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La Fatigue du matériau est LE roman de la migration. Une géographie de la peur qui exhorte ses lecteurs à se mettre dans la peau d'un migrant. Ici pas de réflexion politique, économique ou jugement moral, car «c'est un livre volontairement physique, chaque phrase interpelle le lecteur, et l'oblige à vivre avec le héros». La force du roman du prometteur écrivain tchèque, Marek indelka, tient dans le fait que le lecteur ne consomme pas l'histoire mais la vit profondément, emporté dans le froid, la faim, l'angoisse et le désespoir de ce que l'auteur appelle «la conscience noire de l'Europe». Sans nom, sans pays, sans destination, les héros deviennent les archétypes du migrant.
Deux jeunes frères fuient clandestinement leur pays, après la disparition de leurs parents dans un bombardement. Ils arrivent ainsi séparément en Europe où ils ont prévu de se retrouver. Ce sont alors deux périples qu'entreprend le lecteur dans ce récit court, intense et haletant, au gré des épreuves que traversent les deux frères, dans l'espoir de se voir accorder un nouveau droit à l'existence. Il faut fuir et se cacher, trouver à manger, tenter de se repérer, avancer. Le monde se révèle à travers le prisme de l'angoisse, nous faisant vivre une véritable expérience physique et humaine. Mus par la force du lien fraternel et par la volonté de ne jamais se laisser humilier, Amir et son frère doivent tenir malgré la « fatigue du matériau », c'est-à-dire l'usure extrême du corps. Un puissant remède contre la déshumanisation.
Amir et son frère fuient leur pays en guerre, probablement la Syrie. Grâce à l'argent d'interprète gagné par l'aîné, les deux jeunes font appel à des passeurs pour aller en Europe.
Malheureusement, les deux frères sont séparés et, chacun de leur côté, vont tenter de trouver le chemin pour l'eldorado tant espéré...
Ce roman est celui des migrants, de ceux qui tentent une route longue, dangereuse pour trouver une vie meilleure.
Cet exil, qui leur est imposé par leur pays en guerre, est un voyage de froid et de misère.
L'auteur prend le parti de faire un récit immersif, au plus proche des sensations ressentis par les personnages. L'on ne saura que très peu d'eux, au final, mais on les accompagnera dans chaque minute d'agonie, coincé dans une voiture, ou s'échappant d'un centre de rétention.
La solitude, coupant le réconfort qu'aurait été la présence d'un frère, les obstacles qui se succèdent. La peur d'errer de ne pas savoir où l'on se situe, sans carte, ni téléphone.
Ce récit prend aux tripes, face également à l'absence d'empathie rencontrée sur la route. La stupidité et la xénophobie affligeant encore davantage les deux frères. Les rares exemples de sympathie sont plutôt des exemples d'égoïsme, cachés sous le vernis de la philanthropie, une publicité à peu de frais.
La fatigue du matériau, de ce corps poussé à l'extrême, comment pourrait-il en être autrement ? Il faut toujours avancer, malgré le froid, la fatigue et la faim. Ce corps, que peut-il faire ?
Ce court roman chamboule par l'immersion qu'il impose au lecteur, dans ce destin qui en d'autres lieux, d'autres temps auraient pu être le vôtre ou le mien.
Un excellent récit, nécessaire, pour nous rappeler que les migrants ne sont pas une masse, une simple expression entendu au J.T du soir mais des individus comme vous, comme moi.
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