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Quelle étrange sensation cette lecture. Trois hommes, un bateau pour aller à la pêche, une île, des sœurs jumelles et leur mère qui est sans cesse attirée par les feux qu’elle allume, sont quelques uns des personnages que l’on rencontre au bord de ce fleuve qui n’en est peut-être pas un.
Trois hommes mènent un combat sans merci, une véritable bagarre pour sortir de l’eau une raie gigantesque qui ne leur avait rien fait et dont ils ne vont rien faire. Puis vient la nuit, et l’un d’entre eux disparaît…
Deux jeunes femmes rêvent de s’amuser comme les autres jeunes gens, aller au bal, de l’autre côté du fleuve, boire, danser, et revenir au petit matin, ou pas…
Sur l’île, les hommes décident de venger la mort de cette raie, cette bête magnifique que tous connaissaient mais qu’aucun n’aurait jamais sortie de l’eau. Une mort inutile et sauvage.
Avec des phrases et des chapitres courts, presque des paragraphes, l’auteur mène ses lecteurs au bord d’un rêve éveillé, au fil de l’eau, des rencontres. Au fil du temps qui passe dans tous les sens car les histoires se télescopent et se rejoignent quand on ne les attend pas. Et nous donne à entrevoir une partie du mystère qui règne là, au bord du fleuve. L’atmosphère du lieu est particulièrement bien rendue, à la fois moite, secrète, mystérieuse, sauvage. Elle nous laisse entrevoir une nature qui ne pardonne pas les erreurs des humains qui viennent la troubler sans la respecter. Mais la dureté et la violence des hommes n’est pas oubliée non plus, les temporalités se bousculent pour laisser deviner les liens entre les différents personnages, fils père, frère, amants, amis, parents ou ennemis.
https://domiclire.wordpress.com/2023/03/03/ce-nest-pas-un-fleuve-selva-almada/
Les femmes ne vont pas à la pêche. Elles regardent partir leurs hommes au petit matin, entre copains, la musette bien garnie de remontants solides et liquides, et les voient rentrer, le soir ou à la fin du week-end, souvent sans poisson mais avec la gueule de bois. Ses souvenirs d’enfant intriguée par les escapades halieutiques paternelles ont inspiré à l’auteur ce bref récit aux confins du mystère et de la magie, là où, dans les eaux troubles du fleuve, se reflète et se réfracte un univers masculin teinté de fantasmagorie.
C’est donc l’une de ces sorties viriles, aux couleurs de la liberté au grand air, de l’alcool et de l’amitié, qui réunit sur le même bateau deux hommes et le fils d’un troisième, mort noyé au cours d’une autre partie de pêche des années auparavant. Dans la touffeur et sous les nuées de moustiques qui les assaillent sur le fleuve cerné par la forêt tropicale, leur journée de pêche bien arrosée s’achève dans un moment fort : la capture de haute lutte, conclue par trois coups de feu, d’une raie géante qu’ils ont suspendue comme un pavois entre les arbres qui enserrent leur campement sauvage sur une île.
S’ils pensaient être seuls, de multiples présences ne cessent en réalité de se manifester. Celle de l’ami disparu en ces mêmes lieux, bien sûr, alors que cette journée les renvoie à celle d’autrefois, qui mit si tragiquement fin à une longue camaraderie, entamée dans la plus tendre enfance et poursuivie jusqu’à l’âge mûr, avec ses hauts et ses bas, ses joies et ses trahisons. Celles aussi d’autres fantômes, prisonniers de l’île et du chagrin qu’ils ont laissé dans le coeur d’une mère depuis leur propre tragédie. Et puis, les habitants bien vivants de l’île, ceux pour qui le fleuve n’est pas un fleuve, mais leur fleuve, n’en déplaise aux étrangers ignorants.
Tandis que les bois craquent et bruissent d’invisibles souffles plus ou moins tangibles, que les remous et les réverbérations du fleuve laissent entrevoir des profondeurs aussi insondables que celles de l’âme humaine, et que les drames passés viennent mêler leurs brumes à celles du futur, se déploie l’atmosphère poisseuse d’un huis clos autour duquel virevoltent de noires ombres, créatures naturelles ou fantasmagoriques, issues du remords et de la culpabilité. Et dans la nuit où les mauvaises consciences se laissent envahir par les peurs les plus primitives, c’est comme si la nature, dans sa dimension la plus sacrée, n’avait de cesse d’expulser les intrus sacrilèges, pêcheurs tombés au rang de pécheurs.
Passablement déconcerté par l’étrangeté onirique du récit, le lecteur y trouvera un sens en se laissant porter par ses sensations poétiques. Comme dans un caléidoscope, au gré d’une succession d’impressions aussi changeantes et fugitives que la lumière à la surface de l’eau, alors que, tantôt l’on s’enfonce dans des tourbillons menant à d’obscures profondeurs, tantôt l’on s’aveugle de réverbérations trompeuses, c’est finalement l’image de la vie, avec ses magnificences et ses traîtrises, qui transparaît dans cet univers masculin, chamboulé par l’intervention des femmes. Alors non, ce n’est peut-être pas un fleuve, mais plutôt une image de la destinée humaine, que Selva Almada nous peint ici avec un impressionnant talent.
Sur un petit bateau au milieu du fleuve, trois hommes luttent depuis plusieurs heures pour sortir de l’eau la raie géante qu’ils ont ferrée. Ecrasés par la chaleur, la fatigue et le vin, ils viennent finalement à bout de l’animal à coups de revolver.
Plus tard, sur l’île où ils campent pendant ce week-end de pêche, les habitants s’approchent d’eux. Des hommes méfiants, des jeunes filles curieuses. L’atmosphère est tendue, la violence n’est pas loin.
Puis vient la nuit, affluent les souvenirs – le père d’un des trois hommes est mort noyé des années auparavant –, et les rêves, qui sont peut-être l’écho du futur.
Difficile d’en dire plus, car ce qui commençait comme une histoire réaliste se transforme peu à peu en récit onirique où les temporalités se mêlent et où les drames du passé ne se sont peut-être pas encore produits.
Est-ce la nature luxuriante, la chaleur tropicale, les odeurs, l’alcool qui provoquent cette confusion, qui exacerbent la violence des hommes ?
Dans un style brut, sec, épuré, Selva Almada fait de ce court roman un texte âpre et déroutant sur la vie, la mort et la violence, défiant la rationalité et la chronologie. Mais un texte puissant, envoûtant, poétique, qui réussit le tour de force de faire surgir tout un monde en quelques mots. On dirait de la magie.
En partenariat avec les Editions Métailié.
Quand la mort étend ses tentacules
L’argentine Selva Almada nous entraîne dans une nature sauvage où vit un petit groupe d’habitants qui tentent de survivre dans ce milieu hostile, générateur de tensions et de violence.
C'est l'histoire de trois copains, trois garçons qui ont grandi ensemble et que l'on retrouve au début du roman lors d'une partie de pêche. Après plusieurs heures à traquer une raie géante, ils vont parvenir à leurs fins et sortir l'animal géant de près de 100 kilos du fleuve.
«Tous les trois sont déjà des hommes. Pas des gamins, comme Tilo en ce moment. Des hommes qui approchent de la trentaine. Célibataires. Ils n’allaient pas se marier. Aucun d'entre eux n'allait se marier. Jusqu'à ce jour, du moins, aucun d’entre eux n'allait se marier. Pour quoi faire. Ils étaient là les uns pour les autres. Et quand ce n'était pas le cas, Enero avait sa mère; Negro avait ses sœurs, qui l'ont élevé; Eusebio pouvait avoir qui il voulait. Alors à quoi bon se maquer avec une fille, puisqu'il pouvait les avoir toutes.»
Mais à l'image de leur prise, ce gros poisson qui fait leur fierté, ils se heurtent à l'indifférence d'une micro-société qui a appris qu'il n'y a aucune raison de fanfaronner dans ce coin perdu d'Argentine, que seules les tournées de Maté et l'ivresse qui les accompagnent peuvent leur faire oublier leur condition peu enviable.
À la suite de la disparition d'Eusebio, emporté par le fleuve et dont les plongeurs finiront par retrouver le corps, une suspicion générale s'installe. Du côté des anciens, du côté des femmes et même au sein du groupe désormais décimé.
La raie va finir par suivre le chemin d'Eusebio et provoquer colère et incompréhension. La mort va étendre ses tentacules. C'est dans cette chaleur moite, ce climat très lourd, tendu, que l'on va finir par comprendre le concours de circonstances qui a conduit au drame.
Selma Almada a expliqué que lorsqu’elle était enfant, elle voyait son père partir à la pêche avec ses amis et revenir après quelques jours, la plupart du temps sans poissons mais avec la gueule de bois. Des souvenirs d’enfance qui souvent chez elle forment le point de départ de ses romans. Les fidèles de l’autrice argentine se souviendront avec bonheur de Après l’orage, Les Jeunes Mortes ou encore Sous la grande roue. On y retrouve cette plume âpre et sensuelle, ces paysages qui sont des personnages à part entière et ce goût particulier à sonder l’âme humaine dans des situations de crise. C’est alors – comme ici – qu’elle se met à nu. La violence qui sourd derrière les silences et qui se nourrit des légendes – forcément noires – que l’on aime à se raconter pour conjurer la peur.
https://urlz.fr/jFgN
Coup de coeur pour ce court roman de Selva Amada, auteure argentine.
Le récit non linéaire nous plonge dans une atmosphère de pleine forêt tropicale, la chaleur est moite, l'on boit beaucoup, du maté,de l'alcool, le fleuve noir est un cercueil . le réel et l'onirique se mêlent,le présent fait ressurgir des fragments du passé égrenés tout au long du livre. Il n'y a pas véritablement d'intrigue, le narrateur raconte des évènements et des rêves prémonitoires d'autres évènements .Le récit déroule avec sensibilité des histoires tragiques d'hommes et de femmes ,et parfois seul le déni permet de survivre.
Trois citadins Enero, Negro et Tilo viennent camper le temps d'un week end au bord du fleuve.Ils pêchent une énorme raie d'une centaine de kilos,trois trous de balle sont visibles.Le poisson commençant à sentir, les citadins le rejettent dans l'eau, un acte répréhensible pour les gens du coin. Le passé s'invite au bord du fleuve. Enero ne cesse de parler du Noyé. "C'est sûrement qu'il reste quelque chose des gens à 'endroit où ils meurent." Eusebio , le père de Tilo, s'est noyé dans le fleuve il y a longtemps .Eusebio, Negro et Enero étaient amis depuis l'enfance.Tous trois étaient ensemble le jour du drame. Tous trois connaissaient Diana Maciel, la mère de Tilo." Lucy et Mariela, adolescentes du coin, filles de Siamora, une mère célibataire qui aime faire du feu, les invitent à venir au bal le soir même...
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