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C’est un récit émouvant, bouleversant que nous livre Clemantine Wamariya. Elle n’est qu’une petite fille au moment où le conflit éclate au Rwanda. Forcée de fuir avec sa sœur, son récit relate leur fuite et leurs années de survie. Au cours de ce récit, elle nous entraine à la fois dans son passé et ses années d’exil, et dans sa vie actuelle, aux Etats-Unis. Sont traités en parallèle l’exil et la reconstruction.
Clemantine Wamariya traite un ce sujet sensible, bouleversant avec beaucoup de justesse. En filigrane de ces émotions, il y a toutefois de la colère. Une colère justifiée. "Personne ne peut la comprendre ". Sa colère parfois brute peut laisse le lecteur de coté, peut l'agacer. Oui, le lecteur ne peut pas la comprendre, il n'a pas vécu ce qu'elle vit, mais il peut avoir de l'empathie. Or, elle n'en veut pas, ou plus.
Clemantine Wamariya a été marquée à vie par les guerres des hommes mais c'est une femme forte qui en ressort. Une survivante. Une Sur-Vivante.
Clemantine Wamariya n'est que colère et son récit est très fort. Il est impossible de sortir indemne d'un tel génocide, de 7 ans de fuite, de passages de camp en camp. La reconstruction est très difficile voir impossible même si elle a eu, à mon avis, beaucoup de chance aux États-Unis où elle a été bien accueillie et aimée.
Clemantine Wamariya est une intellectuelle brillante mais très dure. Dans ce récit elle ne se montre pas sous un aspect sympathique, elle ne veut pas plaire mais faire savoir car c'est impossible de faire comprendre. Elle veut que l'horreur absolue du génocide Rwandais ne soit jamais oubliée.
Un récit à lire et faire lire car malheureusement certains sont prêts à recommencer dans de nombreux pays.
https://ffloladilettante.wordpress.com/2019/04/13/la-fille-au-sourire-de-perles-de-clemantine-wamariya-et-elisabeth-weil/
"Je ne comprenais pas son utilité. Aujourd'hui, je le déteste, je le honnis. C'est un mot net et efficace qui ne contient pas une once d'émotion. Il est impersonnel quand il devrait être profond ; froid et stérile quand il devrait être atroce. Ce mot est vide, il est factuel mais déloyal, il n'est qu'un artifice, le pire des mensonges.
Le mot « génocide » ne peut pas rendre justice à ce qu'il décrit – ce n'est pas son but."
1994. Rwanda. Clemantine a six ans quand elle doit fuir le foyer familial avec Claire sa soeur de quinze ans. Fuir le génocide. Tout quitter pour survivre. Sans savoir où aller. Pendant six ans, elles vont traverser sept pays d'Afrique. de camps de réfugiés en voyages dangereux, de rencontres en massacres. Un exil forcé qui les conduira aux Etats-Unis. le début d'une nouvelle vie loin de leur famille, loin de leurs racines. Clemantine sera recueillie par une famille américaine qui lui donnera accès à une bonne école, puis à la prestigieuse Yale. Claire se retrouvera mère célibataire de trois enfants.
"Il existe une expression en swahili, vita ni mwizi : « la guerre est une voleuse ». La destruction de notre environnement était sans limites. Au milieu d'habitants en état de choc, des cadavres jonchaient les rues. Des bombes explosaient partout. Les enfants étaient affamés. Toutes mes peurs étaient devenues réalité."
La fille au sourire de perles, c'est comme un conte. Mais pas un conte de fées. Un conte où le monstre à fuir est la guerre et ses horreurs. Un conte où la cruauté, la violence et la misère guetteront Clemantine et Claire à chaque étape de leur exil. Plus j'avançais dans ma lecture plus j'avais justement en tête cette image du conte, et à la fin du récit, Clemantine Wamariya évoque La fille au sourire de perles, un conte que lui racontait sa mère quand elle était petite. Je n'en dis pas plus, si vous souhaitez lire ce livre.
Dans ce livre, Clemantine Wamariya nous livre le récit de sa vie. Son témoignage du génocide rwandais. Souvenirs enfouis, et refoulés pour certains. Elle nous raconte sa fuite. L'exil. le déracinement. La misère. La faim. La soif. La survie. Mais aussi la quête d'elle-même, de son identité et la reconstruction entamée lors de son arrivée aux Etats-Unis. Comment se relever quand on a connu l'horreur ? Une nouvelle épreuve à surmonter.
"J'avais l'impression d'avoir été arrachée du sol. Je n'étais pas prête à être déracinée, je me sentais déjà morte et enterrée."
La construction du récit est très intéressante pour appréhender la profondeur et la puissance des propos de Clemantine Wamariya. En effet, elle a choisi d'alterner le récit de sa fuite du Rwanda avec celui de sa vie aux Etats-Unis. Chacun de ses deux récits, est entrecoupé de l'autre, mais cela reste chronologique. Cela permet des pauses dans l'horreur, et de comprendre la personne qu'elle devient. Progressivement.
"Mon passé s'est effacé, il est devenu flou, confus et déformé. Je ne parvenais plus à distinguer le vrai du faux. Tout, même le présent, me paraissait contenir à la fois trop de choses et rien du tout. le temps, de nouveau, refusait d'avancer de manière chronologique ; les pages du livre de ma vie étaient éparpillées, sans lien."
Le style de Clemantine Wamariya est pudique, mais les mots sont forts. Elle crie sa colère mais sans pour autant servir un récit larmoyant. Elle analyse sa personne, son être, ses réactions dans certaines situations. Ses blessures physiques, mais aussi les blessures de son âme. Déchirures profondes. Et le regard des autres. Ces autres qui voient en premier la victime de la guerre, et pas la femme qu'elle est
"La vie, la dignité, semblables à un édifice dont les briques s'effondraient, continuaient leur chemin vers l'anéantissement. Ce que nous traversions était à la fois si illogique et si quotidien que nous n'essayions même plus de relier les destructions en chaîne à une origine précise. On souffrait. On se sentait menacés. Quelqu'un nous infligeait une blessure."
Toutefois, avec sa manière de relater les faits, de parler d'elle-même, et par le choix des mots qu'elle emploie, Clemantine Wamariya maintient une certaine distance avec le lecteur. Sûrement sa façon de gérer son traumatisme et de se protéger en apposant un filtre sur certains passages. Pour atténuer l'horreur. Ou peut-être par pudeur, ou parce qu'elle a oublié consciemment. ou pas. Elle n'avait que six ans en 1994. Au lecteur de lire entre les lignes…
"Je n'ai jamais été inatteignable. Souvent, l'histoire de ma vie me semble fragmentée, à l'image de perles sans cordon. Lorsque je fais appel à mes souvenirs, ils me paraissent chaque fois légèrement différents, et j'ai peur de me sentir définitivement perdue."
La fille au sourire de perles est un texte extrêmement fort et puissant. Qui crie l'horreur des massacres au Rwanda et ailleurs en Afrique, mais qui s'attache aussi à la reconstruction. A la vie après, et à l'espoir.
Un témoignage bouleversant, terriblement poignant.
"Je Lui ai promis que si nous nous en sortions, je serais la meilleure enfant du monde, et la meilleure des soeurs. J'allais devenir tellement gentille et aimable et généreuse… mais je ne voulais pas mourir dans l'eau. Car on ne peut y laisser aucune trace."
« Nous avons besoin de dire : j’honore ce que tu respectes et j’accorde de l’importance à ce que tu chéris. Je ne suis pas meilleur que toi. Tu n’es pas meilleur que moi. Personne ne vaut plus qu’un autre. »
L’émergence de tous ses souvenirs refoulés, Clémantine est une enfant comme les autres, elle vit à Kigali au Rwanda, son surnom est Casette car elle répète tout ce qu’elle voit, tout ce qu’elle entend. Elle a six ans, mais l’âge n’a désormais plus aucun sens. Elle vient de s’enfuir par la porte de derrière pour échapper au génocide. La sauvagerie des massacres et l’usage du viol et de la contamination du sida comme armes de guerre.
« C’était la première fois que je la voyais verser une larme. Ça ne se faisait pas chez les adultes rwandais. Quant aux enfants, ils y étaient autorisés tant qu’ils ne savaient pas parler. Ensuite, ils ne pleuraient plus. Si, après ça, quelqu’un ne pouvait pas s’en empêcher, il devait le faire en chantant, comme un oiseau mélancolique. »
Choléra, dysenterie, mouches et insectes qui pullulent. Les caniveaux répugnants, les décharges d’ordures en plein air. Les enfants en haillons et sans chaussures, le regard vide. Les filles qui se prostituent ouvertement. Six ans passés dans des camps de réfugiés, être loin de chez soi, quelqu’un qui n’a plus de foyer. Elle n’est plus qu’un numéro, un simple numéro, si elle meurt personne ne sera au courant. Elle a perdu son identité. Avec sa sœur, elle va vivre dans sept pays africains différents un parcours déchirant et dramatique avant d’arriver aux États-Unis. Le choc de l’abondance après les privations.
« Comment pouvait-il exister quelque part un tel excès de nourriture tandis qu’ailleurs, à quelques heures d’avion, des gens mouraient de faim ? »
Un livre témoignage poignant et émouvant, si bien entendu j’ai été touché par la description de cette errance pour échapper à la barbarie, ce qui m’a le plus intéressé dans ce récit c’est sa lutte pour se reconstruire, recommencer à zéro. Avec une écriture simple sans fioriture, Clemantine Wamariya nous parle de la difficulté de témoigner avec des mots, regrouper les atrocités vécues. L’impossibilité d’oublier que des membres de sa famille ont été massacrés par d’autres membres de sa famille. Ne plus penser au passé, poursuivre sa vie. Ne pas exposer ses blessures aux autres. Ne pas afficher son chagrin, le garder au fond de soi, l’enfouir. L’auteur aborde aussi la responsabilité des colonisateurs, ici les Belges, dans la haine entre Tutsis et Hutus.
Alternant passé et présent ce livre fait partie selon moi des textes forts au même titre que les témoignages sur les atrocités des nazis dans les camps, d’ailleurs la jeune Clemantine Wamariya a été troublée par la lecture de La nuit le récit des souvenirs qu’Élie Wiesel conserve de la séparation d’avec sa mère et sa petite sœur qu’il ne reverra plus jamais et du camp où avec son père il partage la faim, le froid, les coups, les tortures… et la honte de perdre sa dignité d’homme quand il ne répondra pas à son père mourant.
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