http://alombredunoyer.com/2016/01/13/prendre-gloria-marie-neuser/
Après Prendre Lily l'an passé, Marie Neuser publie Prendre Gloria, deuxième tome de la série Prendre Femme. N'ayant pas lu le premier opus, ce fut une découverte totale pour moi. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que...
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http://alombredunoyer.com/2016/01/13/prendre-gloria-marie-neuser/
Après Prendre Lily l'an passé, Marie Neuser publie Prendre Gloria, deuxième tome de la série Prendre Femme. N'ayant pas lu le premier opus, ce fut une découverte totale pour moi. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est une lecture différente mais très marquante car captivante!
"Et Gloria Prats dans tout ça ? Gloria ? On l’a cherchée partout, on ne l’a pas trouvée. Il n’y a pas de corps. Gloria n’a plus de corps. Elle est sûrement quelque part, on est toujours quelque part"
Ce qui étonne d'emblée dans cet ouvrage, c'est sa structuration. Tout est sciemment et savamment mélangé. On saute d'une époque à l'autre (1993 l'année de la disparition jusqu'en 2010, en passant par 1998,1999,2002,2004,...), d'un témoignage à l'autre, d'une diatribe de la justice italienne à celle de l'église catholique (pédophilie)... en passant par les clichés sur l'Italie... Marie Neuser distille les informations petit à petit, de manière fragmentée, tel un puzzle pour garder l'attention du lecteur et surtout une cohésion dans son récit. C'est assez déconcertant dans un premier temps, il faut vraiment s'habituer. On est loin du thriller classique!
"[...] parce que vous savez, en Italie, on a peut-être les plus grands artistes, mais certainement pas les plus grands flics."
"Se taire c’est une des choses qu’on sait faire le mieux dans ce pays. Alors motus et bouche cousue, j’ai reposé la clé et je suis rentré à la maison avec mes putains de tuiles. Dans les mois qui ont suivi j’ai refait le toit de mon garage."
"Le corps des femmes c’est le démon. Le corps des hommes c’est l’incarnation de la volonté de Dieu. Il avait demandé : alors quand vous faites les plaisirs avec mon corps c’est la volonté de Dieu ? Il lui avait répondu : ça rend content le petit Jésus. Quand Don Pepe et lui rendaient content le petit Jesus[…]"
De même, on connait immédiatement le coupable. Ce qui suit ne sera donc pas une vraie enquête mais plutôt la réponse à la question suivante: Damiano SOLIVO va t il être reconnu coupable et condamné? Ou passera-t-il entre les mailles ? Sera-t-il protégé par les relations de son père? Pas évident comme thématique, mais succès sans contestation de l'auteur. Une fois habituée, il est réellement impossible de lâcher l'affaire. Plus ça va, plus l'intérêt croit, plus les pages tournent vite et plus le rythme devient haletant. Surtout que l'auteur mélange dans le dernier tiers du livre l'affaire anglaise relatée dans Prendre Lily.
Il faut savoir que c'est tiré d'un fait divers réel. Dans ce drame, pots de vin et autres appuis sibyllins, abus de pouvoir, amitiés nauséabondes, disparitions inexpliquées, assassinats, dissimulations, mensonges, silences, puissance protectrice "mafieuse", obstination d'un policier ou à la fin d'une juge ont une place non négligeable. De rebondissements en rebondissements, émouvante ou énervante, la narration fait souvent froid dans le dos.
Les chapitres courts, les dialogues fréquents contribuent grandement à l'importante rythmicité. Petit et léger bémol sur le style pas toujours très recherché et surtout l'écriture qui n'est pas toujours travaillé (certaines tournures de phrases ou l'utilisation de certains mots m'ont marqué négativement). Cela dénote un peu c'est dommage, mais cela reste très bon dans l'ensemble rassurez-vous. Je regrette également le laisser-aller que s'autorise l'auteur quand elle évoque les albanais...Un peu trop facile à mon goût.
"Personne n’ignore que pendant que de braves gens bien de chez nous œuvrent à diffuser la dignité, l’honnêteté du travail et des valeurs de leur patrie, nombre de métèques viennent profiter des largesses de l’Etat et molester nos femmes et nos filles. Et si un beau jour on retrouve la petite sur un trottoir de Tirana, vous ne pourrez pas me dire que je ne vous avais pas prévenus."
Quoiqu'il en soit, le lecteur ne peut rester indifférent que cela soit à la souffrance de la mère de Gloria:
"Mais quelle honte… quelle honte… Dire une chose pareille sur ma fille, monsieur, quel manque de respect envers ma fille, envers la mère que je suis monsieur, dire que ma fille pourrait s’être enfuie avec un homme mais vous devriez avoir honte monsieur, ma fille est honnête, elle est innocente, et nous sommes une famille honnête nous monsieur, une famille comme il faut. Et je vous les dis moi les choses monsieur, sauf le respect que je vous dois, mais s’il est en train d’arriver malheur à ma fille pendant que nous sommes là à écouter vos cochonneries c’est avec le Bon Dieu que vous aurez à régler des comptes. Monsieur. Franco Spada resta pantois."
Que ce soit face à l'arrogance du père de Damiano:
"Damiano n’est pas un détraqué. Damiano a sa façon à lui, inventive et personnelle, de s’emparer des femmes. Avec lui, j’ai ri de cet épisode. Il était bouleversé par la torgnole que lui avait administrée le fiancé : il m’a fallu lui rappeler que rien de grave ne s’était passé, que je comprenais son désir de s’insérer, même par des moyens détournés, dans le corps féminin, mais qu’il fallait à présent qu’il trouve des expédients un peu moins éclatants. J’avais un con, il fallait bien faire avec."
Ou face à "la maladie" dont souffre Damiano:
"A présent il était enfermé dans la forteresse de sa chambre et il s’était laissé tomber sur son lit, ‘écume aux lèvres. Son trésor était devant ses yeux. Il y avait de l’or là-dedans, tellement d’or. Le parfum d’agrumes était enivrant. Il la lissa au creux de ses doigts, la caressa longuement, mon Dieu c’était de la soie, du duvet, une aile d’oiseau."
Si certains personnages nous font horreur, on s'attache rapidement à d'autres. Je vous laisse découvrir tout cela...
Faut-il lire les deux livres dans l'ordre ? Il ne me semble pas avoir été lésé en commençant par Prendre Gloria. Cependant j'ai surement appris des détails importants sur l'affaire anglaise.
Malgré quelques doutes et difficultés dans les premiers chapitres, je ressors conquis de ma lecture de Prendre Gloria. Rythmé, au scénario atypique, on passe par toutes les émotions. Cet opus aura su me captiver jusqu'à la fin et est une vraie réussite. Je lirai assurément le premier tome que je me suis procuré également en numérique. Et je vous les conseille également.
4/5
oui je l'ai trouvé original par rapport à d'autres polars et il installe une vrai tension, remarquable et le côté analyse sociologique, de la société italienne m'a embarqué