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Au début, il y a une femme malade. Sa peau se couvre de taches « plein de taches, jaunes, oranges, mauves, rouges, écarlates. » Puis, peu à peu, l’humain se mue en végétal.
« Vous parlez de moi tel un tilleul. »
Elle consulte des thérapeutes, avale des mixtures, mais rien n’y fait, elle continue à se déliter de l’intérieur. Pourritures, insectes, champignons … mais la douleur persiste. L’anxiété semble gagner la femme arbre tout entière, et aucun thérapeute n’a de remède.
Le tilleul, bien enraciné et à la taille imposante, semble si robuste, pourtant il est fragile à l’intérieur.
« Mes ramures poussent si haut, si loin, qu’un jour je risque de me fendre en deux au passage de l’une de ces furieuses bourrasques du nordet »
Mireille Gagné joue de la métaphore avec humour et délicatesse.
« Mon écorce tire entre l’omoplate et la clavicule. »
L’arbre s’étiole sur son trottoir, il prend conscience qu’il gêne.
« Survivre à l’extinction » tourne en boucle dans la conscience de l’arbre. Car rien n’est fait pour le protéger des nuisances. Mireille Gagné glisse adroitement un message écologique. Que restera-t-il de nous si nous ne prenons pas soin de nos arbres ? L’arbre est pourtant porteur de réconfort, il peut calmer l’anxiété, soigner nos maux de citadins stressés. Mais que faisons-nous pour le sauver ?
« Il faut garder espoir qu’une partie de soi puisse être sauvée. »
La suite, hélas, est triste. L’arbre n’a plus sa place dans une zone urbaine dédiée à l’homme.
« J’ai malheureusement grandi du mauvais côté de la rue, écartelée, avec les fils électriques qui me passent au travers. »
Seule une fillette a de l’empathie pour l’arbre condamné et sa survie viendra de l’enfant qui agit avec son cœur. L’arbre, qui se sait condamné, n’a plus envie de résister. Jusqu’à ce jour où les employés de la ville sont venus l’abattre.
« Sans attendre mon consentement, ils ont abattu ce qu’il restait de moi. »
Malgré cet abattage, l’histoire a une fin optimiste qui célèbre le vivant.
En découvrant l’histoire de ce tilleul humanisé. L’identification nous incite à nous questionner sur notre mal être, nos angoisses, nos maladies, dans un monde où il est de plus en plus difficile de se faire une place. Qu’il soit homme ou arbre, tout être vivant possède sa fragilité qui peut le conduire à la mort s’il n’y a aucune prise de conscience.
Ce récit poétique, écrit par fragments, nous fait prendre conscience de notre propre fragilité et la métaphore de la femme arbre souligne notre connexion au vivant.
Une belle lecture
Il s’agit du 2ème roman que je lis de cette autrice québécoise et je dois dire que j’aime beaucoup sa plume. Elle a aussi un regard très intéressant sur la société. Si vous aimez les romans originaux, celui-ci est fait pour vous !
Elle nous offre trois points de vue et deux époques près du Saint-Laurent. Ce roman choral débute par la parole d’un frappabord (ou sorte de taon). Le chapitre suivant est raconté par Théodore de nos jours. Ensuite il y a des extraits du carnet de bord de Thomas, spécialiste des insectes qui a été sur une île québécoise en 1942 avec Émeril, le grand-père de Théodore. Des scientifiques de différentes nationalités sont réunis sur cette île pour mener des expériences secrètes et préparer une arme capable de paralyser un pays en temps de guerre.
Lorsque le frappabord prend la parole, l’écriture se fait plus sensuelle et charnelle. Tous les sens de l’insecte sont en éveil. Il décrit le plaisir à piquer et boire le sang des humains. Il suit de près Théodore dont l’odeur l’attire tout particulièrement. On le découvre dans son travail à l’usine, chez lui, en visite à l’Ehpad où il trouve son grand-père attaché. Le réchauffement climatique engendre des étés caniculaires. On note des bagarres de plus en plus fréquentes. Les gens deviennent agressifs. Y aurait-il un rapport avec les expériences menées en 1942 sur cette île ?
J’ai tourné les pages avidement pour connaître la fin de cette histoire assez plausible pour semer le trouble dans mon esprit et me pousser à la réflexion sur mon rapport à la nature et aux animaux. En tout cas j’ai ressenti une certaine angoisse et je peux vous dire que vous ne regarderez plus un insecte de la même façon après avoir lu ce livre !
Une fable écologique qui semble très réaliste qui nous enjoint à retrouver l’équilibre ! Une autrice à suivre assurément, publiée par les excellentes éditions de La Peuplade.
Attention, vous ne regarderez plus les moustiques, les frappabords, de la même façon quand vous aurez fermé cet étrange livre.
J'avais déjà apprécié son premier texte "le livre d'Amérique" qui était déjà un livre étrange, avec des chapitres qui semblent dissociés mais qui font une histoire globale.
Cette fois, l'auteure va donner la parole à trois voix qui va aussi faire une histoire globale :
Thomas qui est un entomologiste, embauché par l'Armée pour une mission secrète, dans les années 40, sur Grosse Ile, dans le fleuve Saint Laurent, qui va nous raconter ses expériences sur cette île, et l'élaboration d'armes bactériologiques,
Théodore, ouvrier à la chaîne dans une usine et qui subit la canicule. Il rend visite à son grand père, Emeril, qui est dans une maison de retraite et qui commence à perdre la mémoire mais voudrait bien que son petit fils le ramène sur son île natal, "Grosse Ile" car il a oublié de récupérer quelque chose sur son île,
Et Frappabord, qui est une sorte de moustique, taon qui nous raconte sa courte vie d'insecte et qui est attiré par le corps de Théodore.
Et l'auteure arrive avec ces personnages à écrire un roman historique, écologique, scientifique, policier...
"Ce roman est une œuvre de fiction inspirée de faits historiques. Des recherches biologiques sur la peste bovine et l'anthrax ont réellement eu lieu à Grosse Ile au Canada entre 1942 et 1956."
Je vous conseille cette lecture et attention aux moustiques, qui vont tenter de nous dévorer !!
La vengeance de la nature
Mireille Gagné revient avec un thriller écologique qui, à partir de recherches menées en 1942 par l'armée, va déboucher sur les mutations d'insectes. Durant l'été caniculaire de 2024, l'un des derniers témoins, va pousser son petit-fils dans une quête de vérité. Flippant!
Avant d'entrer de plain-pied dans ce roman, une petite définition, celle de Frappe-à-bord ou frappabord. Il s'agit, au Québec, du nom générique donné à diverses variétés de mouches piqueuses. Surnommées également taon à cheval, mouche à cheval, mouche noire ou mouche à chevreuil, on dit qu’elles frappent d’abord leur victime avant d’arracher une parcelle de peau pour se nourrir de sang. [Genre Chrysops; famille des tabanidés.]
C'est l'un de ces spécimens qui raconte dans le chapitre initial comment il se délecte des peaux douces et du sang de ses proies.
Sa victime s'appelle cette fois Théodore. Il est éreinté par son travail à la chaîne et par la canicule qui plombe l'Amérique du Nord et notamment Montréal et sa région. Le jeune homme a laissé un trou dans sa moustiquaire et ne peut que constater les dégâts. À la douloureuse piqûre succède une rougeur et des démangeaisons.
Le lecteur suit ensuite les pas de Thomas en 1942, au moment où il est réquisitionné par l'armée. L'entomologiste est conduit sur la Grosse-Île du Saint-Laurent où, aux côtés de dizaines autres scientifiques, il participe à un programme de recherches secret. Ou plus exactement, comme il le découvrira plus tard, à l'un des trois programmes lancés conjointement par les armées américaines, britanniques et canadiennes.
Tout d'abord, le projet N (pour Anthrax, ou maladie du charbon en français) doit «produire par semaine cent-vingt kilos d’anthrax destinés à fabriquer mille-cinq-cents bombes». Puis vient le projet R (pour Rinderpest), qui «développe un vaccin contre la peste bovine afin de le produire en quantité suffisante en cas d'attaque allemande sur le bétail des Alliés.» Et enfin le projet F (pour Fly), celui de Thomas, chargé de «développer des méthodes de propagation d'épidémies à l’aide d'insectes (...) Les savants avaient pour objectif de les introduire dans les organismes de différents insectes afin que ceux-ci deviennent des vecteurs de transmission de ces agents pathogènes.»
Si le frappabord est bien le rapport entre les expériences de 1942 et les insectes particulièrement virulents de 2024, un second point commun va surgir, le grand-père de Théodore. À l'époque, il vivait sur la Grande-Île et s'inquiétait des recherches menées là.
Particulièrement agité, le vieil homme est aujourd'hui attaché sur son lit dans le pensionnat où il vit. Des conditions de vie qui vont choquer son petit-fils. Aussi décide-t-il de libérer l'aïeul et de fuir avec lui.
Dans leur fuite, ils retrouveront la Grande-Île et les frappabords pour un final en apothéose.
Ce qui fait froid dans le dos à la lecture de ce thriller écologique, c'est qu'il se base sur des faits réels. Comme l'explique Mireille Gagné, «des recherches biologiques sur la peste bovine et l’anthrax ont réellement eu lieu à Grosse-Île, au Canada, entre 1942 et 1956. Des manipulations expérimentales ont également été réalisées par l'armée américaine à Fort Detrick, aux États-Unis, pour utiliser les insectes comme vecteurs potentiels de contamination.» À partir de là, l'autrice du lièvre d'Amérique a tissé ce livre au suspense haletant. De 1942 à 2028, on suit les apprentis sorciers qui, sous l'effet du réchauffement climatique, réveillent les vieux démons.
Frappabord est certes un roman d'anticipation, mais si proche d'aujourd'hui que les pessimistes se diront qu'il est déjà trop tard et que les optimistes y liront l'urgence d'agir.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu’ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.
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