Entretien avec Irène Frain : « Toutes les vies se valent-elles vraiment dans notre monde ? »
ce livre est dans ma PAL. De Irène Frain, j'avais aimé "Les naufragés de l'île Tromelin"
« Les faits. Le peu qu'on en a su pendant des mois. Ce qu'on a cru savoir. Les rumeurs, les récits. Sur ce meurtre, longtemps, l'unique certitude fut la météo. Ce samedi-là, il a fait beau. Dans les commerces et sur les parkings des hypermarchés, on pointait le ciel, on parlait d'été indien. Certains avaient ressorti leur bermuda et leurs tongs. Ils projetaient d'organiser des barbecues dans leur jardin.
L'agresseur, a-t-on assuré, s'est introduit dans la maison de l'impasse en plein jour. On ignore à quelle heure. Pour trancher, il faudrait disposer du rapport du policier qui a dirigé les investigations. Malheureusement, quatorze mois après les faits, il ne l'a toujours pas rendu ».
Face à l'opacité de ce fait divers qui l'a touchée de près - peut-être l'oeuvre d'un serial killer -, Irène Frain a reconstitué l'envers d'une ville de la banlieue ordinaire. Pour conjurer le silence de sa famille, mais aussi réparer ce que la justice a ignoré. Un crime sans importance est un récit taillé comme du cristal, qui mêle l'intime et le social dans des pages tour à tour éblouissantes, drôles ou poignantes.
Entretien avec Irène Frain : « Toutes les vies se valent-elles vraiment dans notre monde ? »
Le roman d’Irène Frain, couronné par le prix Interallié en 2020, pourrait faire écho au roman de Florence Aubenas, L’Inconnu de la Poste. Les deux livres commencent par un drame, la disparition d’un être marquant et pourtant inconnu. À partir d’un fait divers, l’autrice mène une enquête, remonte le fil des faits pour comprendre la psychologie des êtres impliqués dans le drame. Irène Frain ouvre son livre par une description à distance du meurtre de cette femme âgée dont l’identité n’est révélée que tardivement. C’est la situation que la romancière décrit d’abord, ce qui est connu par la police sachant que l’écriture de ce livre débute quatorze mois après les faits. C’est d’un point de vue assez éloigné que nous découvrons ce crime, la situation et constatons les béances de la situation. Mais nous comprenons l’importance, ce qui bouleverse l’autrice, et cela nous saute aux yeux progressivement. Là où la quatrième de couverture révèle le secret comme une évidence, le roman laisse le temps à l’information de se dire et surtout de s’écrire. Irène Frain parle du meurtre de sa sœur. Au bout de quarante pages, nous nous retrouvons en pleine intimité de la vie de l’autrice qui pourtant semblait être une narratrice loin d’être impliquée. Au-delà du meurtre lui-même, c’est ce déplacement de point de vue qui tient la narration de ce livre. Irène Frain veut se rapprocher de la vérité du crime mais également de celle de la vie de sa soeur, femme qu’elle n’a pas vue depuis quelques années. Elle se confronte aussi à la succession des faits, dires et gestes, qui l’ont éloigné de sa famille. La manière dont elle utilise la fiction, faisant de ses sentiments et émotions des êtres fantomatiques, apporte une puissance au récit. On observe alors une réalité fantasmée, rêvée et intellectualisée. La mise en mots des souvenirs permet de réunir la narratrice avec ses doutes, ses peurs, ses incompréhensions. Elle se rapproche alors de la réalité et des silences de celle-ci. Finalement, ce roman, avec précision, rigueur et psychologie, est un combat pour dire, pour parler, rappelant le pouvoir magique et libérateur des mots.
Une plongée dans l'univers des victimes de crimes.
Incroyable, inimaginable.
Si ce livre était une fiction, on penserait que l'autrice exagère, qu'elle part d'un fait , certes réel mais extrapole avec son imagination, décrit un univers à mille lieues du nôtre.. mais non ! Tout est vrai, archivrai !
Sa sœur aînée est assassinée un samedi de septembre, et pour des raisons personnelles elle n'en est pas informée avant l'enterrement 2 mois après ! Rien n'a été recherché, pas une trace n'a été étudiée, aucune enquête de voisinage ou investigation lancée, par la police ou le procureur !
L'écriture comme un remède à l'incompréhension , le stylo comme arme, et surtout la réflexion pour aider à faire le deuil de cette sœur.
Irène Frain est une écrivaine douée d’imagination et de ressources littéraires, son talent est évident dans ce livre bien personnel.
Un réquisitoire contre les deux poids lourds que sont la police et la justice dont la lenteur et le manque d'investissement sont à déplorer.
Saura- t-elle jamais qui a massacré sa sœur ?
Et quid des centaines d'autres crimes non élucidés du même genre !
Les méandres de la justice face aux questions des familles après un meurtre horrible ,les secrets d'une famille...Intéressant certes mais...!
Ce livre met en lumière les failles de nos services d'enquêtes et judiciaires. Cela devient révoltant! Même des personnes connues n'arrivent pas mieux que le citoyen lambda à obtenir des réponses et un résultat.
Une belle lecture que ce récit d'Irène Frain autobiographique, fictionnalisé parfois, sur la mort de sa soeur aîné Denise agressée à son domicile isolée de banlieue.
Le livre évoque la lenteur de la justice et une enquête qui semble en arrêt devant une mort qui semble sans intérêt et finalement peu importante dans le cycle de la vie qui continue. Après tout la victime avait 79 ans ...
Irène Frain a tout un tas de questions er cherche désespérément des réponses, elle imagine la dernière journée de sa soeur, s'invente un juge d'instruction imaginaire qui l'écoute
Certes, ce fait divers est le fil conducteur du livre mais ne constitue que le vernis de l'histoire car c'est surtout l'histoire d'une famille et des rapports distendus entre deux soeurs qui se sont follement aimées. Pourquoi cette distance avec sa famille ? avec sa soeur qu'elle n'avait pas revu depuis de nombreuses années.
Certes, le lecteur n'est pas submergé d'émotions, ce que ce type de lecture peut parfois amener mais la plume tout en mesure et retenue d'Irène Frain y contribue. Même quand elle s'agace et semble sentir de ses gonds, tout est dans la mesure, elle semble accepter les choses. Le travail de deuil semble encore en cours puisque sans réponse il est souvent impossible de refermer complètement la page et finalement d'expulser toutes ses émotions.
Une belle lecture à découvrir !
« Ce samedi-là, il a fait beau » et c’est ce samedi-là qu’un inconnu entre dans le pavillon et la vie tranquille d’une septuagénaire qu’il roue de coups et laisse pour morte. Sur la table, des fleurs de lavande éparses pour les sachets que la vieille dame était en train de confectionner lorsque surgit la violence. Découverte par son fils et transportée à l’hôpital, elle décèdera de ses blessures six semaines plus tard.
Irène Frain s’empare de ce fait divers sordide parce qu’il la concerne de très près : la victime, Denise, était sa sœur aînée adorée quand elle était petite, sa sœur qui a rompu les liens, a pris ses distances avec sa famille.
Irène Frain « rumine et remâche », elle « fantasme sur le meurtre », s’interroge sur les raisons et sur l’identité du meurtrier. Elle décide de se renseigner sur les avancées de l’enquête mais elle apprend que le policier en charge de l’enquête n’a pas remis son rapport au tribunal, donc aucun juge n’a été saisi de l’affaire. Elle décide de prendre un avocat et de se constituer partie civile pour connaitre les avancées de l’enquête. Mais rien ne bouge. Elle doit aussi faire face au mutisme de sa famille.
C’est lorsqu’un ami lui dit « cette mort ne peut pas rester sans voix » qu’elle décide d’écrire sur Denise, symbole de tous ces invisibles qui n’intéressent pas grand monde. Pourtant, dans cette banlieue pavillonnaire proche d’une cité sensible et coincée entre zones commerciales et rocade, d’autres personnes âgées, isolées, ont été agressées et blessées. Irène Frain pose de vraies questions sur « la justice qui réduit les gens à pas grand-chose ».
Et voilà que, sous la plume sensible et alerte d’Irène Frain, revit la Denise d’antan, cette jeune fille gaie et intelligente qui deviendra professeur. Denise, admirée de tous et qui sera aussi la marraine de cette petite sœur à l’arrivée imprévue et qui dérange la mère.
Irène Frain se livre avec pudeur au décryptage des relations familiales jusqu’à la dépression de Denise et son éloignement. Puis viendra la rupture, douloureuse, avec la sœur tant aimée.
Dans ce récit autobiographique émouvant et prenant, on suit une enquête policière où on assiste, impuissant, à la lenteur de la justice, ce « mastodonte ». Mais les plus belles pages, à mon avis, sont celles qui font revivre cette sœur perdue de vue, la fée-marraine qui a enchanté l’existence de la fillette qu’était lors Irène Frain. Des pages sur les relations familiales avec une mise à nu bouleversante et pleine de retenue.
Un récit poignant qui garde vivant le souvenir de Denise l’invisible et qui m’a profondément touchée.
Ce n’est pas parce qu’un crime paraît « sans importance » aux yeux du Mastodonte de la Justice qu’il est acceptable de le classer sans suite, comme un simple fait divers ou comme un décès ordinaire.
Car le meurtre violent d’une femme âgée dans son pavillon au fond d’une impasse, ce n’est pas juste sa disparition du microcosme de son lotissement de la banlieue Sud de Paris. C’est aussi la douleur de la perte d’une grande sœur qui a tant compté dans la vie de l’auteure, c’est un sentiment d’injustice face au triste constat d’une enquête bâclée, c’est une révolte contre le renoncement de la Police affectée à la cité « sensible » voisine.
Irène FRAIN a 11 ans de moins que sa sœur Denise, une intellectuelle rayonnante d’assurance et de beauté, qui fût un modèle pour elle. Et si elle l’a perdue de vue depuis de nombreuses années, elle ne peut renoncer à demander justice pour son assassinat sauvage.
Le style de l’auteur est incisif, précis et assez froid, même si l’on sent l’amour qui a autrefois uni cette fratrie. Je n’ai pas été conquise par ce récit très distant sentimentalement même si je l’ai néanmoins trouvé nécessaire.
La photographie de cette « banlieue dortoir » est très floue et se limite à l’ambiance d’un bistrot et à l’immense centre commercial qui la jouxte.
La démarche de l’auteure est animée par le souvenir et au-delà de la colère, c’est le regret d’avoir laissé le temps passer et les liens se défaire qui lui donne une telle énergie.
Et, comme « il n’est jamais trop tard pour bien faire », je ne peux que lui souhaiter d’aboutir à une résolution de l’enquête, pour sa propre paix intérieure et pour notre besoin collectif d’une justice impliquée et efficace.
Irène Frain livre ici un récit très intime, 14 mois après le meurtre de sa sœur aînée de 79 ans, qui vivait seule dans un pavillon de banlieue.
Ce récit est à la foi une catharsis pour l'écrivaine, un cri de révolte et de colère contre l'inertie, voire l'indifférence et l'inaction de la police et de la justice qui ne cherchent ni la vérité, ni la défense d'une victime, un témoignage pour que le meurtre de sa sœur ne sombre pas dans l'oubli, pour qu'elle continue à exister, pour donner une voix à ceux qui n'ont aucune notoriété et que personne n'écoute.
Le début du livre est complètement impersonnel, froid, comme un rapport de police créant une sorte de malaise : énoncé des faits, on ne parle que de "victime", ce n'est qu'à la page 52 que celle-ci est enfin nommée, Denise, lors de la messe funèbre.
A partir de là, le récit devient plus personnel avec les souvenirs qui remontent : ceux heureux de l'enfance quand Denise, de 11ans plus âgée, remplaçait en quelque sorte la mère peu aimante, qu'Irène voyait comme une fée, qu'elle admirait et adorait mais aussi ceux plus douloureux lorsque Denise est déclarée bipolaire et qu'Irène perd tout contact avec elle pendant 12 ans.
C'est aussi un récit social dans lequel est décrite l'évolution de la société vers plus de mercantilisme, moins de relations humaines, une indifférence croissante à l'égard des "transparents", des plus faibles, une emprise de plus en plus forte de la violence.
Aucun pathos dans ce texte, voire une certaine froideur comme pour tenir l'émotion à distance, pour qu'elle ne floute pas le message. Dommage car j'ai eu plus l'impression de lire un article de presse bien écrit qu'un témoignage poignant.
ce livre est dans ma PAL. De Irène Frain, j'avais aimé "Les naufragés de l'île Tromelin"
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C'est une auteure que j'ai beaucoup lue dans les années 90 (ça ne me rajeunit pas !!:) avec Histoire de Lou, Devi et L'homme fatal puis plus rien; la curiosité n'était plus là; je la retrouve une vingtaine d'années plus tard pour ce récit mais sans grande conviction. Les goûts, les besoins, les émotions littéraires évoluent au fil des ans et c'est bien comme ça; on découvre ainsi de nouveaux auteurs, de nouveaux univers, de nouvelles portes s'ouvrent et c'est passionnant.