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Découvrir à 81 ans le journal de vie de celui qu'on a aimé, tout en traversant un bout d'histoire du XX e siècle.
Yiyun Li est une écrivaine sino-américaine née à Pékin, actuellement enseignante à Princeton. Elle a publié 10 livres et reçu plusieurs distinctions : les prix de Faulkner, Hemingway, Campbell, Médicis étranger en France, les bourses Mac Arthur et Guggenheim.
Elle suit tout d'abord une formation d'immunologie puis se tourne vers le journalisme littéraire. Elle passe ainsi de la médecine à la littérature et s'en expliquera dans l'essai qu'elle écrit pendant son hospitalisation, suite à une forte dépression en 2012 avec tentative de suicide.
Tout ceci me parait utile pour comprendre d'où provient cette langue profonde et proche des tourments humains. C'est en lisant les premiers chapitres que j'ai eu besoin de m'avancer un peu plus vers la vie de cette femme.
Lilia, l'héroïne dont elle s'empare pour parler à la fois du vieillissement, de la vie en maison de retraite, des vies difficiles des veuves mais aussi de l'amour et de ce passé que l'on frôle parfois sans le savoir.
Lilia a quatre-vingt un ans, cinq enfants, dix sept petits-enfants et est trois fois veuve. Son caractère bien trempé chevillé au corps en fait voir de toutes les couleurs à son entourage. Jusqu'au jour où elle met la main sur les souvenirs de vie d'un certain Roland. Elle entreprend de lui répondre également par écrit. Sa lecture la plonge dans la vie de cet amoureux dont elle a sa première fille Lucy, sans qu'il ne l'ait su. Lucy s'est suicidée à vingt sept ans, deux mois après son accouchement, et c'est à Katherine, la fille de Lucy que Lilia cherche à transmettre des choses.
A travers la lecture du journal de Roland elle découvre ses amours à lui, ses questionnements sur la vie. Certains contenus du journal sont hyper complets, (même trop parfois) alors que pour sa vie à Hong Kong et Shanghai nous resterons dans un flou assez étonnant ; flou certainement volontaire de la part de l'autrice mais déstabilisant pour le lecteur.
Mais dans la lecture de ce journal ce qu'elle cherche aussi, ce qu'elle attend probablement le plus, ce pourrait bien être les mots de Roland la concernant elle.
Ce livre est jalonné d'attitudes piquantes de la part de Lilia, de drôleries, mais également de tristesses et de chagrins. C'est un gentil moment de lecture. J'aurais juste aimé en apprendre davantage sur l'histoire Japon/Canada.
Lilia est une vieille dame de quatre-vingts ans qui a enterré trois maris et l’une de ses filles et élevé cinq enfants. Dix-sept petits enfants sont nés. Une vie bien remplie donc. Mais Lilia est loin d’être une grand-mère gâteau et si l’âge est venu, elle n’a rien perdu de son mordant et de sa causticité. Et c’est justement parce qu’elle est à présent âgée que Lilia va s’autoriser une plongée dans son passé et dans celui d’un homme, Roland, qui fut son amant à travers des journaux intimes dont elle va commenter certaines pages pour sa petite-fille et son arrière-petite-fille. Car Roland est le père de Lucy, la fille aînée de Lilia, qui a mis fin à ses jours. Et dont Roland a toujours ignoré l’existence.
On pourrait croire que ce livre est très sombre : le temps qui passe, la perte d’un enfant, le deuil, les histoires d’amour ratées… mais pas du tout. Et cela grâce au caractère de Lilia. Car cette vieille dame a conservé un très grand esprit critique et tant pis si cela ne plaît pas toujours.
La lecture se fait donc à un double niveau. Le lecteur découvre les journaux intimes de Roland, ou plutôt les extraits que Lilia conserve pour ses descendantes. En parallèle, on lira les commentaires de Lilia sur la personnalité de Roland mais surtout sur ce que cela lui inspire par rapport à sa propre vie. A travers le personnage de Lilia, l’auteure explore la relation filiale, plus précisément la relation mère-fille, mais aussi les relations familiales au sens large, la relation amoureuse et les difficultés de communication entre les êtres. Mais aussi la culpabilité qui étreint ceux dont l’enfant s’est suicidé et les interrogations que cela soulève.
C’est un portrait très subtil d’une femme qu’on pourrait croire froide, mais dont on comprend très vite que la distance et l’ironie ont été des armes pour se protéger de la peine. Celle d’avoir été abandonnée par Roland, celle d’avoir perdu sa fille. De son côté, Roland est dépeint comme un homme séducteur, collectionnant les maîtresses mais hanté par une femme, Sidelle, peut-être la seule qu’il ait réellement aimée.
C’est très agréable à lire, d’autant que la construction du récit à deux voix est originale et enrichit le roman. Une très belle découverte.
Lilia est la narratrice du roman. Cette vieille dame fait aujourd’hui le bilan de sa vie et se concentre sur deux personnes qui l’ont marquée : Roland, celui avec qui elle a eu une aventure amoureuse à l’âge de seize ans et qui ignorait qu’elle était tombée enceinte à son départ. Et il y a Lucy, leur fille qu’elle a élevée avec Gilbert, son mari et qui s’est suicidée à l’âge de 28 ans.
Lilia porte un regard lucide sur sa vie et sur ceux qui l’ont entourée. J’ai été très touchée par la plume de Yiyun Li et ses mots extrêmement justes. Elle parle d’amour, de désir, de famille, du lien mère/enfant (et surtout mère/fille) et de nombreux autres sujets encore.
En revanche, j’ai été moins convaincue par l’histoire, qui reste assez plate. Dans ce livre, nous oscillons entre les extraits de journal intime de Roland, publié à sa mort et les commentaires de Lilia. J’ai trouvé certains passages assez longuets et j’attendais un sursaut qui n’est pas venu.
Pour conclure, un récit en demi-teinte qui m’a toutefois fait découvrir une très belle plume.
D’emblée j’ai imaginé cette maman convoquer l’image et la voix de son fils qui a choisi le suicide à 16 ans.
Faire son deuil comment ? Cela semble impossible, faire une tentative de compréhension du geste le plus intime qui soit et qui laisse les parents dans la douleur la plus absolue.
« Quelle mère considérerait comme un poids de vivre dans le vide laissé par un enfant ? Expliquer ; du latin ex (« dé- » + plicare (« plier »), (« déplier »). Mais qualifier d’inexplicable le geste de Nicolai, c’était comme qualifier de perdu un oiseau migrateur se retrouvant sur un nouveau continent. Qui peut dire que l’oiseau vagabond n’a pas une bonne raison de modifier le cours de son vol ?»
S’engage une joute verbale entre la maman et le fils qui montre leur fonctionnement et le niveau intellectuel de ces deux êtres à fort potentiel.
« Comment peut-on croire qu’un jour il était là et le lendemain il n’était plus là ?
Comment peut-on savoir un fait sans l’accepter ? Comment peut-on accepter le choix d’une personne sans le contester ? »
Le lecteur avance à pas feutrés dans cette intimité faite de mille petits riens qui tissent une existence.
Le lien si particulier et unique entre une mère et son enfant.
Un enfant, à la fois familier dans sa chair et un étranger dans le grand bain du monde qui nous entoure.
Redonner vie à son enfant par la magie des mots plutôt étirer sa vie encore quelques instants, comment l’imaginer et comprendre l’indicible.
Comment s’accrocher à une paroi lisse ?
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 12 janvier 2020.
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