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« Il n'y a que deux façons de parler des gravures de Hogarth », écrit Lichtenberg en préambule à ses commentaires sur les gravures de ce peintre, « l'une prosaïque, qui se contenterait de dire en termes brefs et secs ce qu'on voit, l'autre, poétique, dans laquelle ce que l'artiste a dessiné devrait être dit comme il l'eût dit lui-même s'il avait pu conduire la plume comme il a mené la pointe ou le burin. » C'est ce que fait Patrick Genevaz, me semble-t-il, dans ses lectures de Rembrandt, l'humour en moins, mais il faut reconnaître que le sujet ne s'y prête pas vraiment.
Les trois gravures de Rembrandt commentées dans cet ouvrage mettent en scène des groupes d'hommes et de femmes que l'histoire a réunis autour de la figure centrale du Christ. Dans La pièce aux cent florins, l'artiste réunit dans la même planche plusieurs séquences : le jeune homme riche qui hésite à suivre le Christ, l'accueil des petits enfants, la guérison des malades, l'enseignement en Galilée, la malédiction des scribes et des pharisiens. Les deux autres estampes, Ecce homo et Les trois croix, subissent des changements si importants qu'on peut parler, pour certains états, d'oeuvres différentes, dont ne reste parfois qu'un tirage unique, comme le sixième de l'Ecce homo, ou la maculature du quatrième état des Trois croix, empruntés tous deux au British Museum.
Ici, plus que jamais, Rembrandt nous fait sentir que l'oeuvre est toujours en cours. L'auteur montre comment l'art du dessin instantané, ou de plusieurs instantanés non synchroniques, l'imperceptible faussement des perspectives qui permet de voir simultanément plusieurs scènes, l'entrée de certains personnages et la disparition de certains autres, sont les instruments de cette vivacité. Il ne s'agit pas de percer le mystère de ces oeuvres, mais de rappeler que ce mystère n'est jamais imprécis, tout en soulignant l'extraordinaire diversité des noirs d'où ces scènes ont surgi : noirs protecteurs des fonds dans La pièce aux cent florins, noirs inquiétants dans les sous-sols de l'Ecce homo, noirs d'une pluie de sang dans Les trois croix.
Enfin l'auteur aborde ce qu'il appelle singulièrement la sonorité des estampes de Rembrandt. Tout autant que la lumière et les noirs, les lignes et les mouvements, l'expression des visages et le langage des mains, les sonorités de ces trois estampes contribuent à l'harmonie dans La pièce aux cent florins, accusent la dureté dans l'Ecce homo, convoquent le désordre dans Les trois croix. Ce n'est pas seulement le visage, toujours central, du Christ, mais sa parole, en apparence peu forte, que l'artiste nous révèle. Elle est le lien permanent et secret de ces trois estampes.
Le tirage des reproductions, extrêmement heureux quant aux noirs, a été réalisé, à l'instar des gravures originales, qui proviennent de la BnF, du British Museum et de l'Institut néerlandais, sur un papier vergé, comme le reste de l'ouvrage et tous les livres des éditions La Délirante.
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