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Dans le cabinet d'un médecin, une femme s'effondre. Sa maladie porte un nom connu : le burn-out sans que l'on sache exactement ce que cela signifie. Une dépression ? Un surmenage ? Un vide immense ? Depuis des semaines cette travailleuse sociale passionnée pour qui son métier auprès des plus démunies est une vocation, était épuisée, irritée pour un rien, incapable de se reposer, chaque pas hors de chez elle était plus difficile. Jusqu'à l'effondrement.
Après le choc du diagnostic, passée la culpabilité de n'avoir rien vu, rien pu faire, passées les premières semaines à croire qu'un congé suffira, que la vie reprendra vite comme avant, Alexandre Duyck enquête auprès des médecins, des psychologues qui l'aident à comprendre la façon sournoise dont la maladie frappe les plus forts, ceux qui s'investissent totalement, qui idéalisent leur métier, en particulier les travailleurs sociaux, les enseignants, les personnels de santé. Mois après mois, il nous montre l'évolution du mal, la patience et l'amour dont il faut s'armer, le sentiment pour l'entourage d'être parfois un gardien de prison, protégeant la malade d'elle-même et des autres, la lente reconstruction. Les mois passent, les arrêts maladies s'enchaînent, jusqu'à la sentence terrible : l'annonce de l'inaptitude définitive au travail et le licenciement. C'est une nouvelle bataille et l'espoir d'une vie différente. Alexandre Duyck offre un récit délicat, pudique, bouleversant sur ce mal avec lequel il faut apprendre à vivre et qui lui fait voir le monde différemment : avec tous ces effondrements, ces batailles, ces moments où la vie craque, où il faut se relever, reconstruire.
Les femmes qui l’appellent, jour et nuit, pour lui réclamer son aide. La culpabilité. Et l’obligation de réponse. Au moins ça. Le manque de moyens. Les appels aux dons ignorés. Les toilettes à l’extérieur. La doudoune à porter dans le bureau pour s’éviter de complètement geler. Travail passion, travail à perdre la raison pour en garder le cœur. L’effondrement. Subi, soudain. Impossible de franchir le pas de la porte. Trop dur. La chute qui n’en finit pas. Les heures passées à dormir, les forces à réunir pour se lever, le téléphone qui continue de sonner. Les proches interdits devant la maladie. Les questions et les doutes. L’envie de la secouer, la peur de la voir se briser. Les jours, les semaines et les mois. La fragile reconstruction. C’est tout cela que raconte Alexandre Duyck, témoin impuissant du burn-out qui a emporté sa compagne dans un équilibre juste et intime de descriptions, d’analyses et de réflexions où perce la colère contre ceux qui participent à l’arrivée de ce mal. Et vous, vous l’avez lu ? Aimé ?
Il ne s'agit pas d'un roman mais d'un témoignage . Un témoignage sur le burn-out : pas par celle qui l'a vécu, non, par celui qui a assisté impuissant à « l'effondrement » de celle qu'il aimait. C'est bouleversant. Poignant. Pas de pathos et d'atermoiements, mais une vaste remise en cause : remise en cause de soi-même d'abord pour n'avoir pas su voir, remise en cause de la société ensuite qui pressure à chaque instant davantage les individus et les broie tout comme leurs idéaux.
L'auteur a du talent et une belle plume. C'est normal , il est journaliste et enseignant. Et il fait ici oeuvre de pédagogue : il ne juge pas, il explique ( au sens étymologique de déployer) en revenant sur la genèse de ce burn-out, en cherchant à graver sur le papiers les signes imperceptibles qu'il n'avait pas perçus, en racontant cette année de traversée du désert.Iil mène une enquête, fait une sorte de rapport pour nous inter-esser : nous rendre partie prenante et également pour redonner à sa femme ce pan de vie entier que lui a pris son « écroulement » comme l'appelle les psychiatres.
C'est pour moi une déclaration d'amour à la femme aimée qu'il portraiture dans son idéalisme et sa croisade quotidienne ( elle est assistante sociale dans une organisation qui oeuvre auprès de prostituées). C'est également un livre dont on ne sort pas indemne. Il est percutant par son style imagé empli de métaphores surprenantes et sa langue limpide. Il est troublant aussi parce qu'il aborde de façon novatrice et sans complaisance ( en priorité vis-à-vis de lui-même ! ) un sujet que l'on croit connaître après avoir vu, lu ou entendu toutes sortes d'articles et de reportages. Il permettra sans doute d'être plus à l'écoute, plus indulgent aussi car comme il le dit si bien c'est contre toute attente « le plus forts » que le burn-out frappe en faisant également des victimes collatérales : l'entourage ainsi que le rappellent les belles paroles du "Nocturama" de Nick Cave mises en exergue.
Je remercie chaleureusement Babelio et les éditions JC Lattés de m'avoir permis de découvrir cet ouvrage dans le cadre d'une « masse critique » et surtout son auteur, Alexandre Duyck pour m'avoir permis de comprendre davantage ce mal moderne.
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