement à la mise en place et en scène d’une atmosphère toute particulière, à la fois feutrée, enneigée et ténébreuse. À la frontière suisse, dans un paysage sourd et lent où le temps se dilate, où la neige efface tout et brouille les pistes…
Dans ce décor de montagne anodin, sous d’épaisses couches de neige, le récit lève peu à peu le voile sur le mystère opaque qui l’enveloppe, nous révèle comme en ombre chinoise et à distance l’homme dont on sait d’emblée qu’il est coupable, sans savoir exactement de quoi. Cette évidence mêlée de soupçon permet à l’auteure de mener son intrigue à la manière d’un thriller. L’écriture est précise, ciselée mais c’est avec parcimonie et finesse que la plume distille ses révélations. L’équilibre entre la description de l’univers morne, triste du village et la psychologie des personnages qui l’habitent est subtil : tout semble austère, ennuyeux, banal, jusqu’à l’acceptation de vies non choisies mais auxquelles on s’est résigné. L’atmosphère est confinée, de plus en plus anxiogène, teintée d’une sorte d’inquiétante étrangeté, ouatée de neige dans laquelle le lecteur se retrouve plongée, en attente. « Tout glisse, personne ne garde la mémoire. Elle montait en ignorant ce qui allait lui arriver. Ce soir-là, lorsque le ciel arrêta d’être rouge, l’obscurité remplit lentement les bois. »
Le malaise est grandissant au fil de l’histoire jusqu’aux dernières pages où le drame atteint son paroxysme, un drame bruyant, violent, et paradoxalement inattendu, tant le suspens était fort et bien préservé. « Vous pensez que je vais vous dire : je savais, j’ai su, tout de suite. Mais non, je n’ai eu aucune intuition particulière. Je ne me suis pas méfiée du tout. » Le lecteur non plus ne se méfie pas, malgré les indices parsemés au fil du récit, emporté dans l’intrigue fascinante et porté par l’écriture magnifique de l’auteure qui lui offre un roman haletant, troublant, étourdissant.
Hasard ou coïncidence, j’ai lu le Barberis juste après le Bizot craignant de prime abord de retomber dans les nappes de brume alpines. La vie en marge c’est celle que mènent les habitants d’une petite ville de montagne à la frontière Suisse. De nouveau, des personnages dont on n’approche que les contours: Richard Embert le fuyard dont on ne sait pas exactement ce qu’il fuit, ni ses motifs, et qui se transforme en rôdeur, empruntant différentes identités, la jeune infirmière, Mademoiselle Verny, toujours sur les routes qui fait le lien entre les habitants qui la sollicitent pour des soins: Karl Schnaben dans son immense propriété en bordure de la forêt, les Declercq sui s’ennuient et surveillent les faits et gestes de la rue Vianney, la voisine Michelle Cormier qui va disparaître …. Ambiance polar, à la frontière de l’An 2000, sous un épais manteaux neigeux qui assourdit les faits et gestes de chacun des protagonistes. La dernière scène très filmique, où tout se précipite transforme le roman en scenario, et l’on se prend à songer à une adaptation du roman sur les écrans.
Décembre 1999-Janvier 2000.
Mlle Verny, infirmière libérale, raconte la vie et l'ennui de sa petite ville perdue et paralysée par la neige dans le Jura, simplement animée par le centre commercial en train de s'agrandir et les trains qui emmènent en Suisse. La narratrice est une fine observatrice des gens et de la nature alentour. Elle en rend très bien la monotonie, la tristesse, l'immobilité. C'est un peu glauque, on a l'impression que le temps y est figé.
Elle raconte l'époque où un tueur en série (en fait,c'est plus fin que ce terme,qui n'est jamais dit aussi explicitement) s'était installé dans la petite ville imaginaire de Bièves en attendant de passer la frontière, comment il avait vécu ces quelques jours d'apocalypse en fréquentant les gens du coin et comment il avait séduit deux femmes de la ville.
Ce n'est pas du tout un polar. C'est plus un roman d'ambiance et l'auteure parvient sans effort apparent à nous embarquer dans ce Jura inhospitalier. C'est très bien écrit, les mots choisis avec précision, il n'y a jamais un adjectif de trop. Les descriptions de paysages, les gens sonnent très justes. Et j'ai eu froid en le lisant. Maîtrisé et réussi.
On avance dans ce roman par petites touches. La neige tombe et arrête le temps. La vie en marge dans une petite ville industrielle, près de la frontière. Des personnages secondaires, les malades que visite l'infirmière (narratrice du roman), les retraités, l’amant, les voisins, les chinois de la basse ville et Richard Embert qui fuit, qui ment, qui blesse, qui détruit des vies. Ce n’est pas une enquête policière mais un long travail d’observation fine des comportements. C'est le vrai sens de ce roman au style parfaitement maîtrisé. L'écriture de Dominique Barbéris, possède une puissance d'évocation étonnante. L'auteur ne fouille pas la psychologie des personnages, elle ne cherche pas à accuser ni à pardonner. Elle décrit les choses, l’austérité et la morosité de la ville, les pauvres vies de ceux qui ont perdu l’enthousiasme et la foi. Elle nous fait suivre un homme meurtri dans une atmosphère de province lourde. Très belle réussite !
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