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Près de 145 000 êtres humains ont été déportés dans le camp (ou, plus exactement, dans le complexe de 42 camps) de Ravensbrück de mai 1939 à avril 1945 et environ 28 000 ne sont pas revenus. Instrument de terreur politique, d?exploitation économique et d?extermination par le travail, par les mauvais traitements, les exécutions sommaires et le gazage, ce centre, qui a durant trois mois (en 1942) coiffé aussi l?administration du camp féminin d?Auschwitz, a la particularité d?avoir détenu principalement des femmes : prisonnières politiques, Témoins de Jéhovah, prisonnières raciales (Juives, Tziganes...), prisonnières « sociales », captives de guerre (notamment de l?Armée rouge), résistantes des pays occupés (Geneviève Anthonioz-de Gaulle et Germaine Tillion, entre autres, parmi les Françaises). Celles qui étaient mères virent leurs enfants massacrés dans d?atroces souffrances, celles qui étaient enceintes furent contraintes à l?avortement, de jeunes Polonaises (les « Lapins ») servirent de cobayes à d?abominables « expériences » médicales. A peine nourries et vêtues, perpétuellement exténuées de labeur et d?insultes, battues, les survivantes ont été marquées à jamais.
Comme ailleurs, les SS ont détruit les archives de l?horreur mais ils ont particulièrement bien réussi à Ravensbrück : jusqu?au travail de Bernhard Strebel, chercheur et enseignant à Hanovre, le sort de dizaines de milliers de victimes était presque totalement ignoré (Allemandes « pollueuses de la race », Juives hongroises, sans oublier quelque 20 000 détenus hommes d?un camp annexe, etc.). Il a fallu des années d?acharnement et d?ingéniosité à l?historien pour reconstituer, au moyen de documents indirects (par exemple ceux de l?entreprise Siemens), l?histoire de Ravensbrück : organisation, encadrement, conditions d?enfermement et de travail, qui ne furent pas uniformes selon les époques et les parties du camp, etc.
Jamais un travail équivalent n?a été mené sur un camp de concentration. Et pourtant les épouvantables faits qu?il relate ne s?estompent pas derrière l?érudition : l?histoire fait ici la preuve qu?elle est le meilleur auxiliaire de la mémoire. Traduit de l?allemand par Odile Demange
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