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Pour Patrick, journaliste dans un grand hebdomadaire parisien, cela ne va pas très fort. À 48 ans, il se rend plus souvent à des enterrements qu'à des mariages. Les années ont filé à la vitesse de la lumière. Un divorce, une carrière de romancier avortée, un fils bientôt bachelier : le bilan n 'est pas encombrant. La civilisation du papier à laquelle il appartient cède la place au numérique et aux algorithmes. Une solitude à couper au couteau semble avoir vitrifié les êtres. Heureusement, la compagnie de quelques camarades, des films vus et revus, des bonheurs simples l'empêchent de verser dans la mélancolie et le cynisme.
En attendant, quelque part dans Paris, une autre âme seule, blessée avec discrétion, se sent elle aussi à l'étroit dans l'époque. Ces deux-là étaient faits pour se rencontrer et prendre l'air du large. Pour le meilleur ?
Un plaisir que ces retrouvailles avec un roman de Christian Authier, qui sait si bien rendre compte de la nostalgie face au temps qui passe, des plaisirs de la vie que constituent les amis, les bonnes tables et de bons vins (les précisions sur chaque déjeuner partagé par les personnages me donnaient l’eau à la bouche!)
Un roman de Christian Authier a pour moi la même saveur qu’une chanson de Jean-Jacques Goldman : certains pourront dire que ce sont souvent les mêmes thèmes qui reviennent, la même ritournelle, pour moi, chaque roman qui va évoquer la jeunesse de sa petite bande de personnages, dont certains noms ont déjà été entendu ici ou là (Antoine, Emmanuelle, Eric...), est un vrai bonheur. Plaisir de la nostalgie, justement, du retour sur les années de jeunesse passées à Toulouse, des sentiments doux-amers qui y sont attachés. Authier a l’art de trouver les mots justes pour exprimer les sentiments et les émotions, c’est suffisamment rare pour être souligné : très souvent je me dis « c’est exactement ça » ; à cela s’ajoute un humour faussement cynique que j’ai beaucoup apprécié.
« On s’était dit rendez-vous... »...
Dans « Demi-siècle », Patrick, journaliste à Paris, est invité à l’anniversaire des cinquante ans de Fred, un ami de promo. Par ailleurs, il a rencontré Laurence, une avocate, autre âme esseulée qui a connu son lot de souffrances et avance malgré tout dans une vie bien réglée entre travail et quelques soirées. Quand ces deux-là se rencontrent, on a envie de les suivre dans cette histoire d’amour faite d’escapades à Istanbul ou Beyrouth, de petits moments si futiles et précieux qui font le charme des débuts d’une relation amoureuse. La soirée d’anniversaire chez Fred est un morceau d’anthologie, il y a du Bacri dans la mise en scène et les dialogues, on sent toute la jubilation de l’auteur. C’est un livre qui parle des liens qui, même distendus par les aléa de la vie ne se défont pas, d’amitié, qui rend hommage aux disparus… quand les années passent, quand le monde ne tourne plus comme on voudrait, quand l’insouciance, la liberté, la franchise laissent place au politiquement correct, à des relations aseptisées, à l’esprit de rentabilité, au conformisme, alors reste l’art de vivre de quelques « happy few » qui rend malgré tout le bonheur possible.
Je termine avec une citation qui pour moi rend bien compte de l’ensemble de l’oeuvre de C. Authier : « De toute façon, ce n'était pas le sujet qui faisait un roman selon lui, mais un ton, une musique, un rythme, une façon de voir et de raconter »
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