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Dans ce roman graphique, on suit de l'enfance à l'âge adulte, Pedro Atias fils de Guillermo Atias un avocat et écrivain chilien. A travers le regard de ce jeune homme, on suit une période clé de l'histoire du Chili entre 1945 et 1970. A l'aide d'un dessin noir et blanc très épuré, on se retrouve au coeur des événements. Si j'ai aimé en apprendre plus sur le Chili et son histoire, je n'ai pas spécialement accroché à la construction du récit qui alterne la vie de Pedro et des blocs sur certains événements mais de manière non linéaire.
Un lecture intéressante mais mitigée.
Plonger dans une nouvelle BD de Désirée et Alain Frapier est à chaque fois un immense plaisir et un régal car ces deux auteurs se complètent admirablement. Les textes écrits par Désirée sont toujours plein d’enseignements, d’information mais aussi d’émotion pendant qu’Alain livre des dessins très soignés, en noir et blanc, aux lignes claires avec des nuances de gris toujours bien choisies.
Après avoir lu Le Choix qui abordait le problème de l’avortement, voilà qu’une rencontre avec Pedro Atias chez des amis communs est à la source de ce voyage au Chili (1948 – 1970), là où se termine la terre, au travers de la vie d’un homme et de sa famille sans négliger ce qui se passe au même moment dans le monde et qui a, la plupart du temps, des conséquences directes en Amérique du sud.
Guillermo Atias, le père de Pedro, est écrivain et succèdera à Pablo Neruda à la tête de l’Union des écrivains. Son grand-père venant de l’empire ottoman, il est surnommé « turco ». Pour ses études, Pedro est inscrit à l’école de l’Alliance française car, en Amérique latine, tout le monde aimait la France. Quand il est renvoyé de l’école, il découvre la lecture et suit les infos dans les journaux de son père.
Il faut attendre 1958 pour que « la loi maudite » interdisant le Parti Communiste soit levée pendant que les USA forment 60 000 militaires pour lutter contre le communisme et les révolutionnaires. La Coupe du monde de foot, en 1960, fait diversion : « comme tous les Chiliens, j’ai rêvé d’être footballeur. » Son père est contre le foot mais se procure les billets pour assister aux cinq premières rencontres !
Régulièrement, des exemples concrets rappellent le rôle joué par les États-Unis afin d’empêcher le peuple de prendre le pouvoir. Pour la présidence de la République, Salvador Allende est battu pour la troisième fois par Eduardo Frei qui promet une « Révolution dans la liberté »…
Ainsi, la vie de Pedro se poursuit avec études, événements familiaux, voyage jusqu’à Punta Arenas (au bout du Chili) et surtout engagement politique. Le théâtre lui permet de s’exprimer et il découvre la nouvelle chanson chilienne avec Violeta Parra, Victor Jara, Rolando Alarcón, Quilapayun, Isabel Parra… jusqu’à la victoire de l’Unité populaire en 1970 et l’élection du président Compañero. Hélas, trois ans plus tard…
Tout cela est conté et dessiné avec précision, impressionnant fortement le lecteur comme cette double page marquant la victoire d’Allende avec la foule, ces milliers de têtes à la fois joyeuses et graves, toute une jeunesse consciente de l’ampleur de la tâche à venir.
Un album de famille complète le livre, photos confiées par Pedro à Désirée et Alain Frappier (photo ci-dessus) qui ont su admirablement conter l’essentiel d’une vie marquée par tant d’événements touchant à l’histoire de notre monde.
J’attends impatiemment le tome 2 annoncé pour 2018 !
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
40 ans, jour pour jour, après le discours sur l’avortement prononcé par Simone Veil à l’Assemblée nationale, le 26 novembre 2014, Désirée et Alain Frappier envoyaient les fichiers de leur livre à l’imprimeur… Pourtant, malgré tout ce temps passé et tant de luttes menées par les femmes pour conquérir le droit de choisir de procréer ou pas, ce droit est toujours menacé par les intégrismes de toutes sortes.
L’histoire intime commence à la première personne du singulier. Celle qui raconte, entre en cinquième et voyage : « J’ai une carte famille nombreuse… Mais je voyage toujours seule. Je change souvent d’école… et souvent de famille. 1970 est une bonne année. C’est ma grand-mère qui me récupère sur le quai de Biarritz-la-négresse. » Elle s’appelle Désirée : « C’est curieux de s’appeler Désirée quand on ne veut pas de toi. »
Le dessin, en noir et blanc, est sobre, efficace, précis. Il permet de suivre cette adolescente qui arrive dans un lycée climatique pour jeunes filles asthmatiques où elle commence à… fumer et entend parler pour la première fois d’avortement : « Hélène, tombée enceinte d’un garçon de terminale… Elle avait trop peur d’en parler à ses parents. Elle a trouvé une adresse pour se faire avorter… Mais le soir, elle n’est pas revenue… Elle est morte ? Non, sauvée de justesse ! Une pionne l’a retrouvée baignant dans son sang, dans une chambre d’hôtel. »
Elle lit Sand, Balzac, Zola, Maupassant puis rencontre Mathilde qui fait partie du MLAC (Mouvement pour la libération de l’avortement et de la contraception.) Elle parle de l’appel de 343 femmes qui ont eu le courage, en 1971, de signer le manifeste : « Je me suis fait avorter ». Si les actrices ou les écrivaines n’ont pas été inquiétées, les intérimaires de l’enseignement ou de l’administration ont été brutalement renvoyées après la publication du manifeste.
Ainsi, au travers du parcours de cette jeune fille, nous suivons l’actualité, les procès comme celui de Bobigny, l’opposition de l’Ordre des médecins, le combat de Gisèle Halimi, avocate, et celui de Simone Veil devant une Assemblée composée de 469 hommes et 9 femmes ! Si la loi est votée en novembre 1974, elle n’entre en application que le 17 janvier 1975 mais l’hôpital Cochin, par exemple, refuse de l’appliquer.
« Les enfants portent les silences de leurs mères. Des silences qui se transforment en chagrins qui durent » et le dessin est très noir. Annie Ernaux publie "L’événement", un livre boudé par les médias. Elle écrit : « Je n’ai jamais eu honte. J’ai davantage souffert du silence autour de mon avortement. Une immense solitude entoure les femmes qui avortent. »
Les différentes méthodes pour avorter sont détaillées mais ce qui est essentiel, c’est : « connaître notre corps et ne pas l’abandonner au pouvoir médical. » Il faut enfin citer Anne Joubert, texte ajouté dans les rencontres, à la fin du livre : « Tout ce qui a été acquis par la lutte des femmes peut être remis en cause à chaque instant par l’ordre moral et le pouvoir patriarcal. »
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Lien : http://livresselitteraire.blogspot.fr/2017/01/la-ou-se-termine-la-terre-desiree-alain-frappier.html
« Quand je pense à l’exil, ce sont mes souvenirs d’enfance qui me reviennent. Comme si je m’étais laissé là-bas, coupé de moi pour toujours. Mon père disait : Chili signifie "là où se termine la terre" ».
Sont contées dans cet album et à travers les yeux de Pedro l’histoire et l’origine de sa famille dont le grand-père, venu du « vieux continent » cherchait au Chili la plénitude d’une vie. Enfant, Pedro verra ses parents se séparer dans une époque où le divorce n’était pas nommé. Un enfant intelligent mais à la scolarité parfois compliquée, qui voue un amour particulier à la lecture. Puis peu à peu la grande Histoire s’entremêle au destin de Pedro. Les deux auteurs passent ainsi au peigne fin la vie d’un peuple de 1948 à 1973 avec la mise en lumière de l’influence américaine et sa puissance, le rejet (parfois contradictoire) de l’impérialisme américain, la rébellion d’une jeunesse qui idéalise l’affranchissement de Cuba. Pedro aura d’ailleurs le courage d’assumer ses idées en devenant membre du MIR (Mouvement de la gauche révolutionnaire) pour tenter de faire bouger les lignes.
A mesure que l’on avance dans la découverte de ces illustrations ô combien réussies et de ces textes concis mais à la plume élégante on ne peut s’empêcher de se demander « est-ce que ce monde est sérieux ? » tant il transpire, au milieu des souvenirs heureux, la corruption, la manipulation politique, la puissance économique des USA des années 60, la violence aussi qui nous pousse à nous à affirmer que l’Homme n’a pas appris de ses erreurs lors de la précédente guerre.
L’histoire s’arrête à l’arrivée par la force de Pinochet au pouvoir, comme-ci Pedro avait souhaité garder de son passé les souvenirs les plus doux, les plus nostalgiques, parfois les plus amers aussi. Pourquoi décrire l'horreur puisque celle-ci nous est offerte au quotidien par les médias ...
Au-delà du témoignage de cet homme on découvre un roman graphique extrêmement bien documenté, précis et malgré tout accessible. D&A Frappier illustrent à merveille les idéaux d’un peuple, sa soif de liberté, l’influence de la révolution cubaine à travers un savoureux mélange des genres. Car cet album, intégralement en noir et blanc, n’est pas seulement une bande dessinée c’est un recueil de vie mis en lumière par une écriture gracieuse et poétique, des illustrations denses et épurées, lumineuses et sombres pour apporter une force encore plus grande à l’histoire du Chili.
C’est une évidence, "Là où se termine la terre" restera gravé en moi encore longtemps.
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