Felis est partie vivre en forêt au milieu d’une communauté disposée à lutter contre la Firme, responsable de déforestation...
Felis est partie vivre en forêt au milieu d’une communauté disposée à lutter contre la Firme, responsable de déforestation...
Bien sûr qu’on peut être bûcheron et écrivain. Et même bûcheronne et poétesse. Un an de stage en forêt écrit en vers libres : voilà la performance artistique proposée par Anouk Lejczyk dans ce petit livre qui fleure bon les sous-bois.
De l’automne à l’été, des Vosges à la Bretagne, Anouk, curieuse comme une gamine, apprend ce vieux métier d’homme. La sylviculture, la cynégétique, la reconnaissance des végétaux, la manipulation de la “tronço” et de la “débrou”…
Elle, à moitié végétarienne au milieu des chasseurs, intègre différentes équipes, parmi lesquelles très peu de filles, quelques sales types et beaucoup de bons gars. Max Antoine par exemple, formateur en bûcheronnage :
“avec moi tu vas apprendre plein de choses
par contre il va falloir aussi couper des arbres
ok ?”
“Mes passions :
ma femme
ma chienne
mes tronçonneuses
et mes enfants bien sûr
j’ai deux petits garçons ils sont magnifiques
ça va être des tombeurs plus tard”
L’écriture mêle habilement les dialogues et le récit, avec quelques signes de ponctuation ici et là. Dans ses “carnets”, elle partage tout : les termes techniques, les onomatopées - “pour changer le fil il faut juste soulever la tête hop là tac regarde” -, les défis physiques, les confidences de ses collègues, les siestes dans les pâquerettes, son quotidien parisien avec son amoureux, ses trente ans, la sortie de son premier livre.
C’est de la poésie en tronçons et sans jugement - ou si peu. Un doux mélange
entre “le plaisir inavouable d’entendre la chute de l’arbre” et l’envie de “disparaître dans les bois”. Avec de la camaraderie et de la solitude, du sexisme et de l’intersexualité, de la nostalgie avant l’heure pour ces forêts qui tombent.
Carnets d’une apprentie bûcheronne. Un sous titre qui en dit long sur un roman singulier, puisqu’il est la chronique de quatre saisons d’apprentissage du dur métier de bûcheronne. Par touches, dans de courts chapitres aux titres évocateurs, elle nous conte son arrivée dans ce métier d’hommes. Sa découverte des mille et une espèces d’arbres. La rudesse de ces journées à débroussailler, tailler, débarder, parce,les par parcelles, travail harassant de fourmi. La force qui lui manque pour démarrer la lourde tronçonneuse, et les muscles qui au fil des mois redessinent sa silhouette. La fierté à réussir son premier abattage. Les gilets orange, les casques anti bruit et les chaussures crottées de terre qui font tache dans le RER qui la ramène le soir à Paris. Les repas frugaux dans le froid ou sous le soleil brûlant, les chips molles et sandwichs vite avalés. Les siestes ressourçantes sur un tapis de mousse ou un coin de plage. Le gibier qui émerveille et saccage. Les chasseurs et les gardes forestiers à la cohabitation compliquée mais nécessaire. La camaraderie enfin, et l’esprit d’équipe de ces hommes des bois. Ces bûcherons si loin des salons germanopratins où l’on imagine les écrivains…
Écrit en vers libres et traitant du monde du travail, impossible de ne pas penser à « À la ligne » de Ponthus ou à « Mécano » de Mattia Filice,. Une comparaison lourde à porter mais qu’elle tient brillamment. Car ce texte est protéiforme. A la fois social et sociétal, sensuel et sensoriel, poétique et écologique. Je me suis passionnée pour son parcours de formation. Avec elle j’ai découvert un peu des mystères de la forêt. Et je me suis évadée quelques heures dans la majesté des bois des Vosges ou la rectitude des pinèdes des Landes
Une lecture surprenante qui a su me charmer.
J’avais été totalement charmée par son premier roman, Anouk Lejczyk revient avec un texte d’une toute autre forme, les « Carnets d’une apprentie bûcheronne », qui m’a également happée et beaucoup plu. Elle l’a rédigé en parallèle de la sortie en librairie de son 1er roman.
On suit le parcours d’Anouk durant une année. Les chapitres se suivent par saison. On commence par l’automne. C’est la rentrée des classes, direction la formation « travaux forestiers spécialité bûcheronnage ». Il faut dire que la forêt était déjà omniprésente dans son premier roman et qu’elle aimerait en savoir davantage. C’est aussi une sorte de défi pour elle. Son corps affronte le froid et le travail physique, des conditions inhabituelles pour une écrivaine.
Ce deuxième livre est écrit dans un style différent. Il ressemble à un journal. Il n’y a pas de ponctuation, comme dans une prise de notes. Les mots s’alignent dans un style très direct, sans fioritures et entraînent la lecture. J’ai tourné les pages encore et encore.
Dans la « promo », elles ne sont que 2 femmes. Je vous laisse imaginer les stéréotypes. Leur formateur s’appelle Max Antoine et il dépote ! Elle retranscrit en langage familier et direct leurs dialogues, les blagues potaches. C’est drôle et vivant.
On les suit sur les chantiers mais aussi lors de battues avec les chasseurs, et pour la végétarienne qu’est Anouk, cela lui pose quelques questions. On est évidemment plongé au cœur de la forêt, d’ailleurs Anouk réalise avec passion un herbier lors de sa formation. Et puis on voit le côté plus administratif et l’entretien des sites lors de ses stages à l’ONF aux 4 coins de la France. On y rencontre des personnages vrais, avec un portrait en creux de notre société. Mieux qu’une étude sociologique, ces carnets et retours d’expériences sont aussi drôles, qu’émouvants et poétiques.
Je vous donne rendez-vous ce dimanche 17/09/23 à 19h pour une rencontre en ligne VLEEL avec Anouk Lejczyk et Michèle Cohen, l’occasion de découvrir deux autrices publiées par les éditions du Panseur.
Merci à Jérémy Eyme des éditions du Panseur et à VLEEL pour cette lecture sylvicole !
Apprendre à bûcheronner est le défi que se lance Anouck Lejczyk alors même que paraît son premier roman « Felis Silvestris » que je vous recommande chaudement.
Elle y consacre toute une année, de dur apprentissage ponctué de stages partout en France.
Dans ce récit en vers libres, parfaitement rythmé, elle revient sur les rencontres qui jalonnent ses journées en forêt. Sur les histoires de ces hommes (une majorité d’hommes dans ce secteur d’activité) qui ont choisi ce métier pour des motivations sociales, économiques, idéologiques très différentes. C’est très souvent drôle, un peu acide aussi, mais le regard d’Anouck Lejczyk est toujours bienveillant.
Et puis au premier plan il y a la forêt (les forêts des quatre coins de France), les arbres qu’Anouck « apprend à tuer » , les espèces à préserver, les animaux traqués par les chasseurs, la nature à repenser pour tenter d’atteindre l’équilibre entre écologie et économie.
C’est passionnant et immersif, notamment grâce à cette écriture sans un mot de trop, cette belle économie de ponctuation, qui met l’accent sur l’essentiel, le plus précieux. Une vraie réussite.
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