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L'enrage - audio

Couverture du livre « L'enrage - audio » de Sorj Chalandon aux éditions Audiolib
  • Date de parution :
  • Editeur : Audiolib
  • EAN : 9791035414177
  • Série : (-)
  • Support : Papier
Résumé:

« Je n'ai pas le droit aux sentiments. Les sentiments c'est un océan, tu t'y noies. Pour survivre ici, il faut être en granit. Pas une plainte, pas une larme, pas un cri et aucun regret. Même lorsque tu as peur, même lorsque tu as faim, même lorsque tu as froid, même au seuil de la nuit... Voir plus

« Je n'ai pas le droit aux sentiments. Les sentiments c'est un océan, tu t'y noies. Pour survivre ici, il faut être en granit. Pas une plainte, pas une larme, pas un cri et aucun regret. Même lorsque tu as peur, même lorsque tu as faim, même lorsque tu as froid, même au seuil de la nuit cellulaire, lorsque l'obscurité dessine le souvenir de ta mère dans un recoin. Rester droit, sec, nuque raide. N'avoir que des poings au bout de tes bras. Tant pis pour les coups, les punitions, les insultes. S'évader les yeux ouverts et marcher victorieux dans le sang des autres, mon tapis rouge. Toujours préférer le loup à l'agneau. »

Dans la nuit du 27 août 1934, cinquante-six gamins se révoltent et s'échappent de la colonie pénitentiaire pour mineurs de Belle-Île-en-Mer. Voici ouverte la chasse aux enfants. Tous sont capturés. Tous ? Non : aux premières lueurs de l'aube, un évadé manque à l'appel. Voici son histoire...

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  • De Belle Île en Mer on connaît la mer, la plage, la destination touristique, mais elle habite aussi un fantôme : la colonie pénitentiaire de Haute-Colombe, bâtie sur des fondations de Vauban, qui a d’abord reçu des personnes hostiles aux régimes en cours, avant de recevoir des enfants. Ils...
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    De Belle Île en Mer on connaît la mer, la plage, la destination touristique, mais elle habite aussi un fantôme : la colonie pénitentiaire de Haute-Colombe, bâtie sur des fondations de Vauban, qui a d’abord reçu des personnes hostiles aux régimes en cours, avant de recevoir des enfants. Ils n’étaient par forcément de grands délinquants ; il y avait des jeunes ayant commis de menus larcins, des orphelins que personne ne pouvait ou ne voulait accueillir.

    Jules Bonneau y atterrit après avoir volé trois œufs, à l’âge de 7 ans, parce qu’il avait faim. Il a eu une enfance dure, son père a fait la première guerre mondiale dont il est revenu assez amoché (bien sûr on ne parlait pas de Stress Post Traumatique à l’époque) et s’est mis à boire, sa mère est partie. Comment se construire sans ces conditions ?

    Le juge l’envoie à la Colonie pour le remettre dans le droit chemin, il a treize ans. Très vite il devient « La Teigne », subit les moqueries à cause de son patronyme (Jules Bonnot célèbre bandit de l’époque)

    En guise de remise dans le droit chemin, c’est la maltraitance qui commence dès son arrivée : les coups, les attouchements, les viols, tant par les plus grands que par les surveillants, une maigre pitance et le travail harassant qu’ils doivent fournir : main d’œuvre gratuite. Il fait la connaissance de Camille Loiseau, un orphelin, le souffre-douleur du bagne.

    Pendant les repas, le silence est obligatoire, on doit terminer la soupe qu’on lape dans son écuelle comme un animal, avant de manger le fromage. En ce soir du 27 août 1934, un des enfants déroge à la règle et les matons lui tombent dessus, craignant pour sa vie, les autres se révoltent et c’est l’évasion. Enfin, la tentative d’évasion car comment s’échapper d’une île, alors que la plupart ne savent pas nager ? De surcroît, la population locale se fait un plaisir de participer à la chasse, de dénoncer en échange d’une prime de 20 francs ! délation qui va faire les beaux jours de l’Occupation nazie quelques années plus tard !

    Tous sont repris sauf un, notre ami Jules que l’établissement déclarera disparu en mer. Il réussit à survivre grâce à Ronan, un patron pêcheur qui va l’accueillir chez lui. Auprès de Ronan et son épouse, il découvre une sorte de famille. A l’image de Jean Valjean, il a trouvé un protecteur, voire un mentor.

    Sorj Chalandon s’est inspiré d’une émeute qui a vraiment existé et a donné vie à l’enfant qui n’a jamais été retrouvé, il lui a créé une famille, une histoire très bien construite à laquelle on adhère dès la première ligne. Il dit lui-même que, sans la colère intense qu’il habite car il a été victime de violence enfant, il n’aurait pas pu écrire un récit aussi fort.

    Les phrases sont courtes, percutantes, et donnent encore plus de force, de rythme au récit. Elles vibrent comme les matraques qui s’abattent sur ces enfants dont on a volé à tout jamais l’enfance.

    On rencontre au passage un poète qui écoute Jules en prenant des notes sur un carnet et qui publiera un magnifique poème tiré de cette rébellion et la battue qui a suivi : « La chasse à l’enfant », il s’agit de Prévert bien sûr.

    Il ne faut pas oublier que cette Colonie Pénitentiaire, qui était l’antichambre du bagne, car les plus récalcitrants, à leur majorité prenaient la direction de Cayenne, n’a fermé ses portes qu’en 1977.

    Il y a des auteurs que j’adore retrouver à chaque nouvelle publication ou nouvelle rentrée littéraire, et Sorj Chalandon en fait partie, comme Serge Joncour, ou Franck Bouysse ou Léonor de Recondo, entre autres et ce roman est mon premier coup de cœur de la rentrée 2023.

    Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur

    #LEnragé #NetGalleyFrance !
    https://leslivresdeve.wordpress.com/2023/09/23/lenrage-de-sorj-chalandon/

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  • Lui que la violence et la folie paternelles ont marqué à jamais, lui inoculant une « rage » restée inextinguible bien après sa fuite loin du monstre, à dix-sept ans, ne pouvait qu’être touché au plus profond par la terrible condition et par la révolte des enfants du bagne de Belle-Ile en 1934....
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    Lui que la violence et la folie paternelles ont marqué à jamais, lui inoculant une « rage » restée inextinguible bien après sa fuite loin du monstre, à dix-sept ans, ne pouvait qu’être touché au plus profond par la terrible condition et par la révolte des enfants du bagne de Belle-Ile en 1934. C’est avec les tripes que Sorj Chalandon leur rend hommage, prolongeant la vérité historique par l’imagination : et si, comme lui, l’un d’eux avait vraiment réussi à échapper à ses tourmenteurs ? Trouve-t-on jamais la paix lorsque l’injustice et la cruauté ont fait de vous un « enragé » ?

    Dans les années vingt, à treize ans, Jules Bonneau – déjà suspect pour son homophonie avec le célèbre anarchiste – est envoyé à la colonie pénitentiaire de Haute-Boulogne, à Belle-Ile. La prison politique ouverte trois-quarts de siècle plus tôt a en effet été convertie en maison de redressement, hypocritement baptisée « institution d’éducation surveillée ». Depuis 1880 y sont relégués des mineurs à partir de huit ans, des gamins considérés irrécupérables, qu’au lieu de protéger et d’insérer, l’on exclut et punit dans ce qui n’est autre qu’un bagne pour enfants : un lieu d’enfermement où les détenus, exposés aux pires châtiments, triment durement et vivent dans des conditions dégradantes. Qu’ont-ils donc fait pour atterrir dans cette galère ? Certains ont commis des vols ou des délits mineurs – Jules a volé trois œufs et a fait preuve d’insubordination dans le cadre d’une grave injustice –, d’autres ont fui des parents violents ou incestueux – le vagabondage est alors sanctionné par la loi –, les derniers enfin n’ont d’autre tort que leur état d’orphelin ou d’enfant abandonné.

    Se glissant dans la peau de Jules devenu fauve à force d’injustices et de mauvais traitements, l’auteur raconte fidèlement l’infâme quotidien au sein de la colonie, jusqu’à ce que l’incident de trop, lui aussi véridique, provoque la mutinerie. Le soir du 27 août 1934, l’un des garçons contrevient au règlement en mangeant son fromage avant d’avoir fini sa soupe. Craignant pour sa vie, ses codétenus tentent de s’opposer à son passage à tabac. Dans le pugilat général, cinquante-six jeunes bagnards réussissent à faire le mur. Dénoncée par les vers de Jacques Prévert qui, alors en vacances sur l’île, s’en retrouve le témoin consterné, une « chasse à l’enfant » s’organise, gens du cru et touristes s’en donnant à coeur joie pour toucher une prime de vingt francs par fugitif capturé. Au matin, les évadés sont à nouveau sous les verrous, à la merci d’une sauvage répression. Tous, sauf Jules, que l’auteur a imaginé pour contredire l’Histoire et lui donner sa chance. Mais comment échapper à son destin quand l’au-delà des murs est encore une prison : une île, infailliblement gardée par la mer ?

    Comme Jean Valjean sauvé par Monseigneur Myriel, Jules l’enragé va rencontrer pour la première fois la bonté et apprendre à faire confiance. « Sans la confiance, tu es seul au monde. » La fresque historique s’élargit pour épouser le monde de l’entre-deux-guerres, alors que sur fond de fascismes montants, la collaboration de la population aux exactions commises sur des enfants par une administration sans âme ni conscience semble entrer en résonance avec les bien funestes perspectives que l’on sait. Déjà des forces de résistance, ici toutes bretonnes, se font jour, incarnées par l’improbable mais très symbolique duo d’un patron de pêche communiste et d’une infirmière « faiseuse d’anges ». Et tandis que Jules, même si à jamais marqué par la haine et la violence, trouvera peut-être la rédemption en troquant son esprit de vengeance contre celui de la rébellion, c’est l’ombre de l’enfant que fut l'auteur, né sans amour et maltraité, que l’on perçoit derrière ses mots âpres et engagés.

    Fresque historique et roman social, ce dernier livre de Sorj Chalandon est un cri de douleur et de colère, où à la rage de Jules La Teigne, l’enfant bagnard, fait écho celle de l’auteur, éternel enfant battu désormais en guerre, de toute la force de sa plume de journaliste et de romancier, contre les injustices et les violences du monde. Coup de coeur.

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