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Nous sommes au bord de la voie ferrée, dans un hôtel du nebraska, en 1898. C'est dans cet hôtel que se fabrique l'amérique, et des américains qui donc n'en sont pas, pas encore, s'y rencontrent. Il y a le suédois, l'homme de l'est, le père irlandais, le jeune fils, et l'incontournable cow-boy. Ils improvisent une table et jouent aux cartes. Mais c'est en fait leur devenir qu'ils jouent...
La réédition de cette nouvelle de Stephen Crane fait écho à l’imposante biographie que consacrer Paul Auster à cet auteur américain mythique. Par son talent (peu connu en France) et son destin tragique d’artiste mort dans la fleur de l’âge, Stephen Crane est auréolé d’une réputation éclatante. L’Hôtel bleu est même considérée par Paul Auster comme l’un des chefs-d’œuvre de Crane et même l’une des plus belles nouvelles américaines jamais écrites. Je serai bien incapable de défendre cette place si prestigieuse mais plutôt disposé à exposer le combat mené et emporté par ce texte : la lutte contre le temps.
Plus d’un siècle après sa rédaction et sa publication, cette nouvelle captive encore et toujours. Ce qui intrigue le plus est ce mélange des genres. En quelques pages, l’auteur réunit dans un lieu impressionnant et angoissant des personnalités dont les caractéristiques, banales à première vue, s’amplifient à cause du contexte.
Cette nouvelle est un huis clos sous forme de poupées russes. La maison renferme un groupe d’hommes qui se comprennent peu ou pas, à cause de la langue et des comportements, et qui rapidement décident de s’occuper en jouant aux cartes. La maison encercle cinq hommes qui s’isolent dans une partie de cartes et s’individualisent dans leurs propres repères. Chacun est bien incapable de comprendre l’autre. On doute de l’identité précise, on connaît peu de noms. Seuls le propriétaire et son fils sont vraiment nommés, peut-être même est-ce la propriété de l’hôtel qui leur confère un statut social et une reconnaissance. Chacun est une figure dont le positionnement déplaît légèrement à l’autre. Cette inégalité est perceptible par quelques mots semés par l’auteur.
La nouvelle est donc un chemin semé de mystères, bientôt rongés par des peurs. La maison prend alors des airs de scène de meurtre. Ces tonalités sont ménagées subtilement par Stephen Crane qui use de l’humour pour décompresser un temps avant de plonger dans des parties de cartes sous haute tension. Celles-ci sont écrites comme des scènes de combat là où l’affrontement physique est un numéro de cirque. L’auteur ménage ses effets, n’appuie jamais sur l’évidence pour laisser se diffuser une menace que chaque lecteur·rice pensera réelle ou fantasmée.
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