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Quinze années de guerre civile, c'est ce qu'a connu le Liban de 1975 à 1990. C'est aussi le contexte dans lequel Maroun a grandi. Des années après la fin du conflit, devenu jeune adulte, celui-ci raconte les années passées à Achrafieh, le quartier chrétien de l'est de Beyrouth, entouré de sa mère, de son père, de son grand frère Iliya, et de ses trois soeurs. À la maison, accrochée au mur du salon, il y a aussi la photo d'un jeune frère, kidnappé et assassiné au début du conflit. Fou de chagrin, son père, engagé dans les milices chrétiennes, rentre souvent le soir en charriant une odeur de poudre. Dans la famille, règne une mystérieuse atmosphère et, d'aussi loin qu'il s'en souvienne, Maroun a toujours senti peser sur lui un étrange regard. Et pour cause : plus tard, après la guerre, Iliya lui apprend qu'il n'est pas celui qu'il croit être. Seul survivant parmi les occupants d'une voiture que l'unité de « son père » a arrêtés à un barrage pour les abattre ensuite, il a été recueilli, soigné et adopté par la famille qui lui a donné le prénom du fils défunt. Bouleversé, en pleine crise identitaire, Maroun convoque ses souvenirs et tente de les remettre en ordre. En se replaçant à hauteur de petit garçon, il décrit le quotidien de ceux qui ont appris à vivre sous les bombes et les tirs de snipers, les plaisirs simples dans les moments de trêves, la douceur de l'enfance malgré la violence sourde et incompréhensible avec laquelle il faut cohabiter. Rétrospectivement, il s'interroge aussi sur la façon dont la guerre change les individus, à l'image de ce père devenu sanguinaire après la perte de son fils. En retraçant une vie, et en montrant combien il est difficile de lui donner un sens, il en évoque quantité d'autres niées, volées, interrompues, en un chassé-croisé douloureux, où résonnent les âmes et les voix de ceux qui ont disparu, et de ceux qui ont survécu, à jamais hantés. Aussi récurrent que soit le sujet de la guerre dans la littérature libanaise, Rabee Jaber réussit à lui insuffler une dimension nouvelle, à la fois romanesque et glaçante de réalité. Questionnant des thèmes qui lui sont chers - l'identité, la mémoire, l'oubli, la peur - c'est tous les ravages de la guerre civile qu'il raconte à travers ce drame individuel, sans jamais tomber dans litanie.
Maroun. Enfant de la guerre, celle du Liban qui a duré quinze ans. Mais qui est Maroun, le narrateur, cet enfant au milieu de ces adultes qui n’arrivent pas, qui n’arrivent plus à s’entendre ? Maroun, lui-même ne sait pas qui il est. Il l’apprendra plus tard. Le lecteur est au courant au début du livre, Maroun n’est pas son véritable prénom et n’est pas le fils de ses parents. Maroun, c’est ce garçon sur une photo, cadre posé sur un meuble du salon. Un garçon mort avant de grandir, enlevé, assassiné. Maroun II a été sauvé par le père de Maroun Ier :
« Voici mon souvenir : je suis malade, mon pyjama de coton détrempé me colle au corps, j’avance comme dans un rêve jusqu’au salon et me retrouve face au portrait de mon frère disparu. Je lève les yeux et je le fixe du regard. Je détaille ce visage qui me ressemble et je me concentre de toute la force dont je dispose dans ma petite tête pour tenter de me souvenir de lui ici, dans ce salon où je me trouve maintenant avant qu’il soit enlevé et assassiné ».
C’est le premier choc de ce livre poignant. Pour des raisons strictement personnelles j’ai été émue jusqu’aux larmes en lisant les passages sur cette photo reposant dans la foyer familial et cette façon de se demander qui est ce jeune enfant et sur une possible ressemblance. Mais au-delà, c’est l’histoire d’un enfant qui va grandir dans le désordre du monde des adultes avec une ligne de démarcation séparant Beyrouth en deux, avec un cœur qui va battre en fonction des bombes et du fracas des armes. Avec un père qui préfère parler aux oiseaux plutôt qu’aux humains, avec une mère qui partira trop tôt et une fratrie à la fois unie et volatile. Un enfant qui cherchera sa voie dans l’inconnu, qui tentera de comprendre l’incompréhensible, qui puisera dans sa mémoire sans savoir si les faits ont réellement existés. Un enfant en quête d’une identité impossible, seul survivant d’une famille anéantie.
Une narration qui peut un peu déconcerter par un style répétitif et parfois presque puérile. Mais Rabee Jaber s’est mis dans la peau d’un adulte qui repart dans ses souvenirs d’enfant et, logiquement, replonge dans cette âme des premières incertitudes dans un Liban déchiré. Vaste réflexion quand un être grandit dans la géhenne d’une guerre, où les rêves s’envolent ou se confondent avec la réalité pour mieux la supporter. Un récit qui ne peut que soulever la sensibilité du lecteur et faire prendre conscience du vécu des Libanais qui, hélas, vivent dans une paix toute relative sous le poids d’une misère économique.
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