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La Foire (Iarmarka), daté de 1941, décrit la vie juive dans un shtetl d'Ukraine avant la Shoah. Il se présente comme une succession de scènes de vie sonores, drôles et bigarrées se déroulant un jour de foire. Il exhale de ce texte, constitué de scènes successives, des odeurs de cuisine juive de l'Europe de l'Est : harengs, carpes et cous d'oie farcis, champignons et cornichons à la saumure, petits boubliki en forme d'anneaux, autant de plats auxquels viennent s'ajouter des cris d'animaux, des chansons, le bagou des vendeurs et des habitants du shtetl, composant ainsi une exubérante cacophonie pleine de vitalité. Un passant (Tabor), qui parut dans les années 1960 en URSS par des canaux illégaux et non officiels est un témoignage poignant sur la destruction du monde juif au cours de la guerre, et sur l'oblitération de la Shoah par le pouvoir soviétique :
Dans toutes les rues et sur toutes les places le commerce battait son plein. De toutes les fenêtres, des portes et des portails s'échappaient les hurlements des camelots et toutes les maisons s'étaient transformées en étals de marchandises. À tous les étages des auberges, des demoiselles promettaient en toute impudeur monts et merveilles aux marchands, et des Tsiganes chantaient à s'en casser la voix. À tous les carrefours, on entendait des roulements de tambours, des nains cherchaient à gagner les bonnes grâces des passants, des géants bombaient le torse.
Des Chinois aux yeux bridés faisaient claquer leurs éventails qui s'ouvraient comme des oiseaux aux ailes de feu et scintillaient des couleurs de l'arc en ciel. Des enfants chinois tenaient dans leurs mains des fontaines bigarrées en papier. Bien haut dans le ciel au-dessus de la foire, attirant les regards de la foule, tournoyaient et planaient des jouets légers comme l'air, semblables aux rêves bigarrés des enfants.
(...) Soudain tout s'emballa, les perroquets se mirent à brailler, les Juifs à la mine renfrognée firent des pas de danse avec leurs ours, des musiciens se lancèrent dans des improvisations sur des flûtes en os, les tambours poussèrent un soupir qui couvrit les sifflements et les hurlements qui montaient de la foule.
- Cha ! Chut ! dit ma tante, voici Boulba !
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