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Lorsque le feu s'est mis à dévorer le ciel au Nord et que les hommes blancs ont multiplié leurs visites à la réserve, le clan de L'Homme qui Marche a vu son passé de colonisé ressurgir et les souffrances endurées par son peuple. Hokee, fruit du viol de Yanaba par un général du Bureau des affaires indiennes, observe, depuis les falaises de Black Mesa, son clan se déliter sous les pressions d'une compagnie minière qui s'emploie activement à imposer son enfer noir. Racontée à travers le regard de la jeune Navajo, l'errance de ces hommes, chassés de leur terre, prend aux tripes. Sous la plume intimiste de l'auteure, cette lutte somptueuse entre ancien et nouveau monde prend des airs de tragédie grecque, imposant au lecteur la noirceur suffocante précédant la lueur d'un espoir.
« L’orage a deux maisons. L’une occupe une brève place sur l’horizon ; l’autre, tout un homme suffit à peine à la contenir. » René Char, Recherche de la base et du sommet. »
Essentiel, une mise en abîme magistrale. Une effusion littéraire époustouflante.
D’ombre et de lumière, nécessaire, Poussières noires est un cri dans la nuit noire. Vibrant, un tour de force. Un regard qu’on ne lâche pas un seul instant.
Ce genre de livre qui ne laisse pas indemne tant il déploie une cruelle vérité.
Catherine Gucher enseigne la sociologie côté ville. Érudite et perfectionniste, son récit est de fait appuyé, précis et juste. N’oublions pas son admirable « Et qu’importe la révolution ? »
« Comment le malheur est -il arrivé ? Je ne saurais le dire. Ce que je sais, je l’ai capté dans la plainte modulée des plaines, jour après jour. »
Hokee est une jeune Navajo. Sang mêlé, sa mère Yanaba, violée par le Général Bouton d’Or. L’irrévocable arborescence ténébreuse et génocidaire. Peuple broyé, les résistances à corps et à cris. Les rituels piétinés par des jeeps en folie. L’appât d’alcool, de billets verts pour les uns, tortures et soumissions pour ceux « dont la nuit est longue et n’en finit pas. »
« Poussières noires » l’enfer noir, naufragés peuple-ombre, « mais n’oubliez pas que cette terre est notre mère sacrée et qu’il faut la protéger. »
On ressent une empathie stupéfiante pour Hokee, fuite survivance, le regard affûté, en partance avec quelques-uns de sa tribu, la vengeance aux abois.
« Combien de temps avons-nous marché ? Combien de jours se sont écoulés depuis que nous avons quitté Big Moutain ? »
Hokee est un symbole. La voie de la renaissance à la vie. Porte-parole d’une ethnie dont le halo fragilisé est de luttes et chaos.
« Poussières noires » éclairant, porte-voix entre l’Histoire et la fiction. L’intelligence absolue d’une sociologue dévorée d’estime pour la narration.
Ce livre bleu-nuit est mémoriel. Un message pour ne pas oublier. Se rappeler de cette femme porte-drapeau au fronton des douleurs. Des intestines soumissions et d’une terre pillée, l’enfer noir. Un jour certain, des femmes témoigneront militantes, amérindiennes, comme le dit si bien Catherine Gucher : un espoir au-dessus de la clôture. Le peuple navajo dans ce cercle de Poussières noires. Inestimable et perpétuel. Publié par les majeures éditions Le Mot et le Reste.
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