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Au fond de la campagne française, dans le Périgord noir, Bernard, la cinquantaine, débraillé, bourru, vit seul dans une cahute où il fume et boit comme dix. Il a perdu sa mère quand il était jeune et son père, le plus riche agriculteur des environs, le rabaisse sans cesse. Bernard travaille comme homme à tout faire, chasse, bricole. Les gens du village le méprisent. Et depuis qu'Isabelle, la femme qu'il aimait, est partie, les malheurs se succèdent. Seule la nature qu'il connait parfaitement, l'apaise. Ses mains puissantes calment les douleurs. Il devine les esprits mauvais dans les maisons anciennes. Surtout, c'est un homme bon, doux. Il rêve secrètement de douceur féminine. Jusqu'à ce qu'il rencontre Marie, une aristocrate de vingt-cinq ans son ainée, veuve, qui sait voir la beauté de son rapport au monde.
« Il n’est pas nécessaire d’écrire pour être poète. Tu n’inventes pas des poésies, mais tu vois la poésie qui est autour de nous. Les arbres, les bruits, les gestes, les insectes, les détails dont les autres se moquent, ce qui nous dépasse... »
Cela fait maintenant plus d’un an qu’Isabelle est partie, Bernard a laissé filer sa chance. Quatre murs où l’on suffoque l’été et où on gèle l’hiver, c’est tout ce qu’il avait a lui offrir. Depuis il se laisse aller, il mange peu et boit beaucoup. Tous les dimanches, il va acheter des croissants au cas où elle revienne. Les femmes ne courent pas les routes dans le coin, heureusement il a ses chiens. Au village, on l’appelle l’homme aux sangliers, il est aussi sauvage qu’eux. Il a l’impression qu’il n’y a aucune place pour lui, nulle part. Qui pourrait aimer un type dont la vie ne vaut pas plus que celle d’une bête.
Et puis il rencontre Marie, elle doit avoir 75 ans, son visage aux traits affinés a gardé de la beauté. Ils ne sont pas du même cercle, mais ils ont le même rapport au monde, la même sensibilité. Il n’est jamais impatient de la quitter, il a chaque fois, l’impression qu’elle lui offre une pause dans son agitation intérieure.
Dans ce roman que j’ai trouvé très beau et bien écrit, Emmanuelle Delacomptée nous raconte l’histoire de Bernard qui vit en harmonie avec la nature et les animaux.
« La nature il la vénère comme un Indien ou un Aborigène. Sans être bigote, sa mère estimait, elle aussi, cet équilibre sacré. Cet infini de mécanismes imbriqués les uns dans les autres, ces cycles réguliers, ces agencements minutieux, ces beautés qui s’ignorent. »
L’auteur sait parfaitement nous faire ressentir l’absence de femme dans la vie de cet homme de plus en plus solitaire. Il y a plusieurs passages qui m’ont interpellé comme les descriptions très réalistes des scènes de chasse et surtout les dernières lignes où Bernard compare le corps de Marie à sa Dordogne qu’il aime tant. Un beau récit, je me suis attaché à ce personnage rustre, bourru qui meurt petit à petit faute d’amour.
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