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Deux fratries issues d'un même père l'accompagnent dans ses derniers instants. À travers les yeux du fils cadet, trentenaire dont la quête de reconnaissance ne rencontre que les silences du vieillard, les rivalités familiales resurgissent. Sur le fil d'un présent hanté par les souvenirs de jours meilleurs, les regards sur le vieil homme malade et sur la mort elle-même s'entrecroisent dans un espace où le temps, bien que ralenti à l'extrême, s'écoule inexorablement. Mais comment éprouver cet écoulement ? Et que faire de la vieillesse, quand règne partout l'urgence de vivre ?
Je suis ravie de constater que l'on peut encore sortir de l'X et avoir l'âme d'un écrivain, un vrai. De ceux qui peuvent employer le subjonctif avec aisance, ainsi qu'un vocabulaire choisi, ce qui fait pas mal défaut chez les créateurs de livres à la mode censés "faire du bien
Il est vrai que le thème de ce roman est plus que mélancolique: la fin de vie d'un père.
Le père du narrateur rentre chez lui après une hospitalisation et c'est son plus jeune fils qui choisit de l'aider et de l'accompagner jusqu'au bout de sa vie. Ce jeune homme est un enfant adultérin et découvre l'univers dans lequel a vécu son père qui n'a jamais divorcé en ayant ainsi 2 familles. Il découvre par la même occasion ses "soeurs", officielles celles là . Le climat jusqu'au bout sera poli certes mais plutôt glacial.
le jeune homme va s'occuper de son père et des soins d'hygiène à lui apporter, en l'absence de l'assistante habituelle repartie pour un moment en Afrique, son propre père étant décédé.
C'est cette période de soins dûment racontés qui ne peut que marquer le lecteur. Les mots sont crus, l'hygiène intime est pénible pour le père et le fils qui a du mal à supporter l'odeur des excréments. Le regard du père qui voudrait s'excuser, la mort qui rôde, mais qu'on repousse le plus longtemps possible. C'est une famille de médecins et la décrépitude est vue diversement par les enfants. Mais notre jeune homme n'est pas médecin lui et jusqu'au bout il s'efforce d'aimer son père en espérant être aimé autant en retour, sous les yeux des enfants officiels.Il faut bien accepter de n'avoir plus le statut d'enfant quand les parents meurent, et cela nous renvoie tous à notre propre humanité.
Un "roman" que je ne suis pas là d'oublier.
Pour son premier roman, Pierre Guerci a choisi de relater les derniers jours d’un père. Par la voix de son fils cadet, il raconte sa vie entre deux familles et deux descendances, l’officielle et l’officieuse. Fort et émouvant.
Au crépuscule de sa vie, un ancien médecin octogénaire quitte le service de gériatrie pour retrouver sa maison du côté de Villerupt, en Lorraine. Son fils cadet l'accompagne. Il a quitté Paris où, après avoir fait Polytechnique, s'est remis à des recherches en physique quantique. Au sein de la famille recomposée du vieil homme, c'est lui qui a choisi de l'accompagner, d'autant que Saouda, son aide-soignante a dû partir aux Comores enterrer son père. La maison aux papiers peints défraîchis ressemble aujourd'hui davantage à un EHPAD, entre le lit médicalisé, la chaise percée et le déambulateur. Sans compter le rituel des soins et le défilé des infirmière, kinésithérapeute, ergothérapeute et médecin.
Entre deux soins qui n'empêchent pas l'inexorable avancée de sa décrépitude, le vieil homme voit aussi défiler sa famille. Stéphane, le frère aîné du narrateur, ne s'attarde pas. Il est pris par d'autres obligations. Quant à Sylvie et Anne-Marie, ses demi-sœurs, elles ne comprennent pas le choix de son fils de s'installer aux côtés de leur père. Il faut dire que le fossé entre les deux familles est resté profond. Il y a d’un côté celle de l'amour qui a donné les deux garçons. Stéphane est né dans la clandestinité et le narrateur avant l’arrivée du narrateur, de cinq ans son cadet. La seconde famille, officielle, est celle des filles, Sylvie, Anne-Marie. On apprendra plus tard qu’une troisième fille est morte après sa naissance sans que leur père n’en touche un mot aux garçons.
«Je m’étonnai qu’une si chétive créature ait pu engendrer des êtres si divers, si peu unis, et qui avaient déjà tant vécu. Le passé stagnait comme une poix noire sur les branches écartelées de cette famille qui n’existait comme telle que parce qu'il y avait tenu sa place; et le moins que l’on puisse dire, c’est que la chose n'avait pas dû être de tout repos: je comprenais qu'il fût si fatigué maintenant.»
Ses derniers jours sont d'ailleurs aussi l'occasion de revisiter cette histoire familiale compliquée. La belle carrière de ce «fils de macaroni» installé en Lorraine et ses réussites dans une spécialité, l'oncologie, qui laissait davantage de drames que de rémissions.
Avec le retour de Saouda, son fils regagne Paris, mais s'installe dans un nouveau rituel. Il vient désormais toutes les fins de semaine. «Entre les promenades, les livres audio, les films, le tennis et le football, j’avais l’impression de permettre à mon père de faire un peu plus que survivre».
Une philosophie de l'existence sent alors poindre en ce siècle où la performance et la vitesse prennent le pas sur la réflexion et le sens. C'est dans ces minutes que la vie se pare des ors de l'essentiel, car la fin se rapproche. Et finira par arriver. Dans ces derniers chapitres Pierre Guerci se rapproche de Catherine Weinzaepflen qui vient de publier L'odeur d'un père (Chronique à suivre) et d'Anne Pauly qui nous avait donné l'an passé avec Avant que j'oublie un autre témoignage sur la mort du père, mais avec le même regard à la fois lucide et distancié sur les absurdités qui peuvent accompagner le dernier voyage. Comme ce constat: «Il était enfin redevenu mon père, après avoir été quelque temps mon enfant.»
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