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Roman lu dans le cadre du Prix des Lecteurs du Var 2022
Lybie 2015. Seyoum est un passeur. Il dirige l'un des plus gros réseaux de passeur de la côte libyenne. Particulièrement cynique, il considère les migrants qui remettent leurs vies entre ses mains comme des troupeaux de bétail. La seule chose qui l'intéresse, c'est leur argent.
Que ces hommes, femmes et enfants risquent leurs vies ne lui fait ni chaud ni froid.
L'alcool et le khat dont il mâche les feuilles à longueur de journée embrument profondément son cerveau. C'est sans aucun doute l'effet recherché par Seyoum : s'abrutir pour ne plus penser, ne plus se souvenir, ne plus souffrir.
Car on découvre qu'il y a quelques années, il a dû fuir avec ses parents la dictature en Erythrée, qu'il a emprunté les mêmes chemins de migration, connu la faim, la soif, la peur, subi les emprisonnements crapuleux et la torture. Il y a non seulement perdu sa famille, celle qu'il aimait mais aussi toute son humanité.
Or, parmi ce dernier convoi avant l'hiver, se trouve une personne de son passé. Seyoum, dans un dernier sursaut pour sortir de l'enfer de sa vie actuelle et redevenir un être humain, va décider de faire la traversée avec eux.
Stéphanie Coste a écrit un roman très fort, bouleversant sur les tragédies vécues par ceux qui fuient leur pays, les trafics organisés autour de toute cette détresse humaine par des charognards avides d'argent.
J'avoue avoir eu la nausée en lisant certains passages et en découvrant les horreurs infligées à ces êtres humains en quête d'une vie meilleure. Surtout quand on sait que pour ceux qui réussissent à atteindre l'Europe, ils n'y seront pas vraiment mieux traités.
" Le bateau penche plus sur un côté, prêt à chavirer. Ses hurlements sont couverts par ceux de la tempête, plus efficaces. Je devine qu'il donne des instructions pour essayer d'équilibrer la cargaison. Les coups qu'il distribue pour se faire entendre sont improductifs. Le magma de formes entassées les unes sur les autres geint d'une seule voix épuisée, moquée par les rafales. (...) L'asphyxie ne fait que commencer, et avec elle, une fois en mer, viendront la panique, les piétinements, les affrontements, la loi du plus fort, les premiers morts balancés par-dessus bord. A ce stade, la notion d'être humain aura aussi été balancée dans les tréfonds marins.
Un roman à lire pour ne pas dire : on ne savait pas. Même si on se sent bien impuissant face à cette situation terrible.
Ce petit livre de 140 pages se lit d’une traite. Comme tout bon livre on n’a pas envie de le quitter quand on l’a commencé.
Stéphanie Coste évoque le sort des migrants mais chose exceptionnelle d’un point de vue d’un passeur. Seyoum vit sur la côte libyenne. A la tête d’un réseau, il « aide » les candidats à la traversée à embarquer vers l’Europe. A l’occasion de l’arrivée d’un groupe de personnes, son histoire personnelle vient le tourmenter.
Une histoire concentrée et dense, une histoire dure et percutante. Stéphanie Coste nous entraine dans un monde glauque et violent. Les passeurs sont sans pitié non seulement pour les migrants mais également entre eux. Leur survie physique et sociale est une lutte permanente. Pour eux c’est une activité (lucrative) comme une autre et seul le business compte.
Tel un avocat de la défense, l’auteur nous expose ici un point de vue méconnu qui permettra peut-être au lecteur de voir ces passeurs d’une autre manière.
Un livre apprécié.
Peut-on faire de l’espoir son fonds de commerce » ?
Seymoum est amoureux de Madiha et leur amour doit pouvoir les unir. Mais l’un et l’autre ressentent un stress environnant sur leur pays.
Les parents et grands-parents ont déjà connus des conflits entre l’Erythrée et l’Ethiopie et il semblerait qu’un nouveau soulèvement se profile.
Afin de pouvoir faire face au « chacun pour soi… » et survivre malgré tout, les dénonciations vont bon train.
Toutes les choses vraiment atroces démarrent dans l’innocence, Ernest Hemingway.
L’ambiance est alors suspicieuse, malhonnête, les scènes de tortures voient le jour, les rires se transforment en pleur et les pleurs révèlent parfois la mort.
[je me demande quand exactement ma peur s’est transformée en résignation]
[ça met égal, je n’ai jamais été aussi motivé d’aller à la rencontre de ma mort]
Pour son premier roman, Stéphanie Coste met à jour la capacité de résistance d’individus obligés de partir pour vivre à un rythme cadencé. Elle nous embarque tantôt en Erythée, tantôt en Libye sur différentes périodes qui ne cassent pas nécessairement l’avancée de l’histoire. Elle nous met aussi sous le nez les mauvais parfums de la condition du voyage de la dernière chance.
Un coup de cœur pour l’écriture et pour l’histoire !
PS. J’avais peur de relire une histoire quasi similaire à celle de « Mur méditerranée » de Louis-Philippe d’Alembert lequel j’avais également apprécié la fresque historique. Mais il n’en est rien !
Le passeur de Stéphanie Coste
Quand on fait comme le dit Seyoum avec cynisme , « de l'espoir son fonds de commerce » qu'on est devenu l'un des plus gros passeurs de la côte Libyenne et qu'on a le cerveau dévoré par le Khat et l'alcool est-on capable d'humanité ?
C'est toute la question que se pose Seyoum lors de ce dernier convoi de candidats au départ avant de fermer son commerce pour les migrants en ce 18 octobre 2015.
Dans ce tout petit livre de moins de 120 pages, Stéphanie Coste, nous place en observateur. Nous sommes là au fil de cette belle écriture des témoins de ces destins croisés de migrants avec leurs passeurs. Nous sommes entraînés dans des camions bennes déversant après un périple dans une chaleur étouffante et dans les excréments sa cargaison de candidats aux départs vers l'Europe, un eldorado Italien qui pour beaucoup sera leur dernier voyage. « je me tourne enfin vers le camion dans lequel les Érythréens sont toujours entassés, trop amorphes pour réaliser que la première étape est terminée. Je jette un rapide coup d’œil par dessus la paroi de la benne. Merde, il y a pas mal de gosse tout même. Un vagissement d'un bébé affamé troue l'air. Il déverrouille le cadenas de la porte qui retient les passagers... Ils se déversent sur le sol … 45 zombies me fixent de leur regard suppliant, des ombres d'épreuves irracontables. Ils ont lourdé leur dignité quelque part dans le Sahara. » Leur épreuve est loin d'être finie, se retrouvant entassés dans un hangar sans rien à manger. « On leur file juste un peu de flotte pour les garder en vie. » Si des gens meurent cela permettra de les prendre tous sur le rafiot rafistolé, dont la conduite sera donnée à un pauvre bougre en pleine mer qui devra suivre un cap fixé par un GPS, le pilote initial repartant à bord d'un zodiac vers la côte pour engranger un peu plus de bénéfice avec une prochaine cargaison. Si tous n'arrivent pas à destination parce que le moteur n'aura pas tenu dans une mer démontée leur cadavre rejoindra bien là côte au grand dam des gardes-côtes corrompus qui en ont marre de nettoyer les plages « Vous achetez les bateaux aux mêmes endroits et vous les charger à raz bord de migrants prêt à couler direct. C'est de pire en pire , on a toutes les ONG sur le dos ! À partir d'aujourd'hui pour chaque naufragé qu'on récupère, il y aura une amende de 500 dollars. Je te laisse faire le calcul. »
Outre cette histoire particulièrement sordide, vient s'intercaler chapitre après chapitre, l'histoire de Seyoum avant qu'il ne devienne ce passeur . Là on comprend comment ce jeune Erythréen est devenu ce passeur violent, sans foi ni loi hormis celle de l'argent facile.
Des années 90 à celles de l'an 2000 nous serons témoin la aussi de l'ignominie humaine. Par bribes
Stéphanie Coste, nous fournit un début d'explication sur le comportement de Seyoum, bien que cela ne l’exonère aucunement de son attitude actuelle. Du 27 septembre à Asmara en Erythrée au 9 juin 2005 nous le parcours de Seyoum et de son amie Madiha, dont la famille sera détruite parla dictature en Erythrée , victimes de bourreaux militaires lorsqu'ils seront déportés, Stéphanie Coste par d'embrigadement et torturés dans le camp de Sawa « Figure toi que ta copine a été très vilaine ! Elle n'a pas voulu coucher avec son chef de bloc et elle la mordu là où ça fait très mal. Ce manque de coopération mérite une punition tu crois pas ? Alors on va en expérimenter une qui nous vient tout droit de Corée du Nord. » Puis se sera la fuite, l'emprisonnement et de la trahison particulièrement machiavélique que vous découvrirez la perte d'un amour . Mais quelque fois lorsque le destin s'en mêle provoquant bien des retournements de situation. Celui que vous lirez, n'est pas prêt de quitter votre mémoire. Le passeur de Stéphanie Coste est assurément un premier roman qui restera dans ma mémoire, comme est resté L'opticien de Lampédusa d' Emma-Jane Kirby qui évoque une sortie en bateau au large de Lampedusa de cet opticien et de ses amis qui va se transformer en cauchemar lorsque les cris des migrants en train de se noyer vont se faire entendre. Le passeur de Stéphanie Coste est une photographie implacable sur une déchirante actualité. Bien à vous.
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