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Harcèlement, humiliations, insultes : nous sommes bien averti.es de ces fléaux de la vie en société et nous nous efforçons de lutter contre eux. Mais il y a un cas de figure que nous négligeons : celui où l'agresseur, c'est... nous-même. Bien souvent résonne dans notre tête une voix malveillante qui nous attaque, qui nous sermonne, qui nous rabaisse ; qui nous dit que, quoi que nous fassions, nous avons tort ; que nous ne méritons rien de bon, que nous présentons un défaut fondamental. Cette voix parle particulièrement fort quand nous appartenons à une catégorie dominée : femmes, enfants, minorités sexuelles ou raciales...
Ce livre se propose de braquer le projecteur, pour une fois, sur l'ennemi intérieur. Quels sont ces pouvoirs qui s'insinuent jusque dans l'intimité de nos consciences ? Comment se sont-ils forgés ?
Nous étudierons quelques-unes de leurs manifestations : la disqualification millénaire des femmes et, notamment, aujourd'hui, des victimes de violences sexuelles ; la diabolisation des enfants, qui persiste bien plus qu'on ne le croit ; la culpabilisation des mères, qui lui est symétrique ; le culte du travail, qui indexe notre valeur sur notre productivité ; et enfin la résurgence de logiques punitives jusque dans nos combats contre l'oppression et nos désirs de changer le monde.
Vous l’entendez, vous aussi ? Cette petite voix intérieure pleine de reproches ? Cet ennemi intime qui commente et juge à peu près tout ce qu’on fait et tout ce qu’on est ? Trop ceci, pas assez cela. Résister à la culpabilisation cherche à identifier les fondements et les séquelles de ces pensées hostiles qui nous pourrissent la vie, qui nous empêchent d’exister.
Avant de développer son sujet, cette tyrannie envers soi-même, Mona Chollet prend quelques précautions. “Je suis un peu embarrassée de consacrer un livre à l’ennemi intérieur, à une époque où les ennemi.es extérieur.es sont en si grande forme.” Mais il faut dire que ce compagnon barbelé est davantage intériorisé qu’intérieur : il résulte d’une assimilation d’injonctions venues d’ailleurs.
Elle évoque d’emblée la notion de “péché originel” issue de l’héritage culturel chrétien qui voudrait que la femme soit fautive et dont on traîne encore les casseroles. Elle émet ensuite d’autres hypothèses, comme la flambée du discours misogyne au XIIIe siècle avec la création des universités, dont les femmes, entre autres, considérées comme des semblables et donc comme des menaces par les dominants, sont privées d’accès. S’ensuit un affaiblissement de leur statut professionnel, politique, juridique, domestique. Des siècles plus tard, “les femmes croulent sous le poids des représentations négatives d’elles-mêmes accumulées au cours de leur existence.”
Comme toujours avec Mona Chollet, c’est à la fois très personnel et très documenté. Des anecdotes de sa vie personnelle ou amicale côtoient des extraits de podcasts ou des citations de documents autour de ces sentiments de culpabilité souvent injustifiés. Elle s’indigne, elle ajoute des parenthèses furieuses, elle prend partie pour les populations dominées, les femmes, les mères, les enfants, avec des mots habilement choisis et des tournures aussi soignées que “nous pataugeons dans la mare saumâtre de l’individualisme.” On en retient des conseils concrets, la nécessité du changement, et un peu d’espoir pour la suite.
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