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La porte du voyage sans retour est un épisode romancé de la vie d’Adanson, un naturaliste/botaniste du temps du Jardin du Roi donc vers 1750. Il fait partie des naturalistes partis en expédition à cette époque. Adanson est parti sur l'île de Gorée au large de Dakar au Sénégal.
Qui dit 18ème siècle et Afrique, dit pléthore de colonisateurs. Adanson ne débarque pas en grand colon en pays conquis, il veut vraiment découvrir la nature et comprendre le lieu. On en le suit pas en direct, on découvre son histoire via un récit laissé dans une malle à sa fille. Cette fille avait l'impression de connaître son père mais va découvrir via ses journaux un père bien différent que ce qu’elle imaginait et surtout elle aura enfin une explication de la distance qu'il maintenait entre eux. Pour une fois, le secret de famille est probablement plus positif que l’on ne se l’imagine. Notre naturaliste au détour des plantes va prendre conscience de tous les gens natifs qu'il côtoie. Il va se rendre compte que ce qu'on met en esclavage c'est un réel peuple avec une réelle humanité et du coup ce qu'on fait en tant que blanc c’est mal. L’auteur arrive à faire quelque chose de très nuancé. Adanson est assez novateur par rapport au blanc de base de l'époque mais en même temps il reste un homme de son époque. Il va se retrouver coincé entre ce qu’il constate et ce qui est la pensée commune de l’époque. Ce texte n'est pas dans un rejet complet de la personne, il illustre la complexité de la situation où Adanson fait ce qu'il peut avec ce qu’il a comme bagage culturel. Toutes les contradictions internes sont bien amenées. Il a une réelle ouverture d'esprit, une ouverture vers le monde qui lui permet une importante prise de conscience de la situation mais aussi de son impuissance. Il intègre toutes les ficelles liées à l'esclavagisme et prend conscience du récit d’état qui justifie l’esclavagisme. Il va au delà du mythe du sauvage et découvrant se qui se cache derrière « ces soit disant sauvages ». Il est témoin de toute la culture et de toutes les connaissances qu’a ce peuple. Il voit bien le soucis lié au fait que les comptoirs esclavagistes / les comptoirs coloniaux font tenir l'économie. Comment peut-on faire ? Les expéditions scientifiques ont besoin de financements mais à quel prix humain ? Entre besoin d’argent et de sécurité et l’existence d’un peuple qu’il aimerait mieux connaître comment choisir ? Il se rend compte à quel point ce peuple a énormément à apporter mais peut-il prendre le risque de jouer sa place dans la société en allant à contre-courant ? Est-ce qu'il peut convaincre les gens ? Qu'est-ce qui l'a amené à ce type de réflexion ? C’est vraiment un texte très équilibré, très nuancé et assez accessible.
Un conte très court mais tellement bien écrit. J ai été très touchée par ce récit.
Alfa et Mademba, amis d’enfance, font partie du contingent de tirailleurs sénégalais engagés sur le front de la Grande Guerre dans les rangs de la Mère Patrie.
Un jour de plus – un jour de trop –, ils sont envoyés à l’assaut de l’ennemi et jaillissent de leur tranchée avec leurs camarades. Mademba est fauché, et agonise dans les bras d’Alfa, qui ne trouve pas le courage de l’achever pour abréger ses souffrances. Alfa ne s’en remettra pas, rongé par la culpabilité et par une violence folle à laquelle il laisse désormais libre cours sur le champ de bataille. Au point de susciter l’inquiétude et la crainte des autres soldats et de la hiérarchie, et d’être envoyé « au repos » à l’arrière du front.
Mais la tête d’Alfa, incapable de trouver le repos et la paix, remonte sans cesse le temps pour nous raconter l’amitié des deux hommes et leur passé au Sénégal.
Monologue intérieur, litanie hallucinée, prière incantatoire, ce texte hypnotique est fait de répétitions circulaires qui se déploient en une spirale centrifuge à partir de la mort de Mademba. Sur ce noyau, ce nœud traumatisant, se déposent ainsi peu à peu, à rebours, les conséquences et les causes qui ont conduit les deux amis à quitter leur village et s’engager dans l’armée pour faire la guerre.
Charge virulente contre l’hypocrisie de la guerre « civilisée » et les codes d’honneur, ce texte est d’autant plus percutant qu’il est simple et concis, et même poétique, paradoxalement. Sans concessions, il montre la folie et la sauvagerie engendrées par la guerre et le désespoir.
Roman sur l’amitié, « Frère d’âme » interroge sur la notion d’humanité et rend une voix aux milliers de soldats africains des colonies françaises, utilisés comme chair à canon et quasiment oubliés de l’Histoire.
« Rêve était orpheline, ses parents avaient été prématurément fauchés en pleins travaux des champs par des soldats désœuvrés. Recueillie par sa grand-mère paternelle, Rêve, dès son enfance est protégée du mauvais œil. Au fil du temps, accablée par autant de misère, sa grand-mère ne se lassait pas de gémir sur sa pauvreté tout en sombrant dans l’indifférence. « Les nuits sans lune, Rêve gravissait la décharge-montagne d’habits pulvérulents qui recouvrait la plage… d’où elle scrutait la mer sombre sous un ciel éteint, ses écumes englouties par un horizon invisible ». Les deux anneaux d’or de ses parents que lui avait tout juste montré sa grand-mère pouvaient-ils lui faire espérer l’accès à des chemins lumineux ?
Une cinquantaine de pages pour exprimer la pauvreté d’un pays, jamais nommé par l’auteur d’origine sénégalaise, la violence entretenue par les puissantes inégalités, un pays où l’exil doit être l’un des plus beaux rêves de sa jeunesse.
Seulement une cinquantaine de pages pour raconter par la beauté des mots et de la poésie, un univers baigné dans la misère, traversé par l’illusion de la richesse pour atteindre la puissance du rêve.
Seulement une cinquantaine de pages dont j’aurais voulu extraire les plus belles phrases dans ce commentaire. Il vaut mieux lire ce conte touchant !
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