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"Les uns et les autres ne connaissent pas, dit l'homme, la glace que nous portons la nuit sur nos épaules, qui croît pendant nos rêves, nous entoure d'une calotte d'un crépuscule à l'autre. Ils ne savent rien de ça, ils vont ici et là, se déplacent comme des bulles. " Un homme, le roman de Christina Mirjol, retrace en trois chapitres les conditions de survie héroïques d'un homme sans domicile. Ce parfait anonyme, ce naufragé des rues, on le devine d'emblée, est choisi par l'auteure parmi des centaines d'autres.
C'est dans le contexte glacial de l'hiver 2012, au milieu d'une foule attendant l'ouverture des portes d'un cinéma, que survient tout d'abord la rencontre déchirante entre l'homme et un couple.
Une femme et son mari, tous deux en proie au froid, sont saisis de stupeur devant l'apparition de cet homme peu vêtu : « une veste trop petite et ne couvrant qu'à peine la longueur de ses bras, pas de gants. » L'empathie que déclenche cette tragédie du quotidien (le froid intolérable amplifiant les projections et la vision poignante entraînant les hantises), débouche sans crier gare sur le dernier chapitre. On n'entend désormais plus que la voix de l'homme. Dans son humanité, l'homme parle à son caddie, à ses membres qui ont froid, à sa pauvre jambe gourde. Dans l'univers glacé qu'il s'apprête à traverser, les grues qui barrent le ciel et les tours impassibles de la Grande Bibliothèque encouragent son périple, contiennent le vent violent... S'amorce au petit matin, sous un ciel bleu acier, l'épopée d'un invisible.
Dans son recueil de nouvelles, Les invitées, Christina Mirjol abordait le phénomène de la mort sous toutes ses facettes et selon son impact sur les (sur)vivants, dans ce deuxième ouvrage publié par ELP, elle traduit la dimension épique de l'homme dans des conditions extrêmes, sa déambulation quotidienne obligatoire, pour ne pas mourir de froid, pour trouver une place à l'abri, pour s'isoler des regards indiscrets, pour continuer à être un homme...
Petit livre étonnant, bourré d'émotions et de réflexions bien senties, Un homme, de Christina Mirjol, m'a mis en présence d'un homme, une personne qui vit dans la rue et lutte comme elle peut contre le froid très vif et l'indifférence.
Trois parties rythment ce livre. D'abord, l'autrice présente cet homme puis ce sont un homme et une femme, en ce mois de février 2012 glacial qui veulent aller voir un film à la Grande Bibliothèque et aperçoivent cette personne réfugiée dans un endroit abrité. Elle n'est pas habillée pour résister au froid et attend de pouvoir accéder aux toilettes de l'établissement public. Il est tôt et le film débutant à 11 h15, les portes sont closes. Quand elles ouvrent enfin, le couple entre et l'homme tient la porte pour que le malheureux puisse entrer avec son caddie et sa jambe raide qui le gêne beaucoup pour se déplacer.
À ce moment-là, débute la troisième partie, la plus longue mais la plus émouvante, terrible parfois. C'est l'homme, dans le froid, qui parle à son caddie. Ce caddie, petit chariot avec sacoche pour faire les courses, il l'a trouvé sur un tas d'ordures, jeté là alors qu'il est en parfait état.
Il m'a ainsi fait partager toutes ses souffrances, toutes ses difficultés pour survivre et en même temps donné une formidable leçon d'optimisme. Quelle force, quelle volonté, malgré le froid, le gel, la glace ! Plusieurs réflexions bien senties émaillent le roman avec de très justes impressions, de souvenirs que Christina Mirjol a su parfaitement écrire tout en douceur et une efficacité remarquable.
De nos jours, il y a encore trop d'hommes et de femmes qui tentent de survivre dans la rue, personnes que nous pouvons croiser sans vraiment les voir.
Au moment où j'écris ces lignes, nous sommes confinés et soudain, nous nous demandons comment protéger les sans domicile fixe, les SDF… Ce livre leur rend hommage et surtout ouvre nos yeux avec tellement de délicatesse que je suis heureux d'avoir pu lire un tel bouquin qui aurait mérité qu'un grand éditeur le mette en valeur !
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Un homme de Christina Mirjol est un petit livre de 123 pages seulement, mais un livre qui marque. D'abord par son écriture, fine, élégante, sobre, poétique et très expressive mais aussi par le thème abordé : la vie d'un invisible, la vie d'un de ces hommes parmi tant d'autres, un sans-abri. Un de ces hommes que nous avons tous croisé un jour. L'auteure que je découvre ici, propose un roman qui sort des sentiers battus par sa façon d'aborder le sujet.
Son livre se compose de trois chapitres. Un premier nous présente cet homme, qui marche et doit, chaque jour chercher une place pour dormir sous ses cartons, le choix de ce lieu étant primordial. le deuxième se déroule en 2012, où l'hiver avait été tardif et février un mois glacial. Sur l'Esplanade de la Grande Bibliothèque, un couple se rendant au cinéma et cherchant à se protéger du froid en attendant l'ouverture des portes va croiser cet homme aux vêtements étriqués et éprouver aussitôt de l'empathie pour celui-ci. Cette pensée du couple retranscrit parfaitement ce qui les sépare de cet homme : "Ô combien sont disjoints notre attente et la sienne, notre propre abattement et sa relégation !"
Dans le dernier chapitre qui représente plus de la moitié du roman et intitulé L'homme et le caddie, l'écrivaine nous entraîne dans un fabuleux et incroyable soliloque avec ce dernier. Bluffant de vérité et de réalisme.
Si un homme parlant à un caddie peut paraître au premier abord un peu loufoque et surréaliste, on s'aperçoit bien vite que pour lui qui est constamment seul, ce caddie lui est devenu indispensable et représente sa planche de salut. Car c'est, cet assemblage de ferraille sur roulettes, abandonné pour vétusté qui lui sert d'appui, n'ayant plus qu'une jambe valide et c'est lui qui transporte ses cartons et sa modeste sacoche. Autrement dit, c'est un compagnon fidèle et qui est en quelque sorte le réceptacle de tout son ressenti et qui se fait l'oreille de sa vie. Quelle peur d'ailleurs, lorsque l'ayant lâché par maladresse dans une rue en pente, ce dernier va aller s'écraser au bas d'une volée d'escaliers. Par chance, il le récupèrera mais quelle difficulté, ensuite pour remonter ces escaliers, d'autant que le froid glacial qui sévit a complètement détérioré la garniture plastique qui permettait d'isoler le métal pour les mains. J'ai peiné à marcher avec lui et souffert du froid avec lui, n'arrivant pas à réchauffer mes mains, ayant du mal comme lui à les mouvoir pour tenter de les mettre sous mes aisselles pour les réchauffer tant l'auteure a rendu vivant ce personnage sans nom !
Christina Mirjol fait preuve d'un réalisme et d'une extrême sensibilité dans l'évocation de cet homme perdu dans sa solitude au milieu d'autres humains qui ne le voient pas. Mais combien sont-ils ces hommes dans la même situation, ces hommes, ou ces femmes d'ailleurs, devenus des ombres que l'on ne voit plus ou qu'on ne veut plus voir ? Faut-il être confronté aux mêmes périls, ici le froid, pour s'apitoyer ? Et si demain, nous nous retrouvions dans la même situation qu'eux, la précarité peut vite advenir, deviendrions-nous, à notre tour, invisibles ?
Un livre qui interpelle sur notre monde contemporain. Comment est-il possible au XXIe siècle, que des hommes soient ainsi abandonnés ?
Pas d'action, pas de suspense, pas de pathos non plus dans cet ouvrage mais la bouleversante description de ce que vit un trop grand nombre d'humains.
Un homme a été pour moi un véritable coup de coeur et je remercie Christina Mirjol pour avoir su donner une voix à ces invisibles. Un livre que je recommande vivement.
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Un livre qui dérange, comme dérange le sans-domicile-fixe (dérangeant tellement qu’on l’a raccourci en SDF, ce qui est tout de même plus convenable que ne l’était la version gaie du clochard, illustrée jadis par Michel Simon ou chantée par Gabin).
L’intrigue est minimaliste, la rencontre imprévue est brutale : « Dans ce matin glacé, nous sommes chaudement vêtus, quant à l’homme il grelotte dans des vêtements légers d’une minceur désarmante… » Que faire ? Que dire ? Lui tenir la porte de la galerie commerciale quand elle finit par s’ouvrir, attendre patiemment qu’il ait réussi à entrer en traînant derrière lui sa jambe paralysée, s’effacer en lui jetant un dernier regard à la dérobée, se réfugier dans la salle de cinéma, rentrer chez soi, ne pas réussir à le chasser de son esprit et imaginer le quotidien de cet intrus « saboteur des dîners entre amis ». Le regarder traîner avec lui un caddie qui renferme tout son dérisoire patrimoine, et l’entendre confier à cet unique confident ses pensées et l’immensité de ses souffrances. C’est très bien écrit, absolument glaçant, et de telle façon que cet homme anonyme et silencieux, de ceux dont d’ordinaire on n’ose affronter le regard, devient par la magie de ce texte un héros homérique. Sa lutte permanente pour survivre éclipse tous les fades super-héros Marvel qui hantent nos cinémas.
Si vous n’en sortez pas avec un énorme sentiment de culpabilité, c’est que vous êtes de la trempe de ceux qui vont voler des masques à l’hôpital pour les revendre au marché noir. Mais vous qui me lisez, moi qui ai lu Un homme, nous ne sommes pas comme ça, nous avons des élans, parfois. Une piécette, un billet les jours de fête, les mauvais jours « que font donc les services sociaux de mes impôts ? », et nous passons à autre chose. Il faut bien vivre (comprendre oublier) parce qu’au final, et on s’en rend compte au fur et à mesure que notre terminus personnel se rapproche, nous sommes bien seuls avec nos petites misères, nos espoirs déçus et notre angoisse devant le sablier qui se vide trop vite.
Ce roman nous parle de solitude, de misère extrême et nous fait rêver de solidarité. Pas de la solidarité de pacotille où on applaudit en chœur à vingt heures et où on signe à tour de bras des pétitions. De celle qui coûte et qui exige un vrai sacrifice. Celle qui, par exemple en réponse à l’idée de verser une prime à ceux qui sont encore au travail, verrait ceux qui applaudissent se lever et dire : nous allons nous cotiser pour financer cette prime. Ca pourrait commencer au sommet de l’Etat et puis cascader dans toute la société : le président, le gouvernement, les élus, les anciens présidents, les anciens ministres, les hauts fonctionnaires, les salariés à l’abri chez eux et les retraités.
Populiste ? Oui, oublions. Si tout le monde devenait réellement solidaire, qui se dévouerait pour maintenir à flots les pêcheurs de homards, pour éviter aux producteurs de champagne de boire le calice jusqu’à la lie, pour continuer à porter haut les couleurs de la haute couture, pour empêcher une sortie de route de l’automobile de luxe ou pour continuer à faire briller de tous ses feux la joaillerie ? Un député nous expliquait, il y a peu, qu’avec deux cent-cinquante euros on n’arrivait plus à faire un repas correct (et encore, sans le vin). Vous voyez bien que ma proposition confine (le mot de la semaine) à la folie.
Non, l’urgence, la vraie, c’est que les milliardaires du ballon rond retrouvent vite le chemin des terrains, qu’on puisse enfin s’entasser dans les stades avec nos peintures de guerre sur le visage pour avoir une chance de passer à la télé et se sentir moins seuls. Tandis que, confiné et solitaire, je parle à mon clavier d’ordinateur de L’Homme qui parlait à son caddie, j’imagine, qu’à l’hôpital, en réanimation, tout le monde retient son souffle pour que les malades retrouvent le leur. Pendant qu’à la maternité, de nouveaux destins s’éveillent en criant, on n’entend que des chuchotements à la morgue voisine. Notre comédie humaine n’est qu’une ignoble tragédie. Nous nous efforçons de ne pas le voir pour continuer à jouer nos petits rôles. Christina Mirjol met en lumière l’invisible, donne la parole à l’inaudible et fait tomber nos masques. Le choc est brutal, aurez-vous le courage de l’affronter ?
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