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Paris, années 30. Lee Miller, jeune américaine et ancien top, découvre la capitale française à travers son appareil photo. Cette période illustre le long chemin qui la fera définitivement passer de l’autre côté de l’objectif. Elle vit ce développement aux côtés du grand Man Ray, que l’on découvre via la vie intime et amoureuse, sans les flashes de son boîtier qui aveuglent ses adorateurs. Lee Miller l’assiste, au studio et dans la vie. Elle profite du matériel pour se perfectionner, apprivoiser son art, moins reconnu que la peinture, et chercher son style. Est-elle un autre regard aux côtés de Man ou joue-t-elle le rôle de projecteur ? Ce texte est une oscillation entre ses différentes carrières et ce qu’elle est lorsqu’elle est vue au bras de Man Ray, qui met en lumière son propre travail, quitte à s’accaparer le sien, sans même faire l’effort de s’en rendre compte. Une belle image du Paris de l’époque et de la difficulté à être reconnue lorsqu’on est une artiste.
L'âge de la lumière de Whitney Scharer
"Je préfère prendre une photo qu'en être une" – Lee Miller
En 1966, Lee Miller est une femme d'âge moyen qui passe son temps à préparer des repas de dix plats et à rédiger des articles de cuisine pour Vogue. Celle qui fut mannequin à New-York, assistante de Man Ray à Paris, photographe de génie, celle qui couvrit le conflit de la seconde guerre mondiale jusqu'à la découverte des camps de concentration, est aujourd'hui dépendante à l'alcool et mène une vie sans relief dans une ferme du Sussex avec son mari Roland Penrose.
Lorsque sa rédactrice en chef, Audrey, lui demande d'écrire un article sur ses années avec Man Ray, Lee décide de raconter la vérité sur cette relation. Commence alors le récit d'une femme qui aimait un homme, d'une femme qui ne voulait plus être une muse, d'une femme qui avait soif de créer et de se réaliser.
Biographie romancée, fiction historique luxuriante et sensuelle, « L'âge de la lumière » est un premier roman vraiment enthousiasmant et dans lequel je me suis sentie investie émotionnellement jusqu'à la toute dernière page. Withney Scharer propose un voyage direct dans la tête de Lee Miller.
Dans l'ambiance décadente du Paris des années 1930, on découvre une femme déterminée à passer de femme objet à femme sujet, de sujet d'art à créatrice d'art.
Aux côtés de Man Ray, son pygmalion tumultueux et enivrant, elle connaitra l'amour fou et la trahison professionnelle.
Hasard des enchainements de lectures, « L'âge de la lumière » entre en résonnance avec « Miss Islande » de Audur Ava Ólafsdóttir terminé récemment. le lieu, l'époque et le style sont différents mais les deux autrices nous parlent de l'aliénation du désir artistique féminin. S'il est acceptable pour une femme d'être belle et de l'assumer, se revendiquer artiste, créatrice, est une autre paire de manches. Pour Lee Miller, pionnière de la photographie, il faudra sortir de l'ombre d'un homme pour accéder à la lumière.
Traduit par par Sophie Bastide-Foltz.
Ce roman brosse un portrait attachant de Lee Miller, qui fut tour à tour mannequin, photographe, voire actrice pour Jean Cocteau ... Femme passionnée par la photo, elle devient à Paris l'assistante puis l'amante de Man Ray, beaucoup plus âgé qu'elle. Leurs idées croisées, fulgurantes, leur font découvrir mille et un aspects de la photographie, sortant des sentiers battus. Lee Miller, qui a fui l'Amérique et sa famille, en quête de liberté, découvre petit à petit à Paris une vie riche de rencontres dans le milieu surréaliste, entre autres. Elle fréquente avec Man Ray les artistes les plus à la pointe des idées artistiques et littéraires .. C'est un état d'exaltation permanent que connaît Lee, pendant quelques temps. Mais son besoin de reconnaissance l'éloignera de Man Ray, qui finalement utilise le talent de Lee à son profit. Leur vie commune éclatera.
L'auteur n'adopte pas une narration tout à fait linéaire, puisqu'elle fait des aller-retours entre ces années 30, 1945 (année qui voit Lee Miller reporter de guerre pour le magazine Vogue) et les années 60-70. L'on perçoit ainsi l'évolution physique et morale de Lee Miller, femme aux talents multiples mais à l'âme fragile.
"L'Âge de la lumière" est un très beau récit, que l'on quitte à regret, et qui donne envie de se plonger ou replonger dans l'œuvre photographique non seulement de L. Miller mais aussi de Man Ray, et plus largement celles des surréalistes, tel Marcel Duchamp ou Dali. À lire donc !
Lee Miller. Il suffit de prononcer ce nom et les images fusent. Les siennes, devant ou derrière l'objectif, celles devenues célèbres, pour la beauté de Lee, pour son audace aussi. Lee Miller. On l'a souvent croisée dans des romans, des films mais je n'ai pas souvenir d'elle en tant qu'héroïne à part entière. Il y a là pourtant une matière romanesque incroyable pour un écrivain, encore faut-il parvenir à s'en saisir dans toute sa complexité. Je pense que c'est ce qu'a réussi à faire Whitney Scharer, totalement imprégnée du parcours de son héroïne et qui compose un roman kaléidoscope, jouant avec les temporalités pour fragmenter la vision d'une artiste, une femme volontaire et tourmentée, fragile et engagée.
Pour cela, l'auteure centre son histoire sur les mois d'apprentissage et d'éclosion dans le Paris de 1929, le Montparnasse des surréalistes, celui de Kiki et de Man Ray. Lee Miller ne sait pas vraiment ce qu'elle veut faire, à part être artiste. Elle a quitté les États-Unis après une belle carrière de mannequin chez Vogue pour s'installer à Paris et peindre. Elle est habituée à poser depuis sa plus tendre enfance, photographiée par son père, et si elle trimballe un appareil photo, elle n'a pas encore imaginé s'en servir. Cela vient petit à petit, et c'est sur Man Ray qu'elle jette son dévolu pour apprendre. Lui est alors un portraitiste très recherché, gravitant dans un milieu artistique et intellectuel inconnu de Lee. Elle devient son assistante, puis sa muse et sa maîtresse. Une relation passionnelle qui deviendra problématique lorsque l'élève se démarquera de la tutelle du maître et que la femme affirmera son indépendance et son désir de liberté. Une relation qui mêle désir amoureux et apprentissage artistique entre deux êtres aux cultures et aux références très différentes, sans compter la différence d'âge et de vécu. Chez Lee, il y a un terrible traumatisme d'enfance et chez Man, un comportement de génie égocentrique. Forcément explosif.
Mais ce qui emporte dans ce roman, c'est la richesse de la trame narrative. Il y a d'abord cette plongée dans les milieux artistiques et intellectuels avec des personnages plus vivants que nature et rendus d'autant plus accessibles qu'ils sont observés avec les yeux de Lee, d'abord impressionnée, parfois admirative et d'autres plus perplexe. Surtout lorsque les discussions sur l'art tournent au manifeste et ennuient la jeune femme, beaucoup plus instinctive. "... peut-être que ce ne sont pas tant les idées qui sont fausses, que le fait qu'elle ne croit pas que l'art ait toujours besoin d'un message pour être compris. Les créations de Man qu'elle préfère sont celles qui n'ont nul besoin d'explication ou de contexte, celles dont la contemplation provoque une émotion en elle". Nous suivons pas à pas l'évolution de Lee, à la fois vis à vis de cet art qu'elle finira par s'autoriser à exercer, et surtout par rapport à son désir de liberté, d'émancipation de la tutelle des hommes, celle de son père, puis celle de Man plus proche de l'âge de son père que du sien. Son parcours passe par l'expérimentation, la transgression, loin des images sur papier glacé même si elle ne perd jamais le contact avec Vogue. C'est pour le magazine qu'elle partira avec l'armée américaine et photographiera la libération des camps dont elle ne se remettra jamais.
La liberté semble avoir un prix. L'auteure dessine le portrait d'une femme sur le fil, dont l'alcool est le compagnon de toujours, sorte de carburant qui donne du courage et offre quelques heures d'oubli. Et Lee a pas mal de choses à oublier, depuis trop longtemps. En mettant régulièrement en correspondance les moments clé de cet apprentissage et des scènes plus tardives dans le parcours de Lee, l'auteure donne une force supplémentaire à sa démonstration et offre un roman aussi captivant que le destin de son héroïne. J'avoue que je ne l'ai pas lâché, fascinée autant par la femme que par l'immersion proposée par Whitney Scharer. Une jolie réussite.
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
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