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Une équipée aussi ancienne que la Provence. Au prin- temps, mue par un irrésistible appel, la caravane des brebis s'ébranlait en direction des altitudes. De plaines en gorges, elle cheminait vers l'alpage. Brutalement, dans les années 1970, la tradition s'est éteinte. Le bitume des voies rapides, le remembrement, le clôturage des propriétés ont eu raison de cette longue marche. Dé- sormais, c'est en bétaillère que les troupeaux gagnent l'estive.
Que sont devenus les chemins de grande transhumance, dessinés au fil des siècles par l'immuable cadence des brebis ? Pour le savoir, Anne Vallaeys s'est lancée, à pied, sur les traces de l'antique carraire d'Arles, sauvée de l'ou- bli par des amoureux du pastoralisme. Ouvrant la voie, elle a parcouru 380 kilomètres en compagnie d'une amie de sa fille, au rythme patient des transhumants d'hier. Dans l'écheveau des sentiers pastoraux, elle n'a cessé de perdre et de retrouver le fil.
Camargue, Alpilles, pays d'Aix, Verdon, plateau de Valen- sole, vallées d'Asse, de Bléone, val du Laverq... Autant d'étapes entre plaines désertiques et forêts denses, vallons et lignes de crête, entre canicule et orages. Au- tant de rencontres. Hymne à la Provence des hautes solitudes, ce livre est une célébration fervente de ceux qui la peuplent. Éleveurs, bergers et bergères, résistants sans cause, sinon celle des paysages où ils ont choisi de vivre, en harmonie avec leurs bêtes.
Après avoir étudié longuement le parcours, Anne décide de voir par elle même et grandeur nature ces chemins empruntés pendant des années par les troupeaux. Accompagnée de Marie, une des meilleure amie de sa fille, la voilà partie pour 3 semaines et quasiment 400km de marche.
Nous découvrons avec elle les paysages, les villages... dont elle nous décrit avec grande érudition l'histoire.
Passionnant document qui parle de nature, de rencontres, qui va bien au delà du simple témoignage d'un pèlerinage, c'est toute l'histoire régionale qu'il raconte, la rude vie des bergers et cette histoire de la transhumance.
Un document qui donne envie de partir dans cette belle aventure.
L'écriture est riche d'un vocabulaire technique et précis, aussi bien en ce qui concerne la nature que les animaux, mais qui casse parfois le rythme de lecture et nous en fait oublier le voyage.
La carte en début de livre est tellement petite et si peu précise qu'elle est plus frustrante que nécessaire.
Si vous êtes angoissé(e) par ce mois d'août qui se fait la malle à grands pas, j'ai une solution ! Plongez-vous dans le merveilleux livre d'Anne Vallaeys : Hautes solitudes Sur les pas des transhumants. Je vous promets un VRAI voyage, une VRAIE route que vous allez suivre pas à pas en admirant le paysage et ce, sans souffrir (contrairement à l'auteur et sa coéquipière, Marie). La langue poétique, colorée, pleine d'images extraordinaires et de mots rares d'Anne (je l'appelle par son prénom, j'ai fait la route avec elle...) m'a transportée de joie. Tous vos sens seront en alerte !
J'ai dégusté un chapitre par jour de ce délicieux journal de voyage, une étape par jour pour moi aussi, sur les pas d'Anne et de Marie, observant les plantes, les fleurs, les pierres, les arbres, les bêtes et les gens…
Si vous saviez comme j'en ai goûté des couleurs et des parfums, comme j'en ai imaginé des paysages brûlant sous le soleil: explosion des sens… Je vous le disais : un beau voyage qui fera un pied de nez à votre mois d'août bientôt en berne.
Allez, on y va, vous me suivez ?
Le livre s'ouvre sur une carte : à l'extrême gauche, Arles. Puis : Aureille, Salon-de-Provence, Éguilles, Aix-en-Provence, Rians (attention, on remonte…), Vinon-sur-Verdon, Valensole (on n'est pas loin de Manosque - un salut à mon ami Giono), Digne-les-Bains (ça va toujours ? - coucou à Alexandra David-Néel, mon exploratrice préférée), on continue à grimper jusqu'au Laverq. Voilà le trajet que se sont proposé de faire Marie et Anne : marcher sur les pas des transhumants. Trois cent quatre-vingts kilomètres. Far la routo, dit-on en piémontais comme en provençal, marcher dans les anciennes carraires, les routes que les bergers suivaient avec leur bétail. « J'aime la rudesse roulée du mot carraire, les rugosités qu'il inspire, vent, ciel, dégagement, horizon. » confie Anne. La grande transhumance… Partir sur les traces des anciens...
Ils sont nombreux à regarder passer ces deux filles qui n'ont peur de rien, à les envier, à être tenté de tout lâcher pour faire un petit bout de chemin avec elles...
« Que sont devenues les carraires ? » s'interroge Anne, penchée sur ses cartes d'état-major, s' « efforçant de décrypter l'improbable tissage de courbes, de maillages, de treillis hachurés ». Des chemins devenus « rébus intimes, minuscules ».
Pour les comprendre, les voir, il fallait « ressentir la trace sous les pas, éprouver la terre à mes pieds, la caresser des yeux, pour de vrai. » confie l'auteur, « donner forme, réalité, épaisseur, et continuité à la Grande transhumance… Lever l'ancre, hisser la voile. Simplement. Marcher aussi loin que possible, au rythme des heures puisqu'ici les kilomètres n'ont aucun sens. Emprunter un fil de crête, quand, d'un hasard l'autre, les éléments basculent, quand l'équilibre, le ciel l'imposent. Alpes, nourrices des Provences. Savourer cette orgie de lieux-dits, de mythes et de légendes. Puis, le reste, tout le reste. Teintes, couleurs, l'eau, l'air, les arbres… « Aller prendre la nature sur le fait », une recommandation de Darluc dans Histoire naturelle de Provence. »
Oh, je sens que je n'aurais pas grand-chose à ajouter pour que vous plongiez tête la première dans votre placard à godasses à la recherche de vos bonnes grosses grolles encore crottées…
Donc, voilà le projet des filles : « retrouver, identifier dans l'espace l'empreinte de la grande carraire d'antan . »
Autant vous dire que cette belle aventure ne s'improvise pas vraiment, qu'il faut rencontrer des « passionnés de grands chemins », ceux qui veulent « ressusciter la routo » et ils sont nombreux à la Maison de la Transhumance à arpenter de long en large les moindres parcelles de ces routes afin de dessiner le tracé de la Grande Carraire des Provences.
Et l'aventure commence : inénarrable… Il faut partir tôt (il fait très très chaud - du feu), marcher beaucoup beaucoup (et ça monte aussi beaucoup, beaucoup), ne pas se tromper de chemin, ne pas se perdre, ne pas craindre de franchir un domaine privé surveillé par des chiens pas forcément aimables, ne pas sursauter à la moindre petite bête (sans parler des plus grosses – chevreuils, sangliers, loups…), ne pas geindre parce qu'on a mal aux pieds, au dos, à la tête, parce qu'on n'y voit plus rien, qu'on a les doigts gonflés, qu'on ne peut plus mettre un pied devant l'autre… Et je vous passe les pluies, les orages (en montagne, hum, hum…) Tiens, vous avez rangé vos chaussures ?
Mais à côté de ça, la splendeur des paysages, et là, avec les mots d'Anne, vous les verrez encore plus beaux qu'ils ne sont ! Quelle écriture magique, magnifique, des mots comme sortis d'un chapeau de magicien : termes d'architecture, de géographie, d'histoire, noms de plantes et de fleurs… Je me suis régalée de mots rares aux sonorités évocatrices agrémentés de citations: ici Stevenson, là Whitman, de rencontres avec les gens du pays : Louis, Virginie, Sylvain, André, Gilbert, Jean-Claude, Geneviève, autour d'un petit vin et d'un fromage de chèvre : « Pas éleveur, berger ! lance Geneviève, « Éleveur, j'aime pas, ça fait trop élevage. Chez nous, on a toujours gardé à bâton planté, comme on dit dans le métier. Pas de clôture ! » et d'ajouter : « Les noms qu'on donne aux brebis, agnelles, agneaux, bessons, tardons, anouges, fèdes, arets, moutons, ces mots-là disent beaucoup plus… On doit surveiller l'estropiée qui s'écarte un peu trop, la berque qui a cassé ses dents dans les cailloux, la mère qui repousse son agneau. Soigner les malades, percer les gonflées, voilà tout un travail qu'il faut aimer . Ҫa n'est pas de l'élevage, mais de la connaissance. »
Ils sont devenus rares ces bergers, certains sont vieux. Le métier est difficile, il n'attire pas les jeunes… Magnifiques portraits d'hommes et de femmes…
Allez, encore un peu d'ailleurs, ça ne peut que nous faire du bien… et puis, comme dit Marie : « La marche conduit au paradis, pas vrai ? » « C'est sûr, lui répond un ami, mais faut avancer longtemps. »
On y va ?
(Chiche ?)
Lire au lit : http://lireaulit.blogspot.fr/
Résumé : Deux filles, une mère et une amie de sa fille, partent en randonnée dans les vallées et les monts de Provence. Mais pas sur n'importe quel chemin de randonnée ou un GR, non, non. Elles décident de partir sur un chemin qui a plusieurs centaines d'années d'existence : la route des transhumants. Ce chemin utilisé et emprunté par les bergers pour emmener les brebis paître dans les montagnes. Au fil de leurs expériences, on découvre les différents artisans qui vivent encore grâce à ce chemin ou à ces brebis. On ressent l'importance que ces bêtes ont eu ou ont encore dans l'héritage familial et culturel de ces artisans et passionnés. On parle tout de même d'un parcours de 380 km, étalé en 20 étapes, sur 3 semaines... À pied...
Ce que j'ai aimé et pourquoi je recommande ce livre :
Les paysages : au fil des pages, la description est tellement précise et les mots magnifiquement choisis qu'on s'imagine très facilement les paysages grandioses de cette routo comme on l'appelle.
Le voyage : on est vraiment acteur dans cette marche. On brave le vent, la pluie, la canicule mais on découvre aussi les plaisirs de la nature ou du repos bien mérité.
Les rencontres : chaque étape est réglée au millimètre, mais elles rencontrent pourtant des imprévus. Toujours est-il qu'il y a toujours quelqu'un pour les guider ou les recueillir, pour les mener vers leur gîte du coin. Que ce soit un spécialiste de la faune qui travaille pour la région, des passionnées de randonnées historiques, des descendants de bergers ou de revendeurs de troupeaux ou encore des producteurs de fromage. On découvre page après page l'histoire de ces familles.
Les références : alors si vous aimez découvrir de nouvelles choses et que vous êtes curieux de nature, je vous recommande vraiment ce livre. On y trouve des citations, des références historiques, géographiques, littéraires et même une bibliographie !
Le vocabulaire : il serait très intéressant de compter le nombre de mots qui m'étaient inconnus avant cette lecture et que j'ai appris ou découverts au cours de ce livre. C'est beau et impressionnant !
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