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Une nuit, un jeune homme est arrêté et enrôlé pour une guerre dont personne ne sait rien.
Dans un camp isolé, il commence son entraînement militaire. D'abord chargé de surveiller un rocher, puis de ramasser le crottin de cheval, il est ensuite promu gratte-papier. L'ennemi, quant à lui, reste invisible et toujours aucun combat à l'horizon... La vie s'écoule. On proclame férié le jour de changement d'uniforme. A son bureau, le narrateur s'invente une vie imaginaire... Dans la lignée des plus grands chefs-d'oeuvre de la littérature latino-américaine, un roman magnifique sur l'aliénation de l'individu et les paradoxes de l'enfermement en hommage au Désert des Tartares de Dino Buzzati.
SOUVENIRS DE LA GUERRE RECENTE se présente comme le récit d’un personnage, emmené un jour sans raison dans un camp militaire pour s’entraîner à défendre son pays qu’une guerre imminente est censée menacer. Après 17 années passées dans ce camp à attendre les attaques de l’ennemi et à accomplir le plus sérieusement les tâches qui lui sont confiées, il est est libéré mais ne pouvant s’adapter à la vie civile, décide de retourner au camp .
Ce récit à la première personne est fait par un homme dont on ne connaît jamais l’identité, qui s’inscrit dans un groupe désigné par « nous « .
C'est un récit qui ne comporte aucun nom propre, aucune information géographique permettant de localiser le pays, aucune information permettant de dater l’action, apportant seulement des indications de durée .
Un récit cependant précis, comportant peu de dialogues et qui tel un compte-rendu ou plutôt tel un rapport militaire analogue à ceux dont le personnage prend connaissance, est constitué de phrases sèches, juxtaposées relatant des activités routinières,parfois absurdes, mais toujours accomplies scrupuleusement dans cet univers d’enfermement.
Un récit qui, quoique sec et dépouillé, n’est pas exempt de poésie dans les passages où le personnage évoque ses rapports fusionnels avec la nature, la nuit, en sentinelle, sur le rocher .
Un récit, donc, qui ne permet pas de répondre aux questions habituelles : Qui ? Où ? Quand ? et qui tel une fable possède une portée plus large qu’un roman ancré dans un contexte historique ou politique
Quel sens alors peut-on donner à cette « fable » dans laquelle on reconnaît une situation d’attente analogue à celle du DESERT DES TARTARES de Buzzati ( parenté que revendique Liscano dans sa préface ) ou à celle du RIVAGE DES SYRTES de Gracq ; un personnage qui rappelle celui du PROCES de Kafka et des actions sans justification proches du théâtre de l’absurde ?
Il semble que au travers de cette histoire on puisse voir l’image de l’individu au sein d’un régime de dictature, soumis, conditionné, accomplissant aveuglément des activités aliénantes et dérisoires comme ramasser du crottin, mais apparemment utiles et par lesquelles il trouve une sorte de paix . L’individu qui a fait siennes les lois du régime, qui s’y sent à l’aise « la liberté c’était faire son devoir……obéir à ce qui avait été stipulé…sans recevoir en échange » et pour lequel c’est la liberté qui est effrayante . Cet individu ne se désigne jamais du nom de prisonnier et lui préfère celui de soldat, plus positif puisqu’il connote l’idée d’un devoir utile à accomplir . Le camp où revient le héros à la fin du roman est désigné par le mot « maison ». Rares d'ailleurs sont les soldats qui acceptent de le quitter quand ils en ont reçu l’autorisation : ils ne sont que deux, les plus jeunes, ( ce camp n’a, semble-t-il pas encore eu le temps de produire son effet aliénant ….)
Nulle part, Carlos Liscano ( écrivain uruguayen qui vient de mourir le 25 mai 2023) ne dénonce ouvertement l’univers carcéral qu’il a pourtant connu pendant 13 ans de 1972 à 1985 mais ce récit paru en 2007 ( et c’est là toute sa force et son intérêt ) ne cesse de montrer, par une sorte d’ironie, le danger de la soumission à l’ordre et à l’autorité .Une phrase du journal de Kafka est d'ailleurs placée en exergue : « Je lutte, personne ne le sait »
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