Des romans policiers à offrir ? Faites le plein de bonnes idées !
Pourquoi, un matin d'automne, une si jolie jeune femme, intelligente et libre, entourée d'amis, admirée, une fille que la vie semblait amuser, amoureuse d'un beau soldat américain qui l'aimait aussi, s'est-elle jetée à l'aube par la fenêtre d'une chambre d'hôtel, à vingt ans ? J'aimerais savoir, comprendre.
Dunkerque, Veules-les-Roses, Cherbourg, Dinard, Konk-Leon (Le Conquet en breton), Saint-Nazaire, Saint-Jean-de-Monts, Saint-Georges-de-Didonne, Arcachon, Hendaye, Bagnères-de-Luchon, Port-Vendres où il retrouve avec grande émotion le café de son oncle… souvenirs d’un enfant de 5 ans, La Grande-Motte, Toulon, Menton, Briançon, Évian-les-Bains, Montbéliard, Wissembourg, Sedan, Givet, Maubeuge et Dunkerque, le tour de la France de Philippe Jaenada est bouclé avant de revenir enfin à Paris !
L’auteur généreux que j’ai eu le régal de lire dans Sulak, La petite femelle, La Serpe, Au printemps des monstres puis dans Sans preuve & sans aveu, s’est lancé dans un périple impressionnant au volant d’une voiture de location, guidé par la précieuse Gladys comme il nomme la voix de son GPS : La désinvolture est une bien belle chose !
C’est à partir d’un fait divers, comme on dit, la chute mortelle d’une jeune femme de 20 ans, en 1953, du cinquième étage d’un hôtel – elle s’est jetée par la fenêtre le même jour où Pauline Dubuisson a été incarcérée ! - qu’il brosse un tableau très complet d’une jeunesse perdue qui n’a pas pu vivre une adolescence normale durant la Seconde guerre mondiale. Cette jeune femme s’appelle Jacqueline Harispe mais on la nomme Kaki ou plutôt Kaky.
Elle et ses amis fréquentent un petit bistrot, au 22 de la rue du Four, dans le Quartier Latin, et ce bar a pour nom : Chez Moineau, une boutique de parfum aujourd’hui. C’est ainsi que ces jeunes, filles et garçons, âgés de 16, 17 et 18 ans, les Moineaux, comme l’auteur les nomme affectueusement, reprennent vie, mangent, boivent, font l’amour. Patrick Modiano et Guy Debord en parlent aussi.
Fidèle à son habitude, Philippe Jaenada partage ses questions, sa méthode et ses recherches avec son lecteur. Il s’appuie sur quantité de documents dont le plus important s’intitule « Love on the left Bank », publié en 1956 par le photographe néerlandais Ed van der Elsken (1925 – 1990) qui côtoie aussi les Moineaux.
Bien sûr, l’auteur me fait bénéficier d’anecdotes intimes mais importantes pour la compréhension de l’histoire. Il continue à fréquenter les bistrots des lieux qu’il visite, affirmant son goût immodéré pour le whisky avec toujours un sens critique aiguisé. Même s’il sait qu’il doit limiter drastiquement ses digressions, c’est trop fort. Il ne s’en prive pas mais l’humour permet de faire passer tout ça, surtout qu’il prévient rapidement de ne pas s’acharner à retenir tous les noms qu’il cite car… il y en a trop !
Sa véritable enquête est poussée à l’extrême. Il laisse souvent Kaki de côté pour détailler chaque famille et les origines des principaux protagonistes de l’histoire comme Boris, cet étasunien amoureux de Kaki, présent dans la chambre d’hôtel lors du drame qui ressemble à un suicide.
Tous ces mariages, ces divorces complexifient le récit et je me demande comment Philippe Jaenada fait pour ne pas s’y perdre. Au passage, il fait allusion à de nombreux gens célèbres qui ont fréquentés les quartiers, les lieux qu’il évoque.
L’auteur affirme encore plus son talent lorsqu’il décrit en détail ce qu’il voit sur une photo et, tout à coup, se met à parler de la mère de Saint-Augustin, Sainte-Monique, parce qu’il voit un livre racontant sa vie… digressions dont il est seul à avoir le secret.
Enfin, il n’oublie pas sa malheureuse héroïne lorsqu’il fait part de son scénario élaboré dans la chambre même où tout s’est passé. C’est passionnant, vibrant, plein d’émotion et lui permet de signaler que Kaky aurait atteint les quatre-vingt-dix ans si…
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/10/philippe-jaenada-la-desinvolture-est-une-bien-belle-chose.html
Légère inflexion dans la ligne de conduite littéraire de Philippe Jaenada, ce n’est pas une enquête sur un cold-case qui constitue la trame de son dernier ouvrage. La jeune Kaki, qui hantait les bars de la rive gauche s’est bel et bien suicidé, en se jetant de la fenêtre de la chambre d’hôtel où elle séjournait avec son compagnon.
Cependant, la question de savoir pourquoi elle en est arrivé à ce geste définitif fait surgir quantité d’interrogations autour de cette jeunesse d’après-guerre, qui côtoie Debord et ses disciples situationnistes, dans un désoeuvrement qui signe la rébellion face aux codes de la société bien pensante.
Rassurez-vous, les groupies du roi des doubles parenthèses ne seront pas déçues. Car le cheminement sur cette affaire s’enrichit d’un tour de France par les bords, exploration des lieux le plus improbables, où l’on n’est jamais certain de trouver un bon whisky, mais où la faune locale est une mine d’or pour un écrivain, ou pour un simple curieux des moeurs de ses contemporains.
J’ai pris un grand plaisir à parcourir ces pages en prenant mon temps, pour accompagner (plus sobrement) le périple hexagonal. L’humour et le sens de l’observation font de ce texte un régal.
Merci à Babelio et aux éditions Mialet-Barrault pour ce service de presse.
496 pages 21 août 2024 Mialet-Barrault
Masse critique Babelio
Depuis maintenant plusieurs livres, Philippe Jaenada s'est fait une spécialité : faire revivre des faits divers, souvent reflets d'une époque, pour dénoncer une justice inique.
Cette fois-ci, celle-ci n'est pas en cause. Dans « La Désinvolture est une bien belle chose », il se penche en effet sur le suicide, une nuit de novembre 1953, de Jacqueline Harispe, surnommée Kaki. Pourquoi une jeune fille belle, intelligente et follement amoureuse de son amant américain s'est-elle donné la mort ?
C'est la question, fil rouge de cette somme de cinq cents pages, que se pose l'auteur de « La Serpe ».
Parce qu'il tourne en rond à Paris, l'auteur loue une petite voiture et se rend à Dunkerque, non loin de Malo-les-Bains où est née Pauline Debuisson. Mais ce n'est pas « l'héroïne » de « La Petite femelle » qui occupe ses pensées, c'est la figure de Kaki dont il entend parler pour la première fois en préparant « Au printemps des monstres ». Patrick Modiano s'en inspire pour « Dans le café de la jeunesse perdue » dont le titre est une référence à une phrase de Guy Debord, le père du situationnisme qui fréquenta, dès le début des années 1950, le bistrot « Chez Moineau » rue du Four, refuge pour Kaki et ses amis.
Sur une photo, extraite de « Love on the Left Bank » d'Ed van der Elsken, qu'il trouve sur internet, Philippe Jaenada les voit attablés autour d'un couscous. « Ils ne sont pas dans l'air du temps » remarque-t-il. Contrairement à la génération existentialiste dont l'une des figures de proue est Juliette Gréco, ils ont l'air fatigués, sans espoir.
En avançant dans ses recherches grâce à son ordinateur portable qui l'accompagne, l'écrivain constate que beaucoup d'entre eux sont issus de foyers dysfonctionnels, de parents qui ont collaboré, comme le père de Kaki, ou ont été exterminés parce qu'ils étaient Juifs.
Leur quotidien fait d'alcool, de drogue et de sexe est interrompu par de courts séjours en prison ou dans ce qui ressemble à des maisons de correction.
« La Désinvolture est une bien belle chose » fait ainsi le portrait d'une génération sacrifiée, encore marquée par la guerre, née avant elle, mais trop jeune pour avoir combattu, renforçant cette impression d'être inutile et ce comportement nihiliste. Presque punk avant l'heure !
Au-delà de l'anatomie d'une cohorte dans la France des années 1950, le récit de Philippe Jaenada, et c'est ce qui fait son sel, propose un voyage parallèle et très actuel cette fois.
Alors qu'il nourrit son prochain livre, l'écrivain redresseur de torts fait en effet le tour de la France « par les bords ». Tout commence à Veules-les-Roses, charmante station balnéaire normande où il a passé autrefois de bons moments avec Anne-Catherine sa compagne.
Le périple, guidé par la douce voix du GPS Gladys, l'emmène ensuite de Cherbourg à, de nouveau, Dunkerque, en passant par Saint-Nazaire, Hendaye, la Grande-Motte, Menton, Maubeuge...
Ce grand amateur de bistrots et de whisky s'arrête dans les bars où il prend le pouls d'un pays qui, vu de Paris, serait fracturé. « Contrairement à ce que laissent entendre les chaînes infos […], je n'ai pas vu la France à feu et à sang » constate-t-il, ajoutant « sauf chez les complotistes demeurés de La Grande-Motte ».
La fréquentation assidue des troquets reflète peut-être aussi son envie de retrouver les descendants des Moineaux. Et où qu'il aille, il est confronté à des coïncidences qui donnent lieu à des retours en arrière et à des divagations qui soulignent la pertinence de l'adage populaire « le monde est petit ». On croise ainsi Georges Arnaud, « héros » de « La Serpe ».
Ce circuit au cœur de la France, rapidement taxée de périphérique, donne lieu à des observations toujours justes et à des digressions personnelles parfois très drôles qui sont désormais la marque de fabrique de l'auteur de Sulak.
Une scène que Jean-Marie Gourio aurait certainement glissée dans ses « Brèves de comptoir » : au « Centre » à Saint-Nazaire, une « drôle de ville », un homme surgit pour annoncer que David s'était « éventré avec un pied de parasol » (sic). Deux types, style pêcheurs désabusés, lui posent la question suivante : « Comment il a fait ça ? » au lieu de s'inquiéter de son état et de compatir !
Malgré quelques longueurs, dont il est si conscient qu'on lui pardonne, Philippe Jaenada offre ainsi une peinture savoureuse de l'hexagone, jamais méchante et souvent tendre comme il l'est avec Kaki et ses comparses.
EXTRAIT
- La vie est une gigantesque toile de coïncidences troublantes.
http://papivore.net/litterature-francophone/critique-la-desinvolture-est-une-bien-belle-chose-philippe-jaenada-mialet-barrault/
À l’aube du 28 novembre 1953, Jacqueline Harispe (dite « Kaki ») ex-mannequin pour Dior, s’est jetée du cinquième étage de l’hôtel Mistral, à Paris. Elle avait vingt ans …
Les traces de Kaki, on les retrouve du côté de Saint-Germain-des-prés, surtout dans ce petit bistrot (Moineau) tenu par un couple du même nom, qui accueillaient à bras ouverts des jeunes (de quinze à vingt ans) des « enfants de la guerre », nés entre 1931 et 1935, qu’ils surnommaient « les moineaux » … On trouve également trace de la toute jeune femme (sous le pseudo de « Louki ») dans le roman de Modiano (« Dans le café de la jeunesse perdue ») …
L’auteur va faire un tour de France en voiture, mêlant – comme à son habitude – anecdotes sur sa vie privée et une enquête (ultra fouillée et admirablement documentée) sur l’époque – et la courte existence – de notre malheureuse héroïne. « Genre » intrigue policière. Car, oui, comment vérifier si Boris, le petit ami du moment dont elle partageait les nuits, ne l’aurait pas poussé à sauter, voire « aidé » ? … Apparemment, tout tente à démontrer le contraire … Le pauvre garçon – complètement atterré – aurait essayé de la retenir. Se retrouvant, hélas, (et bêtement) en possession de la petite culotte de Kaki, seul vêtement qu’elle portait lors de son acte désespéré (ou d’un geste stupide, dû à une soirée trop arrosée ?…)
Un (long) récit, étayé d’une multitude d’informations, de dates et de personnages. Sauf que, cette fois, la magie n’a pas opéré : je me suis ennuyée … Pourtant, j’avais vraiment adoré son précédent ouvrage sur Lucien Léger (ainsi que la majorité de ses romans) Tant pis, on ne peut pas tout aimer, non plus ! Il est des sujets qui vous touchent plus que d’autres, c’est comme ça … Une petite déception, donc.
Si en février 2023, Philippe Jaenada s’est rendu sur la plage de Dunkerque, c’est dans un premier temps pour s’immerger, huit ans après l’écriture de La petite femelle, dans le décor de l’enfance et de la jeunesse de Pauline Dubuisson, ayant craint s’il était venu du temps de l’écriture de s’être laissé imbiber par l’émotion…
Mais il se rend compte que lorsqu’il tourne son regard vers la mer, ce n’est pas seulement à cette jeune femme qu’il pense mais c’est à une autre fille qui tombe du ciel, une fille inconnue qui se jette par la fenêtre, à l’aube du 28 novembre 1953.
Dans La désinvolture est une bien belle chose, Philippe Jaenada, conte l’histoire vraie de Jacqueline Harispe surnommée Kaki et, tel un enquêteur, va, comme dans ses précédents romans, pour essayer de retracer sa courte vie, creuser pour tenter d’en savoir plus sur celle que Vali Myers, artiste australienne ou Jean-Michel Mension, ami de Guy Debord avec qui il participe à l’internationale lettriste, décrivent comme la beauté du quartier, la reine du quartier, la plus jolie fille de toutes, et tenter de savoir et comprendre « Pourquoi, un matin d’automne, une si jolie jeune femme, intelligente et libre, entourée d’amis, admirée, une fille que la vie semblait amuser, amoureuse d’un beau soldat américain qui l’aimait aussi, s’est jetée à l’aube par la fenêtre d’une chambre d’hôtel, à vingt ans ? »
Jacqueline née en 1933 passait son existence Chez Moineau, un bar minuscule tenu par le couple Moineau. C’est moche, sale mais il y fait chaud et la mère Moineau cuisine bien. C’est ainsi que, attirés par la soupe, le vin pas cher et le poêle, des jeunes nés dans le début des années 1930 et qui avaient donc une dizaine d’années pendant la guerre se sont retrouvés et consumés dans les années 50, à 16 ou 17 ans, dans ce petit bistrot : « Ils voulaient rester enfants, ils avaient besoin d’enfance, celle qu’ils n’avaient pas eu ». Ils sont quasiment tous issus de famille instable et essaient de se recréer une enfance, ils inventent une façon d’être...
À travers Kaki, c’est cette génération perdue d’après-guerre que l’écrivain tire de l’oubli et réhabilite en quelque sorte. Il le fait méticuleusement, minutieusement, croisant et recoupant les informations et témoignages qu’il découvre, non sans peine, grâce aux différentes archives. Il faut dire qu’il n’a pas son pareil pour exhumer des détails que les précédents enquêteurs n’ont pas eu le temps de décortiquer ou la curiosité d’approfondir. Il s’appuie également sur plusieurs ouvrages ayant trait à la jeunesse de cette époque. Il mentionne dès le début, le roman de Patrick Modiano, Dans le café de la jeunesse perdue, qui se déroule en bonne partie dans un bar du Quartier latin calqué sur ce petit établissement du 22 rue du Four, titre tiré d’ailleurs d’une phrase de Guy Debord. Jean-Marie Apostolidès, prof à Stanford, n’a pas hésité à lui transmettre tout ce qu’il avait rassemblé depuis plus de vingt ans, il s’éteindra avant la parution du livre sans que Philippe ait pu le rencontrer.
Même si j’ai pu accéder à quelques photographies sur internet, que n’ai-je eu entre les mains ce Love on the Left Bank dans lequel Ed van der Elsken a immortalisé sur ses photos, ces jeunes, leur donnant un moment de vie, certes éphémère.
Pour raconter cette histoire, pendant son écriture, Philippe Jaenada a eu l’idée somme toute assez originale de faire le tour de la France métropolitaine par les bords, en vingt-quatre jours, à bord d’une voiture de location, prenant pour titre de chaque chapitre, le port ou la ville où il s’arrête. Il nous fait ainsi partager son insouciance et ses réflexions non dénuées de bon sens, notamment sur le temps qui passe. Lors de ces étapes hôtelières, avec cet humour ô combien salvateur qui lui est propre, et ce regard chargé d’émotions lorsqu’il évoque son épouse Anne-Catherine ou son fils Ernest. Une manière pour lui, en vivant ces moments de laisser-aller, de décompresser un peu du récit plutôt sombre qu’il écrit et pour nous également, en le lisant.
Ce qui fait le charme de ses romans, c’est que dans le drame, il n’oublie jamais la dérision.
J’ai été tenue en haleine du début à la fin par ce roman en découvrant la vie de ces Moineaux parisiens, émue et bouleversée de découvrir l’enfance de certains d’entre eux puis leur jeunesse.
J’ai dû persévérer encore un peu et ne l’ai pas regretté tant, petit à petit, j’ai été captivée et émue...
Lire la chronique complète et illustrée ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/09/philippe-jaenada-la-desinvolture-est-une-bien-belle-chose.html
Je trouve le titre du dernier Jaenada très beau
Le thème du livre ( essayer de comprendre pourquoi une jeune femme de 20 ans s’est jetée du 3 ° étage d’un hôtel) a tout pour me plaire car j’aime les « enquêtes » de Philippe Jaenada, ses retours dans le passé, ses recherches minutieuses.
Et j’aime son écriture , ses digressions , ses parenthèses, son auto dérision , son humour et sa très grande empathie pour ses personnages
MAIS
Je n’ai pas adhéré à ce dernier roman. Je me suis trop souvent demandé où il voulait nous emmener. Bien pire , je me suis parfois ennuyé .Bref ,je n’ai pas été séduit.
Ses trop nombreux personnages ( je sais , il n’est pas nécessaires de les retenir tous puisque les personnages importants reviendront au cours du récit et c’est l’auteur qui le dit) m’ont perdu et c’est la première fois que je me perd dans un roman de Philippe Jaenada . Cela m’ennuie car il fait partie de mon TOP 10 des auteurs français et il a largement participé à ce que je retrouve le plaisir de lire à une époque où la lecture n’avait pas la place qu’elle a aujourd’hui dans ma vie.
Donc je ne suis pas tombé sous le charme de Kaky et de ses amis comme j’étais tombé sous le charme de Pauline Dubuisson. Cette jeunesse perdue , sans espoir , quartier St Germain , au tout début des années 50, ne m’a pas séduit.
Et pourtant , qu’est ce que j’aimerais le croiser dans un bistro , partager une « double limonade » avec lui.
Rendez vous manqué donc . J’attends le prochain roman . Je suis patient.
Spécialiste du fait divers qu’il investigue avec une inusable minutie, Philippe Jaenada s’attaque à un nouveau défi : dessiner en creux le portrait d’une inconnue - Jacqueline Harispe, dite Kaki, défenestrée à vingt ans en 1953 -, à travers celui de la jeunesse perdue qui fréquentait après-guerre le Café Moineau à Saint-Germain-des-Prés, un lieu de ralliement partagé avec Guy Debord, le théoricien et révolutionnaire précurseur de Mai 68 qui devait bientôt jeter les bases des théories situationnistes.
Sa méthode est bien rodée : rassembler avec ténacité les plus infimes détails, se mettre humoristiquement en scène dans ce travail de fourmi propice aux digressions faussement désordonnées, et de tout ce fatras, faire peu à peu émerger, en direct, une image la plus juste possible du sujet. Certains pourront s’arrêter à l’impression d’un recueil de notes plutôt que d’un ouvrage littéraire, tant il est vrai que l’accumulation des détails, sur ce dossier longtemps dispersés autour d’une foule de personnages avant de laisser entrevoir une vue d’ensemble compréhensible, a parfois de quoi submerger même le mieux prédisposé des lecteurs. D’autres finiront par voir leur patience récompensée, impressionnés par la minutie d’assemblage du puzzle, l’on devrait même dire des pixels de l’image.
Du Café Moineau et de ses tenanciers hauts en couleur qui attiraient une jeunesse en rupture de ban, venue noyer des vies d’expédients, aux perspectives tronquées par un pessimisme noir, dans les flots d’alcool accompagnant leurs débats existentialistes et lettristes, ne restent plus aujourd’hui que photos et archives. Les lieux ont été transformés et, après avoir dans l’ensemble mal vieilli, leurs occupants ne sont déjà plus de ce monde. Alors, comme pour retrouver une trace de cette humanité perdue, accrochée en grappe à la bouée que représentait pour elle le Café Moineau, l’auteur qui aime tant écrire dans les bistrots poursuit ses recherches et l’écriture de leur récit en partant tâter l’ambiance des bars, ceux qui servent encore de coeur social pour tout un quartier, dans un tour de France « par les bords ».
Suivant le tracé des côtes et des frontières, le voilà qui collectionne les ambiances et les échantillons de clientèles, trouvant parfois, aux côtés des vieux habitués majoritaires, une frange de jeunesse insolente et rebelle, d’une certaine manière des « descendantes des filles de chez Moineau » dont il découvre à cette occasion qu’elles l’émeuvent bien davantage « de loin, dans le passé, [à] écrire leur histoire, qu’en (…) face de [lui], à [s]on âge, sur un palier à 2 heures du matin. » Qu’y a-t-il donc de si émouvant chez Kaki et ses semblables, qui justifie tant de persévérance à les faire revivre par-delà l’oubli ? Sans doute la tristesse du temps qui passe et nous efface, et qui rend plus dérangeant encore le refus de vivre ce laps qui nous est accordé.
Mêlant comme à son habitude, avec force auto-dérision, le fil de ses recherches à celui, pas si anecdotique ici, de son existence au même moment, Philippe Jaenada ne nous offre pas seulement le fruit d’un travail d’enquête colossal, impressionnant de rigueur et de méticulosité, mais il nous en partage les tâtonnements et les éparpillements, nous faisant assister à l’éclaircissement progressif du brouillard avant l’émergence finale de l’objet de sa quête. Du voyage, l’on apprend ainsi autant que de la destination, un peu perdu parfois, amusé souvent, mais toujours curieux de cette bande de jeunes artistes bohèmes qui, bien avant Mai 68, refusaient le travail et le conformisme bourgeois, hantant le quartier latin et Saint-Germain-des-Prés, alors le coeur intellectuel de Paris, de leurs aspirations à changer le monde.
Sans doute pas le livre le plus facile à lire de l’auteur tant il s’avère touffu et labyrinthique dans son exploration, ce dernier ouvrage qui nous entraîne dans la méticuleuse reconstruction, pixel par pixel, de l’image d’une certaine jeunesse rejetant la société d’après-guerre, pourra dérouter. N’en reste pas moins impressionnante, malgré l’humilité de sa réjouissante auto-dérision, la manière dont, partant de pistes infimes qu’il assemble peu à peu en faisceaux, il parvient à redonner vie à quelques photographies oubliées et, à travers elles, à un courant resté confidentiel, mais déjà annonciateur, avec quelque quinze ans d'avance, des transformations de Mai 68.
L'auteur enquête sur le suicide d'une jeune femme, il entame un tour de France pour trouver, le plus souvent dans des chambres d'hôtel, des réponses à ses questions. Très documenté (comme d'habitude pour cet auteur) ... trop documenté, on s'y perd, entre souvenirs, citations d'auteurs, articles de presse et finalement on décroche, un peu abasourdi !
Bref, une lecture fastidieuse durant 478 pages.
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