Matière sculptée par le souvenir, l'enfance est ce qui nous façonne d'un flot continu et souterrain. Aux abords de la maison de la grand-mère, dans une boucle de la Seine entre forêt et falaise crayeuse, le temps de l'été s'étire. Paule du Bouchet a cinq ans, sept ans, neuf ans. Avec toute une petite bande, emmenée par le cousin David, à peine plus âgé, bien plus casse-cou, elle construit des cabanes, explore des maisons abandonnées, exerce avec furie le pouvoir de nommer les choses. Le père leur lit l'Odyssée et parle la «langue de l'hirondelle», cette langue de vérité et de sauvagerie par laquelle l'enfant crée où se réfugier hors des conventions. C'est la langue du poète. Et celle de qui renoue intimement avec soi.
Un petit roman autobiographique comme je les aime tant, écrit avec le cœur, qui parle de souvenirs d’enfance et leur donne, avec des mots d’adultes, de la forme et de la couleur.
Il est question ici d’enfantillages, de cousins et de cabanes dans les bois, de l’Odyssée et de refuge, d’albums du père Castor, de vérité et de poésie.
Il est également question de langage, de celui des adultes quand ils lisent des histoires aux enfants, du langage inventé entre enfants pour ne pas être compris des adultes, du langage des silences.
Ce roman est comme un sac de bonbons, dans lequel on piocherait un souvenir, on le déballerait délicatement, pour faire durer le plaisir, et en extraire une savoureuse pépite. Je pense notamment ici au « Ballon rouge » d’Albert Lamorisse, histoire merveilleuse et sans parole d’un ballon et d’un petit garçon, dans le Paris des années 1950.
C’est un roman qui m’a ravie, qui m’a renvoyée maintes fois à ma propre enfance, qui m’a rappelée l’importance de la parole et de la place qu’on décide de lui accorder dans nos vies.
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