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Maryse, une jeune lycéenne de 17 ans, décide de participer avec ses copains de lycée à une manifestation contre le fascisme et pour la paix en Algérie. Nous sommes à Paris, en 1962.
Après 8 ans de guerre, l´indépendance de l´Algérie devient inéluctable. L´OAS, regroupant dans ses rangs les fervents défenseurs du dernier bastion d´un empire colonial agonisant, multiplie les attentats à la bombe sur la capitale. Le 8 février, après 14 attentats, dont un blessant grièvement une petite fille de quatre ans, des manifestants se regroupent dans Paris aux cris de « OAS assassins », « Paix en Algérie ». La manifestation organisée par les syndicats est interdite par le préfet Maurice Papon. La répression est terrible. La police charge avec une violence extrême. Prise de panique, Maryse se retrouve projetée dans les marches du métro Charonne, ensevelie sous un magma humain, tandis que des policiers enragés frappent et jettent des grilles de fonte sur cet amoncellement de corps réduits à l´impuissance. Bilan de la manifestation : 9 morts, dont un jeune apprenti, et 250 blessés.
50 ans plus tard, Maryse Douek-Tripier, devenue sociologue, profondément marquée par ce drame dont elle est sortie miraculeusement indemne, livre son témoignage à Désirée Frappier. C´est une véritable histoire dans l´Histoire à laquelle nous invite l´auteur, restituant ce témoignage intime dans son contexte historique et tragique, tout en nous immergeant dans l´ambiance des années soixante : flippers, pick-ups, surboums, Nouvelle Vague, irruption de la société de consommation.
C'est le témoignage et le souvenir de Maryse Douek-Tripier qui servent de trame à ce récit graphique qui ravive une mémoire collective encore réticente à évoquer tout ce qui entoure la guerre d'Algérie. Maryse avait seize ans en 1962. Lycéenne au lycée de Sèvres, elle raconte l'atmosphère qui y régnait alors, les discussions et les engagements politiques, les prises de position des uns et des autres. Le récit est situé dans le contexte politique de l'époque sans occulter sa complexité, encore accrue par les mensonges et manipulations des divers protagonistes institutionnels.
Le 8 février 1962, Maryse participe avec ses amis à la manifestation pour la paix et contre le fascisme. Juste après le début de dispersion des manifestants, les compagnies de districts chargent, frappent et poursuivent les manifestants jusqu'à l'entrée de la station de métro Charonne où la panique crée une dégringolade en bas des escaliers où les corps s'amoncellent les uns sur les autres alors que les poursuivants continuent de frapper... pour tuer.
Le découpage et le dessin rendent compte de la terreur et du choc vécus par Maryse et tous les autres. Les blessures, les traumatismes physiques et psychologiques sont montrés dans toute leur ampleur. Les jours suivants, les faits sont niés, interprétés, maquillés de façon à exonérer de leur responsabilité les instances dirigeantes comme ceux qui ont accompli ces actes monstrueux. Les victimes du métro Charonne, morts et survivants, sombrent dans les cachots de l'Histoire par la volonté des gouvernements successifs.
C'est donc au travail essentiel de mémoire que s'attache ce bel et indispensable album, qui allie la précision documentaire à l'émotion du témoignage brut.
Une fois n'est pas coutume un avis sur une BD, mais une BD particulière qui m'a beaucoup émue, j'ai travaillé pendant 2 ans sur la guerre d'Algérie et sa mémoire dans l'enseignement et je regrette de ne l'avoir pas lue avant car elle aurait pu tenir une belle place dans mon travail de recherche.
Cette BD dans l’ombre de Charonne est très instructive et fait œuvre de mémoire sur les morts de Charonne du 8 février 1962 pas sur les morts jetés dans la Seine de 17 octobre 1961 même si la mémoire collective les réunit dans la même violence aveugle policière. Mais sur une autre manifestation contre le fascisme, les violences de l’OAS en faveur de la paix. Il y avait aussi bien des jeunes, que des femmes au foyer, des syndicalistes 3 femmes et 7 hommes sont morts ce soir là. De nombreux autres ont été blessés, poursuivis jusque dans des porches, acculés à des grilles du métro, balancés dans les escaliers. Ils ont eu le crâne explosé par les batons de la police " le bidule". Au coeur de cet enfer, on suit les pas d'une jeune lycéenne.
La BD se base sur le témoignage d’une rescapée tombée lors de cette manifestation Maryse Douek-Tripier, qui élève au lycée de Sevres avait participé avec ses copains à cette manif.J’ai apprécié la précision des informations, l’explication de ce projet, de la vie de Maryse Douek-Tripier, la préface de Benjamin Stora spécialiste de cette question. Les annexes qui donnent des documents et la retranscription du témoignage et de la violence inouïe de l'époque.
Les dessins et le scénario de la BD retranscrivent cette période de trouble. Les déchirements à l’intérieur du lycée entre partisans et opposants à la guerre. La violence quotidienne avec les « ratonnades », explosions, la peur distilée par l'OAS. La mise en place des pouvoirs spéciaux, le putsch des généraux, les répressions dès 1961 sont aussi évoqués. La compromission de la gauche et du PC au départ retranscrite dans les débats chez les parents communistes de la jeune femme lors de l'envoi du contingent. Le rôle des organisations syndicales est mis en avant et la violence inouïe des membres de la police contre les civils est dénoncée. Les dessins sont très précis en noir et blanc, sobres et très efficaces. Ils décrivent bien l'horreur de cette nuit, la peur, les horreurs commises ce jour là.
Ils renforcent le message et les écrits parfois long expliquent le déroulé de la manifestation, les conséquences. La BD est très documentée. On alterne avec des passages plus légers de la vie au lycée mais qui montre comment cette jeunesse a été marquée par ces évènements. Elle retrace bien les interrogations sur la guerre, le rôle de De Gaulle, les sentiments ambigües vis-à-vis de l’OAS. Le caractère historique et fouillé de la BD est intéressant.
Cette période complexe est expliquée de manière chronologique, précise, elle est replacée à l’échelle de la jeune femme de l’époque. Elle essaye de continuer sa vie de lycéenne, mais elle est rattrapée par cette guerre. Les auteurs montrent que de nos jours les coupables n’ont jamais été inquiété ce qui est aberrant. Non seulement, les lois d’amnistie des différents gouvernements de droite comme de gauche ont amnistié les coupables. Mais ils n’ont jamais réhabilité les 10 victimes qui sont toujours considérées comme des agitateurs. Le combat des familles pour réhabiliter leur nom est poignant. Cette mémoire enfouie, refoulée est incarnée par la jeune femme qui n’a pas parlé de cette expérience jusqu’en 2011. Il faut signaler que si François Hollande a reconnu la répression sanglante du 17 octobre 1961, il n'a pas reconnu la répression du métro Charonne de 1962.
Cette BD fait donc œuvre d’histoire et de mémoire pas pour raviver les tensions, mais pour comprendre un moment d'histoire de notre pays. Cet épisode montre bien que ce passé colonial et ces violences a du mal a être reconnu encore aujourd'hui comme une sorte d'amnésie collective. Elle dénonce cette violence d'Etat organisée de main de maître par Papon et les responsables qui n'ont jamais été condamné.Une BD intelligente à découvrir d’urgence.
http://eirenamg.canalblog.com/archives/2016/01/17/33220617.html
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