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Je suis né à Madrid, dans les années soixante. Franco était encore au pouvoir et, de temps en temps, son cortège passait devant ma fenêtre. Quelquefois, ma mère et moi nous descendions pour voir de plus près. Je n'oublierai jamais cette attente, le défilé des limousines sur l'avenue. Paradoxalement, nous habitions un quartier d'étrangers et d'artistes où régnait une atmosphère authentiquement cosmopolite, une réelle décontraction. Un quartier qu'on appelait plaisamment Costa Fleming parce qu'on s'y sentait, disait-on, tous les jours en vacances.
La vie, lorsqu'elle n'est pas corsetée par l'idéologie, nous réserve parfois des surprises. Je ne crois pas à la liberté absolue, qui ressemble trop à un rêve de toute-puissance, mais j'aime les parenthèses, les clairières du temps, quand les certitudes desserrent leur étreinte et laissent aux individus le loisir de respirer et d'inventer.
J'évoque ici une période particulière de l'histoire de l'Espagne, les deux décennies comprises entre 1965 et 1985, qui sont aussi les années de mon enfance et de ma jeunesse. La dernière séquence du franquisme, la transition démocratique, la tentative de coup d'État, la Movida... En ce temps-là, les pays occidentaux semblaient encore très différents les uns des autres, et l'Espagne était l'un des plus singuliers. Depuis, une certaine uniformisation est à l'oeuvre. Doit-on s'en réjouir, le regretter ? Il n'est pas interdit, en tout cas, de se souvenir.
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