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D’ombre et de lumière, « Continuez sans moi » est un récit véritable, stupéfiant de confidences et d’humilité.
Jean-Michel Mestres conte d’une voix douce les rémanences qui s’élèvent.
À l’instar du linge frais claquant au vent. La confrontation avec la réalité.
Le saut en hauteur, après quarante ans de déni. D’un silence de plomb, taire au fond de lui-même, l’irrévocable. Sa sœur qui s’est suicidée lorsqu’elle avait à peine vingt-huit ans. La trame est regain. Du blé fauché en désir de rédemption. L’heure allouée qui acclame les souvenirs.
Il est ici. Devant sa tombe. Sans pathos aucun. La remontée des eaux, l’éphéméride qui accroche les étoiles au temps où ils étaient enfants, complices, adolescents et jeunes adultes. Nous marchons sur une jachère fleurie, dans le summum de la révélation d’être au plus près de ces quarante ans sans elle. Fragile et instable, émotive et le désir vif de s’affranchir de ses angoisses et faiblesses. L’incompréhension de la famille qui ne pensait de Flo,de n’être qu’une jeune femme en manque de confiance et de courage. Il cherche l’air. Il veut comprendre. Ressentir et frémir encore.
« Elle n’avait droit qu’à la compassion inquiète ou a des formules qui renvoyaient son état à une affaire de volonté.
« Comme un pont au-dessus d’une eau agitée. »
Jean Michel Mestres ouvre ses bras en grand. Il est dans une posture d’accueil. Le pardon comme une épreuve émancipatrice.
« Quarante ans. Quarante ans sans écouter Julos Beaucaine, quarante ans sans parler d’elle. » « Elle ne fait que passer. Jamais en pleine lumière. Toujours entre parenthèses. Elle ne dit rien, n’exprime rien, ne reproche rien, elle s’éclipse vite. Je préférerais la voir rire. »
Ici, la fenêtre est face à la mer intime. « Continuez sans moi », comme une couverture que l’on abandonne par grand froid. Flo parle. Flo respire. Un bond de géant de quarante ans, sans ressentir le manque vital, le brouillard dans les yeux, et l’amertume, comme de la glace fissurée.
Jean-Pierre Mestres rassemble les couleurs, les formes, les gestuelles, les musiques, et convoque le temps siamois. Où tous les deux, gémellaires, étaient ancrés dans l’expérience de l’enfance grandissante, tels des complices en pleine vie.
Ici, l’initiation est l’appel pavlovien de Flo. Revivre enfin dans l’apaisement des paroles salvatrices.
« Quand la légende est meilleure que l’histoire, imprimez la légende. »
« Flo et moi. »
Les sentiments qui jaillissent à l’instar d’une canopée, essentialiste et rédemptrice.
Jean-Michel Mestres sème des galets pour sa destinée. Rassemble l’épars. Comble l’absence et éveille les sources vives. Le recueillement sur la tombe devenue un mausolée.
L’abandon d’un ermitage de quarante ans. Renouer le fil sans distance. Abdiquer et étreindre le portrait de Flo. Transformer l’épreuve des non-dits à l’instar d’une vérité qui touche.
« Jetez une passerelle entre nous. »
C’est un livre immense et empreint d’espoir. Il y a au creux des pages, le palpitement des existences, ce qui reste inscrit sur la pierre des temps. Il suffit juste d’un signe, d’un premier pas, d’une pensée vraie pour que s’agite dans cet hymne à la vie, l’ode à la joie et à l’amour pour une sœur. Publié par les majeures Éditions La Manufacture de livres.
Après des décennies, Jean-Michel Mestres décrit un frère, la soixantaine, qui décide de s’arrêter au cimetière. « Mon caveau de famille, hélas, n’est pas tout neuf, vulgairement parlant, il est plein comme un œuf » disait Brassens. Le corps de Florence, la sœur, séjourne dans le caveau familial presque en clandestinité, faute d’avoir son nom écrit sur la stèle.
Il aura fallu quarante ans au frère pour repartir sur les traces de cette sœur, d’une année son aînée, qui avait décidé de quitter le monde comme si elle leur avait dit « Continuez sans moi « .
Pendant vingt-quatre ans, ils avaient vécu « assortis ». Après, il avait fallu, pendant quarante longues années, effacer les questions, mettre à distance la douleur pour pouvoir continuer à vivre. Et, puis un jour, comme une évidence, l’envie de revoir le cimetière puis l’irrésistible envie d’écrire sur Flo, cette sœur dont il ne reste presque rien.
Jean-Michel Mestres reprend le fil du passé et le déroule petit à petit.
« Il est fait de tant de croix
Le temps qui passe
Il est fait de tant de croix
Le temps passé
Pauvres tombes de l’oubli. »
Retour sur le passé
À partir des photos, des films et des chansons, Jean-Michel Mestres nous fait rencontrer leur histoire. Sans nostalgie mais avec beaucoup de tendresse et de justesse « Continuez sans moi » décrit les retentissements d’un suicide dans sa famille. Et, en le décrivant, il décrit toutes les familles. « Cela ne sert à rien d’aimer les familles par principe, ou de les haïr en bloc : on n’y échappe pas. À chacun de faire au mieux, de s’en dépatouiller. »
Aucune tristesse, car le passé n’est pas ressassé, il est réinventé ! Évidemment, des références s’entrechoquent avec notre propre vécu, mais comme le narrateur, nous ne nous y arrêtons pas.
Et du voyage dans le passé, Jean-Michel Mestres nous transmet l’universalité des souvenirs, de ces pépites qui animent notre mémoire et qui consolent encore des absences trop vite ressenties. Dans son cheminement littéraire, souvent à travers musiques et chansons, il nous pousse à revoir nos certitudes, ces représentations fabriquées pour continuer à vivre pour enfin appréhender une partie de la réalité du passé, de son passé.
« Continuez sans moi » permet de redonner vie à des souvenirs entourant une jeune femme qui a choisi le suicide à vingt-huit ans, laissant son presque jumeau et sa famille seuls avec ses questions et une consolation difficile à trouver. Jean-Michel Mestres crée un récit intimiste, forcément très proche de son vécu, à la fois réflexions sur le décès des personnes qu’on aime et aide à renouer avec leurs souvenirs. Un récit très réussi !
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2024/06/04/jean-michel-mestres-continuez/
En passant devant le cimetière de Perpignan, Jean-Michel arrête sa voiture.
Est-ce le hasard qui l’a conduit ici ou un besoin inconscient ?
Ce n’était pas la première fois qu’il passait à proximité et pourtant il n’avait pas franchi les portes depuis plusieurs décennies.
Le lieu lui est néanmoins familier, il n’a aucun mal à retrouver l’emplacement. Sur la stèle funéraire figurent les deux noms de famille de ses grands-parents maternels. Une intruse porte un nom différent Florence Mestre 1955-1984, la sœur de Jean-Michel plus âgée que lui, de quatorze mois. Dans la soudaineté et l’effarement devant cette disparition subite, son père avait demandé à son beau-frère et à sa belle-sœur, la permission d’inhumer le corps dans leur tombeau, ne serait-ce que provisoirement.
Quarante après, les choses sont restées en l’état, il faut dire que le choc a été rude. Pourquoi a-t-elle fait cela ? comme si elle avait dit continuez sans moi, elle ne se plaisait pas avec nous ? Un mélange singulier de tristesse, d’amertume, de honte, de remords, Jean-Michel a « glyphosater » les souvenirs qui le reliaient à sa sœur Flo.
A l’âge mûr, Jean-Michel est âgé aujourd’hui de 68 ans, est-ce son esprit d’archéologue, profession qu’il aurait aimé exercer, qui lui souffle l’envie de faire renaître les souvenirs de Flo? Très proche de lui, très complice, puisque seulement séparés de quelques mois, une presque jumelle.
Sans pathos, ni complaisance, Jean-Michel Mestres, nous esquisse les réminiscences de leur jeunesse. Une mère partie bien trop tôt, un père un peu dépassé soumis à la loi de sa nouvelle compagne, mal acceptée des enfants. Les notes plus gaies des vacances chez les grands-parents dans la région de Perpignan. Il ressort tous les supports disponibles, photos, lettres, disques pour essayer de sortir des brumes, ses pensées.
Dans ce roman autobiographique « continuez sans moi », Jean-Michel Mestres nous plonge dans son intime et dresse un constat teinté d’aigreur sur sa lâcheté du moment et son manque de discernement. Pourquoi est-il parti avec sa compagne Hamama chez une amie, ce fameux week-end, sentant pourtant Flo un peu dépressive et isolée ?
Qu’elles étaient les pensées de Flo au moment du passage à l’acte ? :
Il est cinq heures
Et j’erre dans les rues vides
Des pensées emplissent ma tête
Mais là encore
Personne ne me parle
Mon esprit me ramène
Aux années que j’ai laissées passer.
It’s five o’clock, Aphrodite’s child (Demis Roussos), 1969
Vraiment un bon livre qui nous force à réagir sur une telle situation, les autres, comment se comportent-ils, eux, devant le suicide d’un proche et nous-même aurions-nous su trouver une parade au mal-être de cet être cher ?
Au-delà, c’est une réflexion sur la mort de nos proches, la conservation de souvenirs, de leur image, de leur singularité contre l’effet érosif du temps, même s’ils restent, à jamais, une partie de nous comme un membre amputé.
Mes remerciements à l’agence littéraire Trames et aux Editions la Manufacture de livres.
Alors qu'il s'apprête à ranger de vieux livres dont il a hérité, le narrateur tombe sur un carnet relié, à l'intérieur duquel est recopié la pièce de Claudel "Partage de Midi". L'écriture semble féminine, aucune autre date que celle de 1942 et des initiales M.S. Le narrateur entreprend alors de rechercher qui est cette femme et pourquoi a-t-elle recopié dans son intégralité cette pièce. C'est d'autant plus interpellant que la pièce n'était pas publiée en 1942, seuls 150 exemplaires avaient été édités de manière confidentiel en 1906... Cette copie serait donc le 151ème exemplaire...? La copiste était-elle une proche de Claudel?
Et quel était le but de cette copie? Passer le temps? S'imprégner de la pièce? L'offrir?
Le narrateur qui est aussi l'auteur du roman puisqu'il s'agit ici d'une biographie, nous emmène dans une enquête poussée, et nous découvrons alors le Paris littéraire des années 40, la vie de Claudel et son avis tranchée sur la politique franquiste et la religion, sa vie privée aussi, avec son amour fou pour Rose, qui lui inspira la pièce dont il est question.
Au fur et à mesure des pistes que le narrateur suit, nous nous trouvons plongés dans la vie d'artistes, mais aussi dans la sienne, certaines informations trouvées lors de ses recherches le ramenant à son enfance et notamment à sa mère disparue trop tôt.
Cette lecture est passionnante, riche d'informations sur les cercles littéraires, sur la politique ou la religion, et l'on prend plaisir à redécouvrir des personnages connus, à découvrir certains tombés de nos jours dans l'oubli et à plonger dans les cercles intellectuels de l'époque.
Le narrateur trouvera-t-il l'identité de cette mystérieuse M.S.?
Vous le saurez en découvrant ce roman autobiographique, le premier de l'auteur, dont la sortie est prévue aujourd'hui!
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