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Traquenoir

Couverture du livre « Traquenoir » de Ed Lacy aux éditions Editions Du Canoe
Résumé:

Le héros de Traquenoir est un Afro-Américain nommé Toussaint Marcus Moore. Engagé comme détective pour retrouver l'auteur d'un crime oublié dont l'arrestation constitue le clou d'une émission de téléréalité à gros budget, il doit pister un pauvre Blanc, lequel, malgré la filature serrée dont il... Voir plus

Le héros de Traquenoir est un Afro-Américain nommé Toussaint Marcus Moore. Engagé comme détective pour retrouver l'auteur d'un crime oublié dont l'arrestation constitue le clou d'une émission de téléréalité à gros budget, il doit pister un pauvre Blanc, lequel, malgré la filature serrée dont il est l'objet, se fait assassiner. C'est alors lui, Toussaint Marcus Moore, qui devient le premier suspect... et il est noir ! Si on l'arrête il est bon pour la chaise électrique. Il faut donc absolument qu'il retrouve l'assassin. Suspens !

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  • Ce livre, paru en 1957 fit l'objet d'une première traduction et parution en français sous un autre titre A corps et à crimes. Traquenoir est une nouvelle traduction, sans doute plus fidèle au texte d'origine selon Roger Martin dans la préface très instructive qui décrit l'auteur et ses...
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    Ce livre, paru en 1957 fit l'objet d'une première traduction et parution en français sous un autre titre A corps et à crimes. Traquenoir est une nouvelle traduction, sans doute plus fidèle au texte d'origine selon Roger Martin dans la préface très instructive qui décrit l'auteur et ses convictions anti-racistes, progressistes et pacifistes et son œuvre assez méconnue en France, ce qui est fort dommage ! Ed Lacy est l'un des pseudonymes de Leonard Zinberg (1911-1968), écrivain blanc, "juif, non-croyant, communiste, marié à une Noire et père adoptif d'une petite fille, noire elle-aussi" (p.8). Il crée avec ce titre un personnage de détective noir.

    Je me suis régalé dans ce polar qui nous plonge dans cette Amérique raciste, ségrégationniste et mccarthyste. Ed Lacy a fait de son héros un type pas banal : privé certes et souvent désargenté, comme il se doit, mais fidèle à son amie Sybil -il refuse les avances des autres femmes- ; il roule en jaguar, porte des costumes et chemises de valeur. Atypique dans le monde du polar.

    La critique de la société américaine de l'époque est très présente : la ségrégation bien sûr, la pauvreté et pas seulement celle des noirs, les emplois royalement laissés aux noirs dans l'administration pour leur laisser croire à une intégration dans la société, comme postier par exemple -poste qu'occupera Ed Lacy tout en continuant à écrire-, la violence ou tout au moins la suspicion des policiers envers toute personne noire, les débuts d'une certaine téléréalité... Tout cela en contexte d'une intrigue bien fichue et bien menée, qui, encore de nos jours, et malgré des milliers de romans policiers parus, tient le lecteur jusqu'au bout.

    Ed Lacy, va au plus court ne s’embarrasse pas de détails inutiles comme certains le font maintenant pour arriver à des pavés de 500 pages voire davantage. Et on ne rate rien, comme cet exemple que prend Roger Martin dans sa préface pour décrire la petite amie de l'homme que Touie suit : "on lui donnait dix-neuf ans et son teint pâle, ses yeux cernés, étaient ceux des petits Blancs de la campagne qui n'ont pas mangé à leur faim étant gosses." Voilà, on a une image assez précise de la jeune fille, plutôt que d'en faire des caisses sur son enfance malheureuse...

    Reste à espérer que d'autres traductions des livres d'Ed Lacy suivront, car comment résister à un auteur dont le livre débute par ces phrases :

    "Je finis par arriver à Bingston. Une petite ville du sud de l'Ohio, d'environ deux mille habitants, dont on a fait le tour en trois minutes. Une seule me suffit pour comprendre que j'avais commis une erreur en y venant." (p.19)

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  • La réédition d’un polar américain écrit dans les années 1950 ? J’achète !

    Par une maison d’édition que je n’ai jamais lu ? J’achète doublement !

    C’est sous le pseudonyme de Ed Lacy que Leonard Zinberg publie en 1957 cette enquête du détective privé Toussaint Marcus Moore. Un détective...
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    La réédition d’un polar américain écrit dans les années 1950 ? J’achète !

    Par une maison d’édition que je n’ai jamais lu ? J’achète doublement !

    C’est sous le pseudonyme de Ed Lacy que Leonard Zinberg publie en 1957 cette enquête du détective privé Toussaint Marcus Moore. Un détective particulier à plus d’un titre. D’abord parce qu’il est considéré comme le premier détective de fiction noir. Ensuite parce que ce job, il ne l’a pas choisi par vocation mais simplement parce que en tant qu’afro-américain (bien que diplômé, ancien combattant et décoré) les possibilités de job sont très limitées. Il tente donc, tant bien que mal, de gagner sa vie au service de clients noirs dans son Harlem natal.

    Pourtant un jour c’est une femme blanche qui vient lui proposer une mission. Elle travaille pour une émission de téléréalité et le charge de suivre un homme qui va rapidement être assassiné. Moore est le premier à trouver le corps et fait évidemment un suspect idéal. Afin de prouver son innocence et identifier le véritable coupable, il va devoir fuir New York et se rendre dans une bourgade paumée de l’Ohio où les Noirs ont leur quartier et leurs commerces réservés, car « la loi ne prime pas sur la coutume ».

    L'intrigue est simple et éprouvée dans de nombreux romans policiers : un détective privé solitaire, un innocent en fuite et une énigme à résoudre pour se sortir de ce traquenard. Mais l’auteur combine magistralement des tropes classiques avec les problèmes raciaux des années 1950. Il contraste son voyage aux confins de l’Amérique de Jim Crow avec le milieu hypocrite des intellectuels new-yorkais qui veulent désespérément être considérés comme des esprits ouverts. Il critique également le manque de moralité de l'industrie de la télévision et du divertissement, prête à laisser un criminel endurci en liberté pour attendre le moment opportun de le dénoncer, pour faire un coup de pub. En résumé, d’un Etat à l’autre, d’un milieu social à l’autre, Ed Lacy flingue ses contemporains avec une grande acuité sociale.

    Couronné en 1958 par le prix Edgar Allan Poe, ce roman noir « vintage » m’a, sans surprise, beaucoup plu mais sa seconde qualité c’est qu’il me donne furieusement envie d’en savoir plus sur l’auteur. Juif, communiste, marié à une noire, collaborateur du New Yorker, victime du maccarthysme, sa vie m’a tout l’air d’être un roman.

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